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Après le référendum irlandais.

L'Irlande dont on nous rebat les oreilles qu'elle est "très catholique" a adopté dimanche par référendum - fait inouï !! - le mariage gay. Le mal se répand. L'Italie, qui avait (un peu) résisté jusque-là, risque de tomber à son tour. Réflexion. Et un article de Giuseppe Rusconi, traduit par Anna

Une campagne orchestrée

D’abord une remarque sur le timing :
La campagne médiatique de 2010 (dossier ici: benoit-et-moi.fr/2010-I) contre les crimes, notamment pédophiles, mais pas seulement, commis par certains membres du clergé (il n’est pas question de dédouaner leurs misérables auteurs si et quand les accusations étaient fondées) a atteint en Irlande des proportions gigantesques. Benoît XVI a été la victime expiatoire, il a répondu en mars 2010 par une bouleversante « lettre aux catholiques irlandais » (cf. benoit-et-moi.fr/2010-I); mais l’arbre était déjà pourri.
On peut aujourd’hui - encore plus qu’il y a cinq ans - parler de campagne orchestrée. Pour l’Irlande on en voit désormais le point culminant, qui était sans doute le but recherché dès le début: c’est le résultat de ce fameux référendum. Pas tant la reconnaissance du mariage homosexuel, où l’Irlande n’est pas pionnière, mais le modus operandi, qui réduit à néant les arguments de ceux qui, sur les sujets de société dits « sensibles » réclament de donner la parole au peuple par voie référendaire. Les médias ne s’y sont pas trompés. Et, prémisse indispensable, dans l’Irlande «catholique», l’Eglise devait être préalablement mise hors d’état de nuire à l’idéologie dominante. Mission accomplie: elle a été réduite au silence.
L’Irlande, un petit pays de 4 millions et demi d’habitants a servi de laboratoire pour une expérience grandeur nature.
Quelle sera la prochaine étape ?

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ET EN ITALIE
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Les italiens n’ont pas encore le «mariage» pour tous, adopté en France par voie législative après un pseudo-débat bidonné, puisque l’issue était connue d’avance (j’écris cela pour les étrangers qui me liraient) .
Sans doute, jusqu’à il y a peu ( !!) la présence de la papauté à Rome, et surtout la fermeté de Benoît XVI, succédant à celle de Jean-Paul a-t-elle contribué à ralentir le cours – apparemment inexorable – de l’histoire. Mais avec le «qui suis-je pour juger » de François, ce n’est plus un chemin qui s’ouvre devant la course à l’abîme, c’est un boulevard. Et les médias transalpins profitent des résultats du référendum irlandais pour faire le forcing afin que l’Italie emprunte ce boulevard, déjà très encombré en Occident.
La réflexion désabusée de Giuseppe Rusconi (qui s’efforce sans grande conviction de dédouaner le Pape), sur son blog <Rosso Porpora> ne peut donc pas être transposée mutatis mutandis à la situation en France. Reste en commun l’attitude du clergé catholique dans sa grande majorité. Et cette question lancinante : qui osera encore s’opposer à la subversion promue par un « certain lobby »?

CATHOLIQUES ITALIENS APRÈS L'IRLANDE: ENTRE LE FRÈRE CRISTOFORO ET DON ABBONDIO? (1)

Giuseppe Rusconi,
www.rossoporpora.org,
24 mai 2015
Traduction Anna
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Les commentaires enthousiastes sur la victoire du "oui" au référendum pour la reconnaissance constitutionnelle du "mariage gay" rebondissent entre Dublin et Rome - "De Dublin à Rome, prochainement!" est le vœux du lobby bien coinnu, qui essaye de mettre en évidence comment la catholique Italie doit vite emprunter la voie de la "catholique" Irlande, pour ne pas rester en compagnie de l'Europe "la plus arriérée" - En Italie non plus, les catholiques "à la carte" et ceux qui restent collés à ler fauteuil, et se moquent de ce que répète le pape François (?!?).ne manquent pas.

