Messori lynché
Deux articles qui permettent de réféchir au-delà de l'anecdote: celui d'Antonio Socci, et un autre, trouvé sur le blog Libertà e personna, qui évoque rien moins qu'une "lacération du monde catholique" à travers la relation Messori/Tornielli (5/1/2014)
>>> Ci-contre: Messori et Tornielli ensemble à l'AG de Benoît XVI, le 5 novembre 2008 (d'autres images ici: benoit-et-moi.fr/2008)
Articles reliés
Vittorio Messori est connu en France, mais seulement dans un certain milieu. Les réactions à son article du 24 décembre 2014 ont donc reçu chez nous un écho modeste (sauf chez moi...). Mais ce quasi-boycott s'explique aussi par l'absence en France de tout débat sur le Pontificat actuel (alors que le précédent y était plus largement contesté qu'ailleurs!)
Ceux qui ont tendance à voir dans le lynchage médiatique qui a suivi son "outing" de la veille de Noël un simple épisode de guerre picrocholine entre italiens se trompent. Car ce lynchage (pour le moment virtuel! mais après la publication du "Rapport Ratzinger", en 1985, Messori avait reçu des mêmes - ou de leurs ancêtres - des menaces de mort bien réelles) est très représentatif d'une ambiance d'intolérance qui se développe autour du pontificat-miséricordieux-du-pape-venu-du-bout-du-monde.
Un exemple frappant est l'évolution de la relation entre Andrea Tornielli (dans son nouveau rôle de porte-parole/garde suisse de la papauté) et Vittorio Messori.
Mon attention a été attirée par le second des deux articles ci-dessous d'abord parce qu'à mon petit niveau (et sur un mode mineur), j'ai moi-même fait l'expérience de la "lacération" qu'évoque l'auteur; et surtout parce que je me suis souvenue de la relation étroite d'amitié qui liait il y a peu de temps (mais cela semble un siècle!) les deux hommes.
Ils ont écrit à quatre mains, un livre intitulé "Pourquoi je crois", paru en 2008 (benoit-et-moi.fr/2008) .
Le 5 novembre 2008, ils étaient ensemble à l'audience générale de Benoît XVI (benoit-et-moi.fr/2008)
Et en 2011, ils ont tenu durant plusieurs mois sur La Bussola une rubrique hebdomadaire sous forme de dialogue, "Messori passe à table" que j'appréciais beaucoup (benoit-et-moi.fr/2011-I).
On verra que le moins que l'on puisse dire, c'est que Tornielli n'a pas volé au secours de son "ami" lynché, mais s'est plutôt joint, mesquinement, au choeur des lyncheurs.
Comme la modération, la sincérité et la foi catholique profonde de Vittorio Messori ne font aucun doute, faut-il en conclure que la françoismania (un peu comme la socialomania) rend les gens MÉCHANTS? C'est peut-être un jugement excessif, mais il y a désormais des indices qui s'accumulent en ce sens.
MESSORI LYNCHÉ POUR AVOIR EXPRIMÉ QUELQUE TIMIDE PERPLEXITÉ ...
Antonio Socci
www.antoniosocci.com
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La furieuse «Inquisition progressiste», qui ces jours s'est déchaînée contre Vittorio Messori met en évidence l'intolérance grotesque qui est la connotation de la saison bergoglienne. Voici ce qui est arrivé.
Le 24 Décembre, Vittorio Messori, dans le Corriere della Sera, a signé un commentaire très modéré où, avec beaucoup de respect, à côté de louanges au pape argentin, il a exposé quelques «perplexités» au sujet de certains de ses gestes et déclarations. L'auteur a ainsi donné la parole à un malaise qui, dans le monde catholique, est de plus en plus grand, même s'il n'est pas raconté par les médias laïcistes occupés à encenser quotidiennemnt Bergoglio avec une adulation qui flirte avec un «culte de la personnalité» ridicule. Même de nombreux évêques et cardinaux ont la nausée devant un personalisme tellement exagéré, et suspect, venant des ennemis de toujours de l'Eglise, lesquels en réalité opposent Bergoglio à l'Eglise.
Trouble
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Beaucoup de catholiques sont consternés par la recherche avide d'applaudissements à tout prix du pape Bergoglio qui ne s'occupe pas des chrétiens persécutés et massacrés, mais, par exemple, après avoir téléphoné amoureusement à Pannella, qui a remis ça avec Benigni (le citant de façon inappropriée lors de la messe à Saint-Pierre) [c'était durant l'homélie du 31 décembre, cf. www.huffingtonpost.it/2015/01/01/papa-francesco-cita-benigni]
(...). Dans le monde catholique circulent des commentaires sarcastiques sur cette mondanité spirituelle.
