Page d'accueil | Pourquoi ce site

Le jésuite sur le trône pontifical (II)

Pierre Teilhard de Chardin

Second volet de l'enquête du théologien autrichien, Wolfram Schrems, publiée sur le site <www.katholisches.info>, et traduite par Isabelle. L'influence cachée (éventuelle) d'un autre jésuite, Pierre Teilhard de Chardin, sur la pensée du Pape et sur l'Eglise post-conciliaire.

>>>
Première partie ici: Le jésuite sur le trône pontifical (I)

Le jésuite sur le trône pontifical

Premier excursus : A l'occasion du soixantième anniversaire de la mort de Pierre Teilhard de Chardin SJ (1881-1955)

28 mars 2015
de Wolfram Schrems (*)
Texte original en allemand: www.katholisches.info
-----

Dans la foulée de nos réflexions : "Le jésuite sur le trône pontifical : deux catastrophes en une seule personne", du 21 mars dernier, voici maintenant un excursus.

A l'occasion du soixantième anniversaire de la mort du jésuite Pierre Teilhard de Chardin, le 10 avril prochain, nous nous proposons de traiter en quelques lignes l'effet dévastateur de ses publications et du mauvais exemple donné par sa vie.
Puisque les lecteurs de cette page connaissent très probablement les thèmes saillants de l'idéologie teilhardienne, l'accent sera mis sur des aspects moins connus.

D'abord deux points à titre de préalable :

* * *

RENAISSANCE TEILHARDIENNE CHEZ LES JÉSUITES?
------
Fin des années 1990, je remarquai que les jésuites germanophones avaient organisé, à l'occasion de la trente-quatrième Congrégation générale une exposition itinérante avec des panneaux où Teilhard, justement, occupait une place prépondérante. Cela me surprit.


UN TEILHARDISME CACHÉ DANS LES DOCUMENTS ECCLÉSIAUX ET PONTIFICAUX?
-----
Voici peu me fut transmise, via internet, une source qui s'efforce de démontrer que l'exhortation apostolique "Evangelii gaudium" du pape François ne serait déchiffrable que sur un arrière-fond de conceptions teilhardiennes. Il est vrai que cette exhortation est, dans une large mesure, incompréhensible (1). Malheureusement, son lexique rend Teilhard impossible à citer. D'expérience, il me semble pourtant tout-à-fait plausible que le Pape François (ou son "ghostwriter") ait utilisé effectivement une sorte de langage codé, dont le sens ne se dévoile qu'à des lecteurs spécialement "initiés".

C'est là, après tout, la tactique employée au Concile par le jésuite Karl Rahner. Il s'agissait pour lui d'introduire subrepticement dans les textes du Concile des formulations délibérément ambiguës ou chargées de significations occultes ("cachées") que, sans rien soupçonner, les pères conciliaires "conservateurs" trouveraient incompréhensibles ou irréprochables, et donc susceptibles de susciter un consensus et de recevoir leur adhésion. Selon ce calcul de conspirateur, ces formulations devaient, tôt ou tard, conduire à des résultats dans le sens progressiste.

C'est de cette manière que le teilhardisme lui aussi s'introduisit en fraude au Concile.

Rahner et Herbert Vorgrimler écrivent sans détours, en Commentaire à "Gaudium et Spes", dans l'écœurant "Petit compendium du Concile" :

"Après avoir encore une fois renvoyé à l'Eglise comme "le sacrement universel du salut", l'article 45 conclut sur une référence à Jésus-Christ comme "le point" vers lequel convergent tous les efforts de l'Histoire et de la culture" (de la sorte Teilhard aussi reçoit sa part d'honneur !), qui est l'alpha et l'oméga" (434).

Si donc ce blogueur a raison de reprocher au pape François d'avoir utilisé un langage expressément crypté, "occulte" avec des inflexions teilhardiennes, cela est désastreux pour la papauté et pour l'ordre des jésuites – mais pas sans précédent.
Sans parler du fait que des circonstances de ma vie m'ont de toute manière rendu familier l'usage, à l'intérieur de l'ordre des jésuites, d'une langue cryptée, chiffrée. Manifestement, cela doit cacher un agenda précis.


PROBLÈMES AVEC L'AUTORITÉ ECCLÉSIASTIQUE – PAS SANS RAISON!
-------
Teilhard a eu des problèmes avec le Saint-Office et avec ses supérieurs. Comme on sait, il passait pour nier le péché originel, la rédemption et la révélation surnaturelle. Il aurait détourné l'interprétation de la révélation. Si on s'y intéresse d'un peu plus près, on sera bien obligé de reconnaître le bien-fondé de ces accusations. Teilhard était un gnostique au sens classique (et, par la suite, un prophète du New Age). "Cosmos", "avenir", "noosphère" (la sphère d'une conscience universelle qui se développe elle-même et est présente aussi dans la matière inerte) et le célèbre "point oméga" sont les mots d'ordre propagandistes et les "innovations" les plus importants de sa "pseudo-science" (1 Tim 6, 20).

Quant à savoir si Teilhard a formellement appartenu à la franc-maçonnerie (en particulier aux "martinistes" [courant de pensée ésotérique, rattaché à la mystique judéo-chrétienne], comme on peut le lire à plusieurs endroits), cela reste naturellement difficile à prouver; toutefois, c'est là une question secondaire eu égard à la postérité de sa pensée.
La théologie de Teilhard manquait de foi, sa philosophie était douteuse; la lecture de ses textes ne donne dès lors aucune joie mais elle est troublante et hypnotisante. Comme scientifique, il était manifestement un coryphée, mais seulement à l'intérieur des limites de la méthode des sciences naturelles. Les conclusions qui les dépassent renferment souvent une erreur de méthode et ont été, en conséquence, réfutées aussi par des scientifiques.
Sa prétendue et tant vantée "synthèse de la foi et de la science" repose sur des jeux sémantiques et des néologismes imprécis. Au fond elle est une illusion.
De la magie.
C'est pourquoi il faut considérer comme insuffisantes et inconséquentes les admonestations de l'Eglise et les mesures prises contre ces confusions (avertissement posthume, monitum du Saint-Office de 1962). Manifestement, il jouissait malgré tout d'une certaine protection.

Dans ce qui suit, nous développons trois aspects probablement moins connus de la vie et de l'influence de Teilhard :

TEILHARD ET "LE MAÎTRE DU MONDE" DE ROBERT HUGH BENSON.
-----
Günther Schiwy (1932-2008), ex-jésuite, excellent connaisseur de Teilhard dont il est "fan", mentionne dans sa biographie teilhardienne (version abrégée: Teilhard de Chardin – Eine Biographie, dtv, Munich 1985), que le savant jésuite avait lu et critiqué la dystopie "Le Maître du Monde" publiée en 1907 par l'écrivain, converti et prêtre, Mgr Robert Hugh Benson (1871-1914):

"Je n'admets pas que l'enthousiasme pour l'"Esprit du monde" doive être un héritage de l'Antéchrist (...). Finalement, c'est le catholicisme de Benson qui me déplaît (...) parce qu'il me semble non fondé, anémié et contre-nature (presque tout autant que surnaturel)".

Au vu de la qualité spirituelle de cette œuvre si profondément catholique, c'est là une déclaration effrayante et écœurante. Déjà dans ses jeunes années Teilhard avait opéré un détournement en faveur du panthéisme, au détriment de la révélation surnaturelle.
Dans cette perspective, il est d'ailleurs intéressant que le pape François connaisse et recommande cet ouvrage.
Comme la politique et la prédication du pape ne révèlent aucun lien perceptible avec le message de l'ouvrage de Benson, il faut admettre qu'il n'en a manifestement pas compris ni accepté la portée (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I-1/actualites/franois-a-t-il-lu-le-maitre-de-la-terre).


TEILHARD ET "L'ÉVOLUTION DE LA CHASTETÉ".
------
Quand des catholiques s'égarent en matière religieuse et théologique, la cause en est, dans beaucoup de cas, un problème avec la chasteté. La cause ou bien l'effet. Ou bien l'une et l'autre. Souvent c'est la justification de manquements personnels qui a dénaturé la pensée théologique (ce qu'on appelle "rationalisation").
De manière surprenante, Schwiby écrit sans détours à ce propos :
"Teilhard doit sa naissance comme mystique à sa rencontre avec cette femme (sa cousine Marguerite Teilhard-Chambon".

Qu'un jeune homme amoureux devienne "mystique", au moins pour un temps, est chose courante et ne pose pas de grand problème. Cependant, s'il s'agit d'un prêtre ou d'un religieux, il se fait illusion. Car ce ne sont pas quelques élans fugaces – humainement bien compréhensibles – qui font la mystique.
Malheureusement cet élan vers le "mystique" se révéla être, comme de juste, le début de nouvelles complications – et pour la cousine la source de grands tourments.

Dans le chapitre "Evolution de la chasteté", Schiwy s'exprime à ce propos avec de nouveau une franchise étonnante :
"Teilhard se pose aussi le problème, existentiel à ses yeux, d'une amitié simultanée pour plusieurs femmes (...) Teilhard s'insurge contre la conception qui compare le cœur avec un verre, dont le contenu s'épuise quand on le partage".

Il cite ensuite Teilhard lui-même, qui de fait a dû vivre en conciliant moins de cinq relations féminines :
"Il est vrai que, dans le cas particulier de l'amour, le mari doit réserver à sa femme la place privilégiée qui, pour ainsi dire, fait d'elle le soleil de son univers intérieur. Et, sur ce point, la jalousie a tout son sens: il ne peut y avoir qu'un seul soleil au ciel de notre cœur. Mais des étoiles secondaires, pourquoi pas ?"

Schwivy résume :
"En dépit de cela, Teilhard entreprend, pour lui-même et pour les femmes auxquelles il est lié, une dernière tentative de donner du sens au renoncement à l'amour physique lié au concept traditionnel de la chasteté. Il se réfère pour cela à sa conception de la matière et de la tendance générale de l'évolution (!)".

Le prêtre qui met sur la place publique ses problèmes en cette matière scandalise les plus faibles (voir Mt 18,6). Aucun jeune homme qui cherche une direction à sa vie, aucun futur religieux, aucun prêtre, aucun époux, aucun homme tenté et éprouvé, ne s'intéresse aux failles personnelles d'un homme qui doit être un exemple. Ils ne font que troubler et saper l'effort pour vivre dans la vérité.

Dans cette perspective concrète, voici un exemple, parmi beaucoup d'autres, de la manière dont la confusion teilhardienne en ces matières a pénétré profondément dans l'ordre des jésuites et dans l'Eglise :

La Suissesse Pia Gyger, religieuse et maître zen, morte le 14 juillet 2014, se reconnaissait une dette envers Teilhard. Dans un livre électronique de condoléances, on peut lire un éloge, représentatif de beaucoup d'autres, dont voici quelques extraits :

Nous te remercions pour ta force visionnaire.
Nous te sommes reconnaissants d'avoir reconnu et frayé la voie du partenariat cosmique avec ton partenaire Niklaus Brantschen. Nous te remercions parce que, tout en vivant le célibat,
tu as vu et apprécié la dimension érotique de la vie et la dimension sacrée de l'Eros, à l'image de ton "Maître" et professeur bien aimé, Teilhard de Chardin. Il y a peu de gens auprès desquels je me suis senti aussi compris qu'auprès de toi, dans ma quête d'un amour authentique vécu librement.

Cette confusion est tout à fait caractéristique de ceux qui plongent dans le panthéisme teilhardien : on lit Teilhard, on pratique le zen, on en vient au culte des idoles d'Asie orientale, soudain arrive "l'évolution de la chasteté" et "la conscience cosmique", l'apostasie de la foi; et alors on provoque un grave scandale.

Il suffit d'un coup d'œil sur la page d'accueil du site de la maison Lassalle à Bad Schönbrunn (Suisse) : on peut y reconnaître sans peine les fruits vénéneux du mauvais arbre.
Des circonstances de ma vie m'ont conduit à deux reprises dans cette maison. J'y repense avec horreur. Je ne sais pas si de formelles invocations des démons y ont lieu mais il est clair que l"ouverture" qu'on y pratique pour tout et n'importe quoi, hormis la foi traditionnelle, est tout sauf une bonne idée.

A propos de démons justement :

TEILHARD ET LE DIABLE.
------
Selon son propre témoignage, l'ex jésuite Malachi Martin (1921-1999) a personnellement connu deux prêtres (scientifiques eux aussi et anthropologues plus précisément), qui via la doctrine erronée de Teilhard étaient devenus victimes d'une possession démoniaque, très forte pour l'un, d'un degré moindre pour l'autre (Hostage to the Devil – The Possession and Exorcism of Five Contemporary Americans, Reader’s Digest, New York 1976).
Martin raconte leur histoire avec force détails.
Un des deux prêtres ("David ») avait rendu visite à Teilhard à New York et, bien qu'il fût un fan du savant jésuite, cette rencontre lui avait fait un effet désagréable. Teilhard lui avait donné l'impression d'avoir perdu l'espérance.

Des années plus tard, David reçut la tâche d'exorciser son confrère ("Yves" respectivement "Jonathan"). Cela échoua lamentablement. Le démon lança à la tête de l'exorciste des thèmes de l'idéologie teilhardienne ("tout cela pour que Jésus puisse émerger. O, très bel Oméga!" ) et l'accusa de complicité avec cet esprit malfaisant lui-même ("Tu es l'un de mes frères de sang ! Et tu essaies de m'exorciser ? Va-t-en !")
L'exorciste dut reconnaître qu'il avait effectivement accepté les théories teilhardiennes et, de ce fait, porté atteinte à sa foi :
"[A cause de cela] il ne pouvait plus supporter la distance entre la nature matérielle du monde d'une part, et Jésus comme Rédempteur de l'autre. Matérialité et divinité étaient une seule et même chose ; le monde matériel avec la conscience et la volonté de l'homme, l'un et l'autre naissent spontanément de la pure matérialité, comme la poule de l'œuf; et la divinité de Jésus naît de son humanité aussi naturellement que le chêne à partir du gland. (...) Mais assez parlé de Teilhard, pensa David amèrement."

L'exorcisme fut accompli plus tard avec succès, après que David se fût réconcilié avec lui-même et avec Dieu et eût renoncé à toute adhésion aux erreurs teilhardiennes. Yves lui aussi dut passer par le rejet de cette erreur pour que l'exorcisme pût aboutir.
La doctrine teilhardienne sur le Christ et les sacrements réduit à néant le véritable contenu de la foi chrétienne. Elle réduit à la "nature" tout ce qui relève de la grâce et des sacrements. Celui qui – surtout s'il est prêtre – s'ouvre sérieusement à cette absurdité, tombe tôt ou tard sous le charme du Malin.

* * *

RÉSUMÉ
-----
Nous vivons dans un temps où les erreurs teilhardiennes (qui remontent à la gnose de l'antiquité), avec des masques et artifices multiples, sont omniprésentes. On rencontre de plus en plus l'idée qu'une "manière d'être supérieur", une "conscience plus haute", puisse apparaître quand le monde se sera unifié.
Avec cette idée, le rôle du Dieu créateur s'est estompé, le Christ comme logos fait chair écarté comme pure mythologie, et le sacrifice de la croix est devenu incompréhensible.
Enfin meurt l'espérance, puisque dans le teilhardisme on ne doit plus espérer : sur le chemin d'un nouveau savoir, on SAIT que tout et tous convergent dans le "point oméga". Evidemment, c'est là se tromper soi-même – au fond de son coeur, personne n'y croit vraiment. Optimisme et espérance sont deux choses différentes : l'aimable poison teilhardien n'a rien à voir avec la vraie joie chrétienne
Teilhard lui-même a souffert de mélancolie et de désespoir et y a entraîné beaucoup d'autres. Il ne s'agit donc pas simplement de discussions académiques : Teilhard et ses adeptes, comme Karl Rahner et Anthony de Mello, avec beaucoup d'autres, ont détruit la foi et la raison et provoqué ainsi d'énormes dommages.
On peut s'attendre à voir Teilhard célébré dans les semaines qui viennent.
Il n'y a toutefois absolument rien à célébrer.
Il revient maintenant aux jésuites de mettre un point final et d'exorciser les démons teilhardiens. ll serait juste que le pape François s.j en personne commence cette tâche.

Anathema sit (Gal 1,8).

* * *

(*) Wolfram Schrems, Linz et Vienne, théologien catholique, philosophe, catéchiste mandaté par l'Eglise

(1) Cf. à titre d'exemple parmi beaucoup d'autres le n° 223: "Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation. C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. Donner la priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces". Que peut signifier cela ? Comment comprendre tout cela? Grotesques sont également les paragraphes 231 et s., et ceux qui se rapportent au judaïsme et à l'islam. Tout cela est abscons.

  Benoit et moi, tous droits réservés