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Naufrages en méditerranée et mauvais remèdes

A propos d'une interview du cardinal Ratzinger datant de 1997

Libération

22 avril 2015


Les naufrages qui se succèdent ces jours-ci au large des côtes italiennes de bateaux-cercueils partis des côtes lybiennes pour rejoindre le présumé "paradis" européen sont instrumentalisés de façon prévisible par les médias et les instances mondialistes dont ils sont la voix, surfant sur la vague l'émotion suscitée dans l'opinion publique par des morts tragiques, pour ouvrir encore plus grandes les vannes de l'immigration.
Il s'agit évidemment d'une crise humanitaire qui nous interpelle par son ampleur, mais la gauche immigrationiste "n'a pas le monoplole du coeur", et l'émotion, entretenue à dessein, ne doit pas nous empêcher de réfléchir.

Monique me signalait hier un bref commentaire sur le site Belgicatho.

Simple bon sens, l'Europe ne peut accueillir toute la misère africaine ou alors, elle et sa civilisation disparaîtra. Qui aura le courage de le dire. Jean-Paul II et Benoît XVI parlaient d'un droit à ne pas émigrer. Ils disaient qu'il fallait tout faire pour fixer les gens dans leur patrie.
(Belgicatho)

Monique ajoute:

François à Lampedusa

8 juillet 2013

Certes, on ne sait pas très bien ce qu'il faut faire. Mais on ne peut pas écouter François qui voudrait que l'Europe supprime toute barrière. Ainsi, il n'y aurait plus de naufrages en Méditerranée.
500 millions d'Africains (la moitié de l'Afrique veut émigrer) et autres arriveraient tout tranquillement par avion sans obligation de visas!
Ils donnent des sommes faramineuses aux passeurs; ils ont donc les moyens de se payer un billet d'avion!
Le problème c'est la légalité de l'entrée. Plus il y aura de naufrages, plus les passeurs et les nouveaux candidats seront satisfaits car il n'y a rien de tel que l'émotion pour paralyser toute velléité de réaction chez les Européens. Rien ne sortira de la prochaine réunion! Ou plutôt ce qui sortira, c'est encore plus de laxisme!

"Fixer les gens dans leur patrie", ce qui était la position des Papes précédents qui ne souhaitaient pas l'invasion/islamisation de l'Europe, est théoriquement la solution la plus raisonnable. Mais comment y parvenir? L'Europe, qui est en banqueroute, n'a pas les moyens de déverser des milliards sur l'Afrique et le Proche-Orient. On sait bien aussi que toute l'aide au développement est détournée par une oligarchie. De plus,récemment, des chercheurs ont établi que ce sont les pays les plus aidés qui envoient le plus d'émigrants car, pour émigrer, il faut de l'argent! Pour ce qui est des régimes sanguinaires, comme en Erythrée, nous n'avons aucune prise sur eux!
Le problème est inextricable. Qu'au moins François n'encourage pas l'immigration illégale comme il l'a fait à Lampedusa (depuis qu'il s'est rendu là_bas, le nombre des arrivants a explosé. Y a-t-il un lien de cause à effet? On ne pourra jamais le prouver mais c'est possible...

Puisant dans mes souvenirs, j'ai recherché dans les archives de mon site une interview du cardinal Ratzinger en 1997; les circonstances étaient un peu comparables, à la réserve non négligeable près du changement d'échelle aujourd'hui, en termes numériques, à la fois pour les drames humanitaires et l'ampleur des débarquements, et du contexte d'un islam conquérant dont au moins une fraction est en guerre contre l'occident: à l’époque le naufrage d'un navire de boat people albanais en collision avec une vedette militaire italienne avait fait 87 morts, et parallèlement, l'Italie était le théâtre d'"émeutes raciales" (ou qualifiées telles par les médias) impliquant des autochtones (cf. benoit-et-moi.fr/2010-I)

Un journaliste du Corriere della sera (passablement cavalier, comme il se doit) avait saisi l'occasion pour interviewer le cardinal Ratzinger. Il cherchait manifestement à le mettre au pied du mur, ou à l'instrumentaliser au profit de choix politiques - disons les choses crûment: de l'immigrationnisme - , mais le cardinal avait éventé sereinement les pièges, se contentant de rappeler les exigences de la charité chrétienne; toutefois, il disait que, si les immigrés doivent être secourus, ils n'ont pas vocation à s'installer pour toujours en Europe et ils doivent rentrer chez eux tôt ou tard.

Extrait

- Cette Italie, où une catholique comme Irène Pivetti en arrive à dire "rejetons les Albanais à la mer" ne vous donne-t-elle pas des frissons?

Joseph Ratzinger clignant des yeux avec stupéfaction:
"Dans la mer?"
- C'est ce qu'elle a dit...
Silence.
"Je n'ose pas juger madame Pivetti, j'ai eu peu de contacts ... Mais il serait inhumain de rejeter à la mer ces gens en fuite. Notre devoir est d'aider ces gens à rentrer chez eux et à y construire une vie digne. Cela doit être la perspective. Mais aujourd'hui, en attendant ce retour, nous devons leur offrir l'hospitalité. "
Le cardinal bavarois septuagénaire que le pape a voulu la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ex Saint-Office, est peut-être un "bouledogue" comme disent certains, mais ce dont il a le moins envie, c'est de monter la garde, et encore moins après la tragédie de vendredi» ("Un accident très triste"), au profit d'un certain égoïsme qui ne lui plaît pas du tout.

" Le problème est qu'ici, il y a un peu la crise, mais, par rapport aux Albanais, nous vivons dans une certaine prospérité. Nous ne voulons pas être «perturbés». Il nous manque cette capacité de partager avec autrui, de les accepter, de les aider. C'est quelque chose que l'homme apprend difficilement. Je pense que la défense d'un certain égoïsme contre la présence de facteurs qui perturbent le rythme de la vie quotidienne est profondément inhérente à l'homme. Et que nous avons besoin d'une éducation permanente pour surmonter l'égoïsme, afin de faire face à des cas de ce genre. "
- Donc vous êtes d'accord avec Cacciari et d'autres qui disent que les Albanais doivent être tous acceptés.
"Oui. Nous devons les accepter. Expliquant que, dès que possible avec l'aide internationale, ils devront reconstruire leur pays. Mais tant qu'ils fuient un danger immédiat pour leur vie ...".
- ... la fermeture des frontières serait un acte d'égoïsme.
" Nous ne pouvons pas faire cela. Bien sûr, il faut distinguer la situation des éléments criminels, qui sont justement ceux qui ont provoqué cette situation. Mais simplement fermer les frontières, on ne peut pas le faire "

(interview complète ici: benoit-et-moi.fr/2010-I)

Je laisse encore la conclusion à Monique:

Les pays d'Europe, qui vont bientôt se réunir pour faire des propositions toutes plus inefficaces les unes que les autres, considèrent que tous les migrants posant le pied sur une côte européenne doivent pouvoir s'installer dans un pays d'Europe et qu'il faut seulement se les répartir comme des objets dont on disposerait. L'accueil définitif passe pour un dû alors que les pays d'Europe ne peuvent leur offrir ni travail, ni logement. Personne ne dénonce cette fausse charité. L'idée que les arrivants pourraient être raccompagnés obligatoirement chez eux n' effleure nullement nos dirigeants... et pourtant ce serait la seule façon de dissuader à l'avenir ces malheureux de s'embarquer, la seule façon de ruiner le commerce des trafiquants, la seule façon d'ôter une arme de chantage à l'EI et la seule façon de mettre fin aux drames de la mer. Tout le reste est inopérant, horriblement coûteux et harassant, surtout pour les Italiens, qui n'en peuvent plus!
(..)
De nombreuses âmes proclament que de tels drames ne doivent plus se reproduire... tout en rejetant les mesures qui pourraient y mettre fin...

Et en effet!
Voici par exemple ce que dit le cardinal Reinhard Marx, Président (entre autre!) de la Commission des Episcopats de l’Union Européenne (COMECE) dans une déclaration à propos du dernier naufrage (www.comece.org)

L’Europe doit dès à présent œuvrer à trouver des propositions concrètes pour la mise en place d’une politique d’asile et de migration humaine qui soit supportée et mise en application de manière solidaire par tous les Etats membres de l’Union Européenne. Toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour qu’une tragédie telle que celle de samedi ne se reproduise jamais !

Traduction de Monique:

1/ Stop aux tragédies / Non aux mesures qui pourraient les faire cesser.
2/ Si ces tragédies ont lieu, c'est parce que l'Europe n'ouvre pas ses portes. Sa politique d'asile est mauvaise (c'est du reste l'opinion du Pape François)
3/ Tous les pays d'Europe doivent se "partager" les immigrés et leur coût. Ils doivent "envahir" le moindre recoin du continent.

Décidément, il est très difficile de partager la politique du Vatican en matière d'immigration: absence de réalisme, et refus d'envisager l'effet boomerang de principes nobles et excellents en théorie (une vision partielle de la charité chrétienne), mais qui risquent de produire d'autres catastrophes à plus long terme, et faire des malhieureux tant du côté des immigrants que de celui des pays d'accueil.

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