Au contraire, Messori a évité toute polémique et toute aâpreté. Il n'a même pas mentionné le consistoire traumatisant de Février et le Synode d'octobre qui ont vu pour la première fois un pape appuyer et soutenir, dans les coulisses, des thèses hétérodoxes comme celles de Kasper (pour le moment bloquées par le soulèvement de la majorité des évêques et des cardinaux ). Messori a même écrit que - dans tous les cas - le «Pape émérite» a donné sa «pleine approbation à l'activité de François» ce qui est vrai si l'on entend par là que Benoît XVI a déclaré la reconnaissance hiérarchique de François, mais en gardant à l'esprit que le pape Benoît n'a jamais prononcé un mot d'adhésion au contenu du magistère de Bergoglio. Et même, à chaque déclaration publique de ces deux années, Ratzinger a confirmé les contenus de son pontificat que Bergoglio contredit sur les points les plus importants. Les considérations de Messori ont été modérées et respectueuses. Mais pour les inquisiteurs bergogliens, peu importe. Il suffit de montrer une simple «perplexité» pour devenir - à leurs yeux - soupçonnés de sabotage, d'intrigue glauque, et pour finir, mis à l'index.
Messori au bûcher!
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Le cathobergoglien prône l'œcuménisme le plus inconditionnel avec les protestante ou les orthodoxes, veut le dialogue avec tout le monde, les laïcs, les francs-maçons, les communistes cubains ou chinois, les altermondialistes, les islamistes, et même avec les terroristes de l'état islamique (celui théorisé par Bergoglio lui-même), mais aucun dialogue avec les catholiques «ratzingeriens» ou - comme lui-même les a appelés au Synode - «traditionalistes» (c'est-à-dire fidèles au Magistère de toujours). Ceux-ci sont «bastonnés». Donc, en rafales, les cathobergogliens ont bombardé Messori.
Le premier a été Luigi Alici, ex-président de l'Action catholique - si l'on peut dire - martinien, qui qualifie l'article de Messori d'«exercice insupportable de journalisme oblique». Alici condamne «les écrivains et journalistes» qui font des commentaires critiques sur la «personne appelée à diriger l'Église» (c'est-à-dire sur les choix du pape Bergoglio), tandis qu'il estime qu'il faut «désacraliser» la papauté en tant que telle. Il fait en effet l'éloge de «l'oeuvre providentielle de désacralisation de la figure du pape» que François mène «d'une manière extraordinaire». En réalité la doctrine catholique dit le contraire d'Alici: le caractère sacré est propre à l'office papal (la «figure du pape»), pas à la personne, faillible et pécheresse, qui le remplit.
Boff et Bergoglio
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C'est ensuite au tour de Boff de s'en prendre à Messori; Leonardo Boff, l'un des noms-symboles de la théologie de la libération en Amérique du Sud. Boff a exalté Bergoglio et attaqué, après Messori, son «bien-aimé Joseph Ratzinger» et «les autres papes d'avant». Boff est un ancien frère qui en 1984 a reçu un avis négatif de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dirigée par Joseph Ratzinger. En 1992, après plusieurs rappels et avertissements de Jean-Paul II, il a quitté l'habit religieux. Ses positions imprégnées de marxisme (et maintenant également de New age) ont fait de lui un leader de l'alter-mondialisme. On a su que le 17 Décembre, le pape Bergoglio l'a appelé et lui a demandé ses livres dont il a besoin pour préparer sa prochaine encyclique sur les questions sociales et écologiques (les contenus seront ceux entendus dans le discours du pape à Leoncavallo et aux autres centres sociaux). Boff dit: «Le pape appartient à théologie de la libération dans la version argentine». Puis il ajoute: «Le Pape a critiqué la doctrine sociale de l'Eglise, il la trouve abstraite et pas tout à fait claire dans la distinction qui devrait être limpide, entre QUI sont les opprimés et QUI sont les oppresseurs». Bien qu'ayant quitté l'habit religieux Boff dit: «Je célèbre, je fais les baptêmes, les mariages, tous les sacrements quand il n'y a pas de prêtre. Les évêques le savent et me disent: continue! Je me sens bien, dans ces habits laïcs». Et personne n'a rien à y redire au Vatican de Bergoglio. Qui a même annulé la suspension "a divinis" de Jean-Paul II à Miguel D'Escoto, ministre sandiniste qui exalte encore Fidel Castro (ce qui explique l'effondrement catastrophique de l'appartenance à l'Eglise en Amérique latine: avec de tels pasteurs...).