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La "catholique", voire même la "très catholique" Irlande "tourne la page", elle dit oui aux "noces gay": l'Irlande est une nation "pionnière", "un phare, une lumière de liberté", une petite île, aux marges de l'Europe et sur la route vers l'Amérique, qui indique la voie au monde", et ainsi de suite avec les titres et commentaires de Dublin à Rome. Jusqu'au "Elle sonne fort, la cloche irlandaise, et elle sonne pour nous aussi. Nous sommes majoritairement catholiques, nous et eux", et dans la liste - teintée d'une indéniable veine raciste - des États encore "réprouvés", sans protection pour les couples gays, où l'Italie voisine avec la Grèce, Chypre, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie…comme à dire les États culturellement les plus arriérés de l'Europe.

Bref, comme c’était prévisible, les résultats du référendum constitutionnel irlandais, d'un État qui n'est catholique désormais que sur le papier, ou plutôt qui l'est "à la carte" (aussi à cause de la grande honte des abus sur les mineurs, qui a provoqué une grave perte de crédibilité de l'Église) - sont instrumentalisés en Italie afin d'imposer un changement législatif en la matière. Dans cette manœuvre, il y a la tentative particulièrement insidieuse d'associer le vote irlandais à une évolution "ouverturiste" qui implique pleinement le monde catholique.

De l'avis de nombreux observateurs, l'Église en Irlande s'est présentée au vote divisée, incertaine, timide et balbutiante, y compris dans une partie de sa hiérarchie. Augmentant ainsi la confusion dans un électorat catholique déjà consterné par les prises de position en faveur de la reconnaissance du "mariage gay" de la part du premier ministre Enda Kenny (se définissant lui aussi comme catholique) et de beaucoup de ses ministres. Les évêques se sont exprimés en bonne partie avec un slogan qu'un moderne Manzoni pourrait mettre sur la bouche d'un don Abbondio contemporain (1): "Il faut la confrontation, et pas les idéologies".

Un saut rapide en Italie et voici la même ligne exprimée de manière exemplaire par le secrétaire général de la CEI (Conférence épiscopale italienne) Nunzio Galantino (ndt: celui qui n'aime pas les visages inexpressifs de ceux qui prient devant les cliniques des avortements), enthousiasmé par les rencontres culturelles (critiquées toutefois par celui qui l'a mis à la tête du secteur organisationnel des évêques italiens), et empreint d'une hypersensibilité naturelle envers le témoignage de la rue: "Il n'est pas question - a-t-il déclaré au Corriere della Sera du dimanche 24 mai - de jouer à qui crie le plus fort, les "pasdarans" des deux côtés s'excluent d’eux-mêmes. Il faut une confrontation entre gens qui veulent du bien à (qui aiment) tout le monde". C'est le triomphe de la mélasse: sur le pont flotte le drapeau blanc (2).

Revenant en Irlande, nombreux ont été les prêtres, religieuses, les laïcs "engagés" qui se sont démenés en faveur du "oui" à la reconnaissance du "mariage gay". Avec des affirmations du genre (voir l' "Irish Times" du samedi 23 mai): "Nous sommes tous catholiques et avons appris à croire en la compassion, l'amour et l'inclusion. L'égalité est tout ce pour quoi nous votons". Où l'on remarque la distorsion de la signification de mots clé de l'expérience catholique, noyée dans une - nous soulignons le terme car il semble le plus apte à décrire une certaine attitude - mélasse de bons sentiments new age qui ne correspond en rien au concept véritable de "miséricorde".

En Italie: Catholiques "à la carte" et catholiques "de fauteuil"
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Soyons réalistes: cette insistance des médias sur le "catholicisme" irlandais afin d'indiquer la voie au catholicisme italien a, malheureusement, pas mal de chances de parvenir aujourd'hui à son objectif, et même à court terme. Au Parlement, des lois contre l'homophobie (en réalité pour la répression de la liberté de pensée), pour l'euthanasie, pour les "unions civiles" (en réalité pour les "mariages gays"), pour l'imposition de l'idéologie gender dans les écoles de tous les niveaux, sont actuellement à l'étude. Au Parlement encore siègent des catholiques à la carte notoires, [à commencer par le Premier Ministre] (..) Toujours au sein du gouvernement, ne manquent pas non plus des catholiques "de fauteuil ", très tentés - pour garder leur fauteuil - de vendre Jésus, la Sainte Écriture et le Magistère de l'Église.

