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Journaliste(s) contre blogs

A propos d'un billet de Raffaella que j'ai traduit ces jours-ci et d'un article de l'Avvenire, réagissant au même billet (24/1/2015)

Vici ce qu'on lit sur l'Avvenire daté du 23 janvier, sous la plume d'un certain Guido Mocelli.

Vie, oeuvres et miracles d'un blog inquiet de la santé de Benoît

L'auteur de l'article constate que les échos du voyage du Pape en Asie, et des attentats de Paris commencent à s'estomper sur internet, bien que, dit-il, représentant encore respectivement 25% et 15% des liens.
Parmi les 60% restants (il a fait la soustraction!), il choisit, curieusement (?) le post du «blog de Raffaella» (guillemets dans le texte) que j'ai traduit avant hier (
Celui qui croit n'est jamais seul... ), en particulier parce que je me sentais impliquée à titre personnel.
Dans ce post, poursuivait-il....

... s'exprimait de l'inquiétude à cause du temps écoulé sans nouvelles ni photos de Benoît XVI (inquiétude promptement soulagée dans le post suivant: le pape émérite venait d'assister à un concert de musique de chambre).
C'est depuis sa naissance (en 2007) que je suis avec curiosité et respect (ndt: précaution rhétorique pour faire passer la suite) - même sans en partager la coupe - ces pages, d'abord en progression démesurée sous le nom de «Blog des Amis du pape Ratzinger» et aujourd'hui moins mises à jour et moins fréquentées. L'intention originelle de «Raffaella» était contre la polarisation négative des médias envers le pape allemand, offrant une revue de presse militante, qui divisait strictement les articles en «amis» et «ennemis». Avec le nouveau pontificat, le choix de continuer à défendre et valoriser l'oeuvre du prédécesseur de François a retenu l'administeur du blog (mais pas ceux qui le fréquentent) de se ranger parmi les «ennemis du pape Bergoglio», même si parmi les rares journalistes qu'il continue à reprendre, l'un, Magister, ne fait certes pas de cadeau au pape Argentin, et l'autre, Socci, ne lui accorde aucun crédit.
A moi (???), ce blog, avec son ingénuité et ses contradictions, semble sincère. Ce qui m'a paru être confirmé quand «Raffaella» s'est montrée littéralement traumatisée par la renonciation au pontificat de Benoît (ndt: elle n'est pas la seule), et a révélé quelque chose de très personnel sur sa raison de se consacrer à cette «mission» et son incertitude quant à la poursuivre. Mais je n'ai aucune preuve: l'auteure(?) (ndt: non, je ne me suis pas convertie à la féminisation socialiste des noms, mais l'italien a la forme au féminin "autrice") continue de se cacher dans l'anonymat numérique le plus total.
Un choix que je ne comprends ni comme journaliste journaliste ni comme croyant.

Il y aurait beaucoup à dire sur cet article, je me limiterais à quelques remarques.
D'abord, je ne veux pas m'immiscer en tiers dans une querelle qui ne me regarde pas a priori, mais je suis solidaire de Raffaella: je la connais depuis longtemps, cela fait huit ans qu'elle tient son blog, pour des raisons qui sont les mêmes que les miennes, dans un esprit à la fois de réinformation et d'abnégation, mais sans une once d'agressivité. Le travail incroyable de documentation qu'elle a effectué juqu'au 28 février 2013, toujours en ligne, reste infiniment précieux. Parmi ses nombreux "dossiers", celui sur la lutte de Benoît XVI contre la pédophilie dans l'Eglise est unique, c'est un exemple de rigueur, et un outil exhaustif de premier plan, même pour des chercheurs.

La première remarque que je ferais à propos de l'article de l'Avvenire est plutôt positive: le billet de Raffaella a rencontré un écho dans un journal influent dans le milieu ecclésiastique. Il est en effet important que l'on sache que le Pape Benoît continue à susciter un grand intérêt motivé par l'affection et la fidélité - et bien sûr une profonde nostalgie, que le cours actuel ne peut que renforcer..

Je n'insisterai pas sur ce qui semble être la ligne actuelle du quotidien des évêques italiens, que mes lecteurs ne connaissent sans doute pas tous, ou seulement de nom. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler bientôt. Toutefois, il est clair que l'auteur de l'article exprime son dépit qu'un blog très lu ose ne pas rejoindre les rangs des bergogliens de fer. Lui-même en fait partie, il suffit de regarder l'image de sa page d'accueil de Facebook , une fresque de Giotto évoquant "le rêve d'Innocent III" (cf. fr.wikipedia.org), semblant indiquer que le pape actuel est en train de relever une Eglise en ruines!

Un point me chiffonne, c'est la condescendance du ton (perceptible dès le titre, d'une ironie déplacée: "vie, oeuvres et miracles..."), avec des mots très révélateurs: "une revue de presse militante, qui divisait strictement les articles en «amis» et «ennemis»"; "ce blog, avec son ingénuité et ses contradictions, semble sincère" (ndt: je ne vois aucune contradiction: Raffaella tient la même ligne depuis huit ans!) Les journalistes professionnels seraient-ils les seuls à avoir le droit de "médier" l'information? Ils sont sans doute agacés de constater qu'ils ne sont pas irremplaçables, et les faits prouvent de plus en plus que l'information la plus solide ne passe plus par eux!

Un autre point retient particulièrement mon attention, parce qu'on m'a déjà fait exactement le même reproche, c'est le couplet sur l'anonymat, que l'auteur prétend ne comprendre "ni comme journaliste ni comme croyant". Peut-être qu'il n'a pas suffisamment réfléchi à la question. Raffaella y répond en ce qui la concerne de façon très convaincante ici, et pour ceux qui ont la patience de me lire, j'y avais moi-même répondu de façon détaillée ici: benoit-et-moi.fr/2012-I

Enfin, une dernière remarque.
Guido Mocellin accuse Raffaella de contradiction, mais pour reprendre une expression du Pape, il ferait mieux de s'intéresser à la poutre dans son oeil plutôt que de chercher la paille dans celui du voisin.
La caste journalistique dans son ensemble (et à la lecture de son article, rien ne me laisse supposer qu'il s'en démarque) n'a de cesse de dénoncer la théorie du complot, piège dans lequel tomberaient immanquablement (selon ses confrères) ceux qui chercheraient l'information ailleurs qu'aux sources homologuées... Mais que fait-il, sinon une crise de complotite aigüe lorsqu'il insinue de façon à peine subliminale que Raffaella n'est peut-être pas celle qu'elle prétend être, qu'elle n'est peut-être même pas une femme: qui sait, quelque religieux réactionnaire, quelque "curial" aigri...

Finalement, ce qui émerge de ce texte subliminalement (à peine!) malveillant, en dehors du fait que des gens - qui se disent bons catholiques et sont sûrs à ce titre de détenir la vérité - ne peuvent pas comprendre que l'on puisse faire quelque chose gratuitement, simplement par amour, c'est que conserver son affection au Pape émérite, aujourd'hui, dans un certain milieu, c'est un péché. Et le faire savoir vous expose à être montrés du doigt comme naïfs, peu éclairés (par litote), manichéens et sectaires.

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