Bâillonneurs
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Enfin, il faut mentionner l'incroyable «appel» intitulé «Arrêtez les attaques au Pape François» (comment? En les bâillonnant? Avec un coup de filet chez les dissidents? Avec la déportation en Sibérie?). Le texte, signé par les signatures du cathoprogressisme historique, don Paolo Farinella, don Luigi Ciotti..., les «Communautés de base», se jette tête baissée contre l'article de Messori, le qualifiant d'«attaque ciblée et frontale», «une véritable déclaration de guerre», voire «un avertissement de type mafieux».
Elle fait bien rire, cette conversion ultrapapiste du vieux monde de la protestation. Et cette volonté de censure. N'était-ce pas justement le cathoprogressisme qui se déchaînait dans la critique contre les prédécesseurs de Bergoglio? Du reste, une réaction d'intolérance furieuse contre Messori a été également notée dans les cercles de la cour bergoglienne.
Commandant zélé
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Et avant-hier, le directeur d'Avvenire a réservé une page entière pour montrer son zèle ultra-bergoglien et condamner l'article modéré du plus célèbre écrivain catholique italien comme s'il était un dangereux hérétique. Chose jamais vue si on se rappelle le respect avec lequel Avvenire a toujours traité certains clers attaquant durement les Papes Wojtyla et Ratzinger. On connaît également la révérence témoignée par Avvenire au cardinal Martini qui, les dernières années, a avancé des critique très dures contre le pontificat de Ratzinger. Mais le «pape conservateur» était doux, ouvert, avec lui il y avait liberté et tolérance. Au contraire, l'actuel «numéro un» loue en paroles la parresia, mais dans les faits, il ne supporte pas la critique et a des manières de commandos sud-américains, qui produisent un climat de terreur à la Curie.
Mystère (pré) conclave
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Il reste la question de savoir comment un représentant de la théologie de la libération, comme le définit Boff (aujourd'hui consultant de Bergoglio) a fait pour conquérir la papauté. La réponse se trouve dans un conclave confus et hâtif (probablement avec quelques violations des règles, donc avec une éventuelle nullité de l'élection). Le Collège cardinalice le plus conservateur dont on ait le souvenir, a été persuadé de voter pour un pape dans la continuité de Jean-Paul II et Benoît XVI, alors qu'en fait il a voté pour le candidat de la gauche cathoprogressiste.
Aujourd'hui, de nombreux cardinaux sont consternés. Et tout cela semble surréaliste. A Noël, trois cents danseurs de tango se sont joyeusement exhibés pour l'anniversaire de Bergoglio sur le parvis Saint-Pierre, alors que dans le monde le massacre de chrétiens fait rage.
MESSORI-TORNIELLI: AUTRES INCOMPREHENSIONS DOULOUREUSES, DANS UN MONDE CATHOLIQUE LACÉRÉ?
1er Janvier, 2015
Antonio Righi
http://www.libertaepersona.org
Récemment, le journaliste catholique le plus lu au monde, d'orientation «conservatrice», Vittorio Messori, a écrit dans le Corriere un article sur François. Rien d'irrévérencieux. Rien d'excessif. Quelques considérations d'un fidèle qui trouve que certains messages délivrés par le pape sont très beaux, appréciables, partageables, d'autres pas. Il y a quelques personnes qui parfois restent désorientées. Qui ne comprennent pas, qui trouvent certaines déclarations ambiguës. Qui ensuite, peut-être, les voient démenties par la salle de presse du Vatican elle-même ...
Parmi ceux-ci, un nombre non négligeable de cardinaux choisis par Benoît XVI . Ces cardinaux parlent, s'interrogent, donnent parfois quelque interview.
Rien, par rapport aux mouvements continus et retentissants du cardinal Kasper ou d'un autre poids lourd comme le cardinal Marx (avec un tel nom, rester sur ses gardes doit être difficile). Oui, même Messori, le journaliste qui a interviewé Jean-Paul II et Ratzinger, cité par ce dernier quand il était Benoît XVI, pour l'importance de certaines de ses contributions (ndt: il figure dans la bibliographie de Jésus de Nazareth), a quelques doutes.
À l'ère de la parresia, il a murmuré quelque chose.
Mais il semble qu'on ne puisse pas.