Parmi les associations laïques, regardez ce que demande le "Forum des familles" d’Ombrie pour le prochain scrutin régional.
Sous le mot d'ordre: "Pourquoi je vote… Cinq raisons pour aller voter", on lit:

1. Le travail qui manque, les politiques de développement et d'harmonisation familiale que l’Ombrie doit promouvoir;
2. Le welfare (assurance sociale) dans un régime de rareté des ressources, les modèles alternatifs possibles;
3. L'éducation et la culture selon une écologie intégrale, respectueuse de la personne et de l'environnement;
4. Une fiscalité équitable et une Administration amie de la famille.
5. Donne ton opinion…

Quelqu'un peut-il trouver dans la liste une mention même timide des thèmes de grave actualité existentielle comme les lois proposées au sujet du mariage, de l’euthanasie, de l’endoctrinement du gender? Non? C'est vrai, il n'y a rien de tout cela. Il est évident que le Forum des familles d’Ombrie ou bien vit sur la planète Mars ou alors ne veut pas déranger la candidate de gauche à la présidence de l’Ombrie, Catiuscia Marini, ouvertement favorable au "mariage gay", à la fécondation hétérologue, à la lutte "contre l'homophobie", à l'avortement, etc…. Il faut noter que Madame Marini, qui provient de la gauche radicale, est appuyée aussi par la formation politique "Democrazia solidale" - démocratie solidaire (ex-formation Monti), et inclut, entre autre, Lucio Romano (ex vice-président du Mouvement pour la Vie et ex président de "Science et Vie").

Dites-moi: si des secteurs importants du monde catholique italien parlent et se conduisent de la sorte (se moquant en substance de ce que continuent de répéter avec force le pape François [!!!] et avec une lucide et cohérente fermeté le cardinal Bagnasco), comment s'étonner si ensuite les médias écrivent que les catholiques qui sont contre la reconnaissance du "mariage gay", fidèles à la Doctrine sociale - tendent à devenir une petite minorité de "bigots et d’homophobes"?
Par exemple, comme c’est arrivé hier soir à Rome et dans d'autres villes italiennes - les "sentinelle in piedi" – sentinelles debout -, qui témoignent avec courage dans le silence public de leur lutte pour la liberté d'expression, en adhésion aussi au magistère de l'Eglise catholique sur la famille, ne peuvent le faire qu'avec la robuste protection de la police, parmi les hurlements et les cris des éléments du célèbre lobby. Une vraie honte, malheureusement récurrente, indigne d'un État qui se veut démocratique.

En Irlande, ceux qui ont témoigné contre la reconnaissance du "mariage gay" ont été pointés du doigt comme ennemis du progrès, obscurantistes à marginaliser, dans quelques cas il leur a fallu demander la protection de la police. De nombreux citoyens ont financé la logistique du "non", uniquement sous la garantie de l'anonymat. Une bonne partie des panneaux électoraux du "non" ont été déchirés. Aujourd’hui, après le vote, ce qu'il adviendra de ceux qui affirmeront publiquement que le mariage n'est qu'entre homme et femme reste incertain. Que l'on pense, par exemple à la situation des écoles catholique, aux catéchistes, aux prêtres célébrants eux-mêmes, à tout le secteur lié au mariage. Qu'arrivera-t-il à ceux qui refusent de…

C'est une situation qu’à court terme, l'Italie aussi peut connaître. On verra alors, des comportements, si la majorité du catholicisme italien aura choisi comme sa référence le Frère Cristoforo, ou bien Don Abbondio.

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Notes d'Anna
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(1) Personnages du roman I Promessi Sposi d'Alessandro Manzoni, publié en 1840. Don Abbondio est le prototype du curé sans courage qui manque à ses devoirs pour sauver sa peau, et se sert, pour se justifier, de profusions d'argumentations fumeuses, légalistes, souvent en latin. Le Frère Cristoforo est par contre, pour son envergure morale, sa sainteté et capacité d'action, l'antithèse de Don Abbodio.

(2) Allusion au célèbre poème L'ultima ora di Venezia, 1849, du poète italien Arnaldo Fusinato. Lors des guerres du Risorgimento, la République de Venise est en train de succomber et de se rendre au siège des Autrichiens: …Il morbo infuria/ il pan le manca/ sul ponte sventola/ bandiera bianca.



























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