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Messori passe à table

Une réflexion à brûle-pourpoint sur la presse catholique. Et qu'en est-il en France? (19/2/2011)



Depuis la création de la Bussola Quotidiana, le 8 décembre 2010, fête de l'Immaculée Conception (cf Faire-part de naissance), Vittorio Messori tenait quotidiennement une brève chronique de quelques lignes, dictée à la rédaction par téléphone, qu'il avait baptisée non sans humour, "Apéritif". Des réflexions à brûle-pourpoint, sur tout et rien, souvent à contre-courant (je pense à l'une qui avait suscité quelques vives critiques, lorsqu'il avait osé émettre l'opinion que l'irruption de l'Etat d'Israël dans le paysage politique du Moyen-Orient, avait constitué un "tsunami").
J'en ai traduit quelques-unes ici, mais presque toutes auraient mérité de l'être.
Cette semaine, il a décidé de remplacer le rythme quotidien, par un rythme hebdomadaire, avec une réflexion plus roborative, sous le titre... A table! Décidément, la métaphore gastronomique lui plaît.
La chronique prend la forme d'un échange avec son ami Andrea Tornielli, qu'il connaît bien pour avoir écrit un livre avec lui, "Perchè credo" (non traduit en français; voir aussi ici).
Les deux compères passent en revue les évènements de la semaine: on n'échappe pas aux frasques de Berlusconi et à la manifestation des femmes (sagement, Messori se garde de prendre position, mais n'en souligne pas moins l'incongruité des postures moralisatrices de ceux qui, depuis 50 ans, n'ont cessé de faire l'apologie de toutes les "libertés", et de toutes les déviances). Il est aussi question de la deuxième partie de Jésus de Nazareth, dont la sortie est annoncée pour le début mars.

C'est le point de départ d'une réflexion sur la presse catholique que j'ai traduite ci-dessous.

Je ne sais à quels titres fait précisément allusion Vittorio Messori. En Italie, à part l'Osservatore Romano (une référence, mais de diffusion limitée), ils ont le quotidien l'Avvenire qui est assez diffusé (on le trouve dans les kiosques, et pour mon expérience limitée, dans les hôtels de Rome), et qui est la voix de la Conférence épiscopale. Et sans doute, à part Famiglia Cristiana, qui paraît de sensibilité "libérale", quantité de publications spécialisées, au niveau régional.
En France, le paysage peut paraître différent, je ne suis pas spécialiste (1).
Il y a des revues spécialisées ou généralistes, de grande qualité, mais à tirage confidentiel, et jamais citées dans les revues de presse (2).
Et puis nous avons le quatuor La Croix, La Vie, Pélerin, et Témoignage Chrétien, (ce dernier journal, proche du dépôt de bilan, qui compte parmi ses actionnaires la Société "Le Monde Diplomatique", la "Société éditrice du Monde" et "Bayard Presse", fait partie des membres fondateurs d'ATTAC et soutient le mouvement altermondialiste, wikipedia), titres connus du grand public, parce qu'au fond ils sont "dans" le système, et qui assument tous des positions plus ou moins critiques contre "Rome", et manifestent une égale hostilité contre la "tradition":