Le pape est, pour un certain monde catholique, toujours discutable, quelles que soient les circonstances, s'il s'appelle Pie XII ou Benoît XVI; incontestable, infaillible, même quand il préfère la crème glacée au gâteau au chocolat, s'il s'appelle François. Ce qui, même pour ceux qui aiment François toto corde, est un peu difficile à digérer. Au moins parce que ceux qui ont commencé à s'en prendre à Messori, coupable de lèse-majesté, ne se sont pas toujours distingués dans le passé pour une dévotion analogue au trône de Pierre.
Mais peut-être que ce qui trouble le plus, en ce moment où, parmi tellement de louanges de l'extérieur, une lacération croissante au sein de l'Eglise se consomme, c'est de voir que les gens qui jusqu'à hier semblaient être en parfait accord, se trouvent désormais aux antipodes.
Le cas le plus frappant, parmi de nombreux autres, n'est pas seulement l'affrontement ecclésiastique Marx-Müller, n'est pas seulement l'âpre conflit qui s'est consommé au Synode, mais aussi celui, parfois évident, parfois plus tacite, entre de nombreux journalistes laïcs catholiques.
Par exemple entre Messori et Tornielli. Oui, parce que le directeur de Vatican Insider, ex-directeur de la Bussola, ex-vaticaniste «de droite» sur le berlusconien «Giornale», semblait, jusqu'à récemment, en complète harmonie avec Messori: fréquentations analogues, un livre à quatre mains, et de nombreuses interviews de Tornielli au célèbre journaliste de Turin.
En ces jours d'attaques inconvenantes à Messori - inconvenantes au-delà de ce qu'on peut penser d'un article, toujours discutable, mais jamais vulgaire -, Tornielli n'a rien écrit d'explicite. Mais il a volontiers relancé (via Twitter, cf. [1]) les critiques exprimées à Messori par Luigi Alici (l'ex-président martinien de l'Action catholique) et Badilla (le directeur hyper bergoglien du site Il Sismografo). Est-ce un signe d'un nouvel éloignement entre catholiques?
L'article d'Alici, très dur, sans appel, et même lourd, énonce entre autre ceci: «Avec Benoît (en particulier avec sa démission, ne l'oublions pas) a commencé une oeuvre providentielle de désacralisation de la figure du pape, que François poursuit d'une manière extraordinaire».
Est-ce vraiment une phrase digne d'être relancée? Dire, en un lapsus freudien évident, que le mérite de Benoît est surtout d'avoir quitté le trône pontifical, serait-il de la part d'Alici, un signe de respect pour un pontife ? Vraiment le point culminant du pontificat de Benoît réside... dans sa démission? Jean-Paul II, en ne renonçant pas, aurait-il été un méchant «sacralisateur»?
Alici explique, avec moult emphase, que le pape devrait être désacralisé. Alors, pourquoi un catholique n'aurait-il pas le droit, dans le respect absolu utilisé par Messori, de dire que certaines choses ne lui reviennent pas?
Alici écrit: « Bien différente, en revanche, est la tentative systématique de discréditer la personne appelée à guider l'Eglise, mise en oeuvre par des écrivains et des journalistes, qui pensent qu'ils ont le copyright de la foi comme ils ont le copyright de leurs articles, qui prétendent voir - malgré quelques poutres ... - la paille dans l'oeil du pape. La juste désacralisation de la figure du pape est une chose, tout autre chose est la dé-légitimation (illégitime) d'un pontife par rapport à un autre ...».
Alici réalise-t-il les contradictions tortueuses dans lesquelles il tombe? Il oppose clairement François (bon) à Benoît (bon, parce qu'il est parti), mais il fait une réprimande très dure à Messori ( accusé, injustement, de «tentative systématique de discréditer»); il exalte la désacralisation (il faudrait alors voir ce que cela signifie: peut-être le prédécesseur se «sacralisait»-il trop), mais il n'accepte pas qu'elle implique également quelque objection voilée et respectueuse.
Voulons-nous réaliser la désacralisation, introduisant en même temps la censure contre les désacralisateurs du désacralisant, avec un tampon des vaticanistes et des catholiques progressistes?
Que les nombreux détracteurs de Messori se tranquillisent. À l'ère des papes trop sacralisés, Dante Alighieri en a chassés beaucoup en enfer, sans que personne dans l'Eglise à laquelle il appartenait avec fierté, ne lui dise jamais quoi que ce soit.
Ps: Quant à la critique de Badilla à Messori, également relancée par Tornielli, nous renvoyons le lecteur au texte intégral. Il nous semble que sa vacuité et son incohérence ne mérite pas de commentaires: http://ilsismografo.blogspot.it/2014/12/italia-proposito-del-cattolico-medio.html
Note
(1) Voici deux captures d'écran du compte twitter de Tornielli: