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Un schisme en puissance

Le commentaire d'un intellectuel allemand, Manfred Spieke, après la réunion mystérieuse de la Grégorienne: "les tentatives de manipulation qui, déjà lors du synode extraordinaire de 2014, ont atteint un niveau inconnu jusqu'ici dans l'Eglise, suivent leurs cours". Mise à jour ultérieure (Matzuzzi)

>>> Cf.
Manoeuvres pré-synodales

Un schisme en puissance.

Les tentatives de manipulation qui, déjà lors du synode extraordinaire de 2014, ont atteint un niveau inconnu jusqu’ici dans l’Eglise, suivent leurs cours.

Un commentaire du professeur Manfred Spieker (1).
kath.net/news/50720
Traduction par Isabelle
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C’est le droit des archevêques de Munich et de Marseille, NN. SS. Marx et Pontier, et de l’évêque de Saint-Gall, Mgr Büchel, de convoquer une conférence sur la manière dont l’Eglise catholique traite les divorcés remariés et les personnes à orientation homosexuelle. C’est leur droit aussi de choisir les thèmes et les conférenciers. Toute cette initiative du lundi de Pentecôte à la Grégorienne est pourtant propre à accentuer les fractures visibles dans l’Eglise depuis le synode extraordinaire de 2014 : cela est dû au fait que NN. SS. Marx, Pontier et Büchel ont lancé les invitations, non pas au titre de pasteurs de leurs diocèses, mais en tant que présidents de leurs conférences épiscopales ; or, ils n’ont même pas informé de cette réunion leurs confrères dans l’épiscopat qui ne partagent pas leurs vues sur ces thèmes et ne les y ont évidemment pas associés. Cela confine à un abus de leur mandat de modérateur de la conférence épiscopale, car le président d’une conférence épiscopale n’est, somme toute, rien de plus qu’un modérateur.

Les trois évêques ont ainsi desservi l’intention du pape François de mener, entre les deux synodes de 2014 et 2015, une discussion ouverte sur le mariage et la famille. Une conférence qui tient plus de la rencontre secrète que de la réunion académique, c'est-à-dire ouverte, contredit à la franchise et à la loyauté requises. Elle divise. Les trois évêques n’ont pas non plus invité les journalistes dont l’expertise sur ces thèmes est reconnue, mais, à nouveau, seulement ceux qui partagent leurs vues et peuvent renforcer la pression publique que toute la conférence cherche à exercer sur le synode d’octobre (2).

Les tentatives de manipulation qui, déjà lors du synode extraordinaire d’octobre, avaient atteint un niveau inconnu jusqu’ici dans l’Eglise, ont, avec cette conférence à la Grégorienne, franchi une nouvelle étape.

Derrière un rideau de fumée comme « Réflexions sur l’herméneutique biblique » ou « Théologie de l’amour », la volonté est claire : faire passer de force l’admission des divorcés remariés à la communion , la reconnaissance ecclésiale des unions homosexuelles et une nouvelle éthique sexuelle qui ignore obstinément la nouveauté de la théologie du corps de saint Jean-Paul II. Le schisme en puissance qui se cache derrière ces intentions ne peut être ignoré des présidents des trois conférences épiscopales.

Au synode ils n’ont rendu aucun service, moins encore à la nouvelle évangélisation. Le synode ordinaire d’octobre 2015 échouerait – a-t-on prétendu à la conférence de Rome – s’il ne faisait que souligner ce que l’Eglise a toujours enseigné sur le mariage et la famille.

Non, il n’échouera pas, s’il consacre enfin à la théologie du corps et à la culture de la vie l’attention qu’elles méritent. Mais il échouera, s’il s’accroche à ce que le courant majoritaire de la théologie morale allemande, sous la conduite d’Eberhard Schockenhoff (3), cherche à suggérer à la conférence épiscopale allemande sur le thème des divorcés remariés, des unions homosexuelles et de l’éthique sexuelle.

S’il veut parvenir à un éveil de la pastorale de la famille, le synode devrait s’orienter sur ce que de nombreuses communautés spirituelles ont rassemblé comme expériences concernant la théologie du corps dans la pastorale de la famille et sur ce que le pape Benoît XVI a déclaré, le 6 juin 2005, à l’ouverture du synode pastoral du diocèse de Rome sur le thème de la famille : « Le mystère de l’amour de Dieu pour l’homme trouve son expression même dans le vocabulaire du mariage et de la famille – en positif comme en négatif. La proximité de Dieu à