Vittorio Messori répond à Andrea Tornielli

La Bussola, 19 février
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[La prochaine sortie du second volume du Pape dédié à Jésus] est une nouvelle très importante. Non seulement pour le fait lui-même - un pape qui écrit un livre est toujours un évènement - mais pour ce que cela signifie, ce que cela nous dit. Pourquoi Benoît XVI, malgré les engagements du pontificat, avec le gouvernement de l'Eglise universelle, ne s'est-il pas soustrait à ce travail difficile?
...
Je crois que si le Pape a écrit deux livres sur le Jésus historique, livres non pas de méditation, mais d'exégèse, il le fait pour nous rappeler à l'essentiel de la foi. Une foi qui, nous ne devons pas nous le cacher, est en danger. C'est comme s'il nous disait que nous devrions cesser de nous concentrer sur les conséquences de la foi. C'est la foi qui manque, qui s'éteint, qui cède. Je pense que c'est le vrai problème, en dépit du fait que beaucoup, y compris dans la hiérarchie, ne semblent pas en être conscient.
...
Si la foi est perdue, c'est aussi la pensée chrétienne qui disparaît, la vision chrétienne du monde, la perspective chrétienne sur l'histoire et aussi sur l'information. (...) c'est justement pour cette raison que la presse catholique finit par être inutile, car elle risque de singer, de façon anachronique et provinciale, les positions et la mentalité de l'idéologie dominante. On m'envoie, sans que je les ai demandés, de nombreux journaux et magazines... Souvent , je les jette sans même ouvrir l'enveloppe de cellophane, parce que ce sont des pages officiellement "catholiques" mais en fait remplies de "buonisme" (angélisme), d'engagement pour l'environnement, d'exhortations générales à la vertu, de répétition des arguments du politiquement correct.
...

Ce jugement n'implique pas l'ensemble de la presse catholique, mais il est basé sur des données objectives. Je me demande, à la lecture de certaines publications ecclésiales: où est le sel? Où est l'originalité, le signe de contradiction, le non-conformisme? Où est, en un mot, la foi qui change la vision et la perspective? Pourquoi devrions-nous lire les photocopies, souvent rapiécées et en retard, de la presse laïque?
J'ai un exemple tout frais à proposer. Une nouvelle qui n'a certes pas atteint les grands circuits de l'information, et qui pourrait intéresser les lecteurs que nous avons invités à cette conversation à notre table: l'unique hebdomadaire catholique allemand à diffusion nationale qui était resté en vie a fermé ses portes. Il s'agit du "Reinisch Merkur", initialement l'hebdomadaire des catholiques rhénans, resté le seul après la fermeture de tous les autres. Ces dernières années, il a connu une courbe descendante, et une dérive. Il s'est d'abord associé avec les Luthériens, et ainsi chaque semaine il publiait un encart, un supplément luthérien. Rien de mal, Dieu merci, le dialogue, c'est très bien, mais moi, j'ai eu l'impression de deux naufragés qui sont sur le point de couler et s'accrochent l'un à l'autre ... Alors, les lecteurs ont déserté, le journal est devenu insignifiant , à l'enseigne du politiquement correct. Et ainsi, ses rares rédacteurs sont passés avec armes et bagages à " Die Zeit ", le grand journal de Hambourg, proche des positions libérales-maçonniques allemandes et du conformisme de la bourgeoisie et les intellectuels. Ce qu'ils écrivaient pour l'hebdomadaire catholique, donc, allait bien avec "Die Zeit ". Il ne s'agit pas de mauvaise volonté, entendons-nous bien. C'est le fait que la disparition de la foi a également fait disparaître la pensée catholique, la vision du monde catholique, la Katholische Weltanschauung, pour dire comme les allemands. Une certaine presse catholique, sans sel, sans perspective chrétienne, a fini par être le dépositaire de tous les «ismes»: écologisme, féminisme, "solidarisme", "buonisme". Ou, dans certains cas, "démagogisme" de l'héritage de 68 (ndt: j'ajouterai immigrationnisme, anti-racisme... mais cela rentre peut-être dans la dernière dénomination).

Comment ne pas reconnaître dans ce portrait sans concession, certes, mais tristement réaliste, les publications françaises citées plus haut?

Notes


(1) Lire ici un sondage réalisé en novembre 2010, commandé à la SOFRES par la Fédération française de la presse catholique (une instance qui se proclame pluraliste, mais quand on consulte la page des "titres adhérents", on a quelques doutes), sur "les français et la presse catholique"

(2) Je cite, en vrac: La Nef, France Catholique, l'Homme Nouveau, Monde et vie, Reconquête
Voir ici: wikipedia.

Sur ce sujet, relire:

Des "appels" au Saint-Père Aimez vos ennemis