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"Qui suis-je pour juger?"

Une passe d'armes sévère (et très significative) entre deux vaticanistes, Riccardo Cascioli et Andrea Tornielli, au sujet de la nomination d'un ambassadeur français gay au Vatican. Mais que pense le Pape?

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¤ Un ambassadeur gay au Vatican? Impossible
¤ Ambassadeur gay (suite)

Je reproduis ci-dessous ma traduction de deux articles parus respectivement sur le blog d'Andrea Tornielli (13 avril) et le site de la Bussola, sous la plume du directeur Riccardo Cascioli (aujourd'hui).
Il s'agit, à propos de l'affaire de la nomination d'un ambassadeur français gay au Vatican d'une passe d'armes entre deux experts du Vatican, qui ont dû être amis dans un passé pas si lointain (Andrea Tornielli fut le premier directeur de la Bussola) et que le Pontificat-de-la-Miséricorde a irrémédiablement séparés.
Je laisse évidemment mes lecteurs se faire leur propre opinion...

Celle d'Andrea Tornielli est particulièrement intéressante, car elle dépasse largement sa propre personne; on sait que depuis le 13 mars 2013, il est plus qu'un ultra-bergoglien: il est le porte-parole officieux du Pape, il l'a prouvé à de multiples reprises (la moindre n'étant pas la lettre surréaliste qu'il s'était permis d'écrire à Benoît XVI pour lui demander de confirmer que sa démission était bien volontaire, alors qu'il devenait urgent de démentir les hypothèses d'Antonio Socci).
Cette fois, il annonce clairement qu'il justifie, et même soutient à 100% la candidature Stefanini.

D'où la question, cruciale: bien qu'il prétende ne pas savoir ce qui s'est réellement passé dans cette affaire, exprime-t-il cette fois encore les idées du Pape (dont il reprend indirectement le "qui suis-je pour juger", ne citant volontairement que la partie de la phrase que les médias ont généralement omis, pour ne retenir qu'un slogan), ou seulement les siennes propres? Car il est clair que, dans la perspective de cette partie de la phrase, la nomination de Stefanini est pleinement justifiée.

Alors, le Pape aurait-il les mains liées dans cette affaire, et se pourrait-il qu'il ne puisse pas faire ce qu'il veut?
Autrement dit, une fois de plus: non pas "le monde contre l'Eglise" qui avait cours jusqu'en 2013, mais "l'Eglise contre le pape" qui semble devenu la règle aujourd'hui.

Le blog d'Andrea Tornielli

http://2.andreatornielli.it
13 avril 2015
(ma traduction)

Chers amis
Je lis sur La Nuova Bussola un article du directeur Riccardo Cascioli lequel, intervenant sur l'affaire du candidat ambassadeur français auprès du Saint-Siège Laurent Stefanini, et citant mon article, affirme:

«C'est la meilleure personnalité pour ce rôle» répète à plusieurs reprises Vatican Insider citant le Quai d'Orsay, et soulignant que le caractère exceptionnel de l'affaire est que Stefanini est un «croyant» suivi dans son chemin par l'archevêque de Paris, «il a toujours vécu en célibataire, il ne s'est jamais marié ni religieusement ni civilement».
«C'est un catholique pratiquant», insiste Vatican Insider, peut-être pour suggérer qu'au fond, ceci compte beaucoup plus qu'une orientation sexuelle non conforme à la doctrine.

Outre le fait que ce sont évidemment les sources diplomatiques françaises citées par nous qui définissent le choix de Stefanini comme étant le meilleur (Vatican Insider n'exprime pas d'appréciation sur les ambassadeurs, nous ne savons pas si c'est le meilleur choix, c'est ainsi que le définit le gouvernement qui le propose) et que le fait qu'il s'agisse d'un catholique pratiquant est notoire, la nouvelle réside ailleurs. Nous apprenons en effet aujourd'hui de la Nuova Bussola que la seule orientation, la seule tendance homosexuelle, même vécue chrétiennement en [catholique] pratiquant, c'est-à-dire par une personne qui cherche, avec la grâce de Dieu et les sacrements, à suivre les enseignements de l'Église, constituerait un problème doctrinal, un péché, un boulet insurmontable.

Il peut être utile de rappeler ce que dit le Catéchisme de l'Église catholique sur l'homosexualité.

2357 L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe. Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et les cultures. Sa genèse psychique reste largement inexpliquée. S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours déclaré que " les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés " (CDF, décl. " Persona humana " 8). Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.

2358 Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances homosexuelles foncières. Cette propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition.

2359 Les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté. Par les vertus de maîtrise, éducatrices de la liberté intérieure, quelquefois par le soutien d’une amitié désintéressée, par la prière et la grâce sacramentelle, elles peuvent et doivent se rapprocher, graduellement et résolument, de la perfection chrétienne.

Mis à part le grand respect pour les personnes homosexuelles qui se dégage de ces pages, il est clair que la tendance ou l'orientation - qui, dans la très grande majorité des cas n'est pas choisie par les personnes, étant donné que sa genèse psychique reste en partie inexpliquée - est une chose, et la pratique homosexuelle en est une autre.

Ce qui est condamné, c'est la pratique homosexuelle, pas l'orientation. Aussi parce que, si c'était la tendance ou l'orientation, combien seraient-ils, même au sein du clergé et des hiérarchies (y compris au Vatican), à ne pas obtenir l'«agrément»?
Les raisons pour lesquelles Laurent Stefanini n'a pas encore été agréé par le Saint-Siège ne sont pas entièrement claires. Nous ne nous permettons de porter de jugements, ne sachant pas ce qui s'est réellement passé. Mais peut-être faudrait-il plus de prudence, lorsqu'on s'exprime sur des hommes et des femmes qui n'ont pas choisi leur orientation sexuelle.

La réponse de Riccardo Cascioli

Quand de Bruxelles on fait pression pour l'ambassadeur gay

Riccardo Cascioli
16 avril 2015
www.lanuovabq.it
(ma traduction)
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Si vraiment l'absence de réponse du Vatican à la nomination de l'ambassadeur français est dûe à son orientation sexuelle

«le Vatican commettrait une violation sans précédent des Droits Fondamentaux. L'Union européenne ne cessera jamais de lutter contre les discriminations, quel que soit le prétexte sur lequel elles se fondent. Et je voudrais citer aussi le pape lui-même sur cette question: "Qui suis-je pour juger un autre être humain"».

Voilà ce qu'a écrit dans un communiqué de presse au nom du Groupe des libéraux et des démocrates (ALDE) l'eurodéputée suédoise Cecilia Wikström.
Voici donc que de Bruxelles aussi arrivent des pressions pour pousser le Saint-Siège à accepter Laurent Stefanini comme nouvel ambassadeur français, en démonstration de ce que nous avons écrit ces derniers jours: l'affaire est un piège politique concocté par la France pour pousser le Saint-Siège à une reconnaissance formelle du mode de vie homosexuel.

Comme on le sait, le président Hollande avait désigné Stefanini dès le début de Janvier comme nouvel ambassadeur auprès du Saint-Siège, mais jusqu'à présent il n'y a pas eu de réponse du Vatican, un silence qui en langage diplomatique indique un rejet de la proposition et l'attente d'un nouveau nom. Hollande est toutefois décidé à insister sur le nom de Stefanini et a fait sortir l'histoire dans les journaux français la semaine dernière. Ainsi est née une affaire, qui arrive désormais à Bruxelles, avec les pressions relatives, à l'intérieur et hors de l'Eglise, pour accepter Stefanini.

Et il est donc encore plus important que le Saint-Siège ne cède pas au chantage, car il est évident que ce qui est en jeu, ce n'est pas tant le respect ou l'accueil d'une personne avec une orientation homosexuelle, mais plutôt l'utilisation d'une histoire personnelle rendue publique pour pousser l'Eglise à un changement de la doctrine sur l'homosexualité.

La chose est si évidente qu'on est vraiment stupéfait du dur commentaire du vaticaniste Andrea Tornielli, qui de son blog m'a accusé personnellement de manque de miséricorde envers un catholique pratiquant à cause de mon éditorial, comme si le sens de mon article était le jugement sur la vie et les péchés de Stefanini.
Quiconque lit sans préjugé ce que j'ai écrit peut se rendre compte que la critique de Tornielli, qui a été aussi le premier rédacteur en chef de La Boussole, est un faux prétexte. Il écrit en effet clairement que «nous n'avons pas d'autres éléments à propos de la vie personnelle de Stefanini que ceux communiqués dans la presse» - et par Tornielli qui nous a même informés de la tentative manquée du Nonce apostolique à Paris pour demander à Stefanini de se retirer - et que de toute façon, «il est évident que la question de l'homosexualité Stefanini n'est plus une question de vie privée».

La miséricorde n'a donc strictement rien à voir là-dedans, de même que la publication des trois paragraphes du Catéchisme qui parlent de l'homosexualité (il est curieux que ce sont précisément les gens qui, ces derniers mois ont critiqué ceux qui invoquent la doctrine et la tradition de l'Eglise, qui utilisent ici la «doctrine comme clé»).

En compensation des arguments de Tornielli, nous avons la confirmation que Vatican Insider est un supporter de Stefanini ambassadeur. Opinion légitime, alors pourquoi faire semblant d'être neutre?

Un point important est toutefois soulevé par Tornielli quand, citant le Catéchisme, il affirme que «ce qui est condamné, c'est la pratique homosexuelle, pas l'orientation. Aussi parce que, si c'était la tendance ou l'orientation, combien, même au sein du clergé et la hiérarchie (y compris du Vatican), n'obtiendraient pas "l'agrément"?».

Ici le responsable de Vatican Insider enfonce une porte ouverte, étant donné que la Bussola a toujours dénoncé l'existence au Vatican d'un puissant lobby gay, qui dans cette affaire aussi a certainement été à la manoeuvre. Aujourd'hui, enfin, même un expert du Vatican comme Tornielli reconnaît ouvertement qu'il y a aussi dans la hiérarchie une présence gay significative. Et d'ailleurs, il suffirait d'aller voir à nouveau ce qui est arrivé au dernier Synode pour réaliser la puissance de ce groupe.

Mais peut-être faut-il ici rappeler que le problème pour le clergé n'est pas seulement le lobby. Il existe en effet une instruction de la Congrégation pour l'Éducation Catholique (4 Novembre 2005), qui concerne spécifiquement l'admission dans les séminaires de personnes présentant des tendances homosexuelles, qui stipule clairement que: «L'Eglise, tout en respectant profondément les personnes en question, ne peut pas admettre au Séminaire et aux Ordres sacrés ceux qui pratiquent l'homosexualité, présentent des tendances homosexuelles profondément enracinées ou soutiennent la culture dite gay» (§2).
Et il n'est pas inutile de rappeler à cet égard que ce qui est communément appelé «le scandale de la pédophilie» est en réalité essentiellement un scandale de l'homosexualité vu que dans plus de 80% des cas d'abus sur des enfants, on doit doit parler techniquement d'homosexualité (éphébophilie) et non de pédophilie. Donc, même avec la plus grande compassion et le plus grand respect pour chaque personne, l'orientation sexuelle, pour certains offices, est un problème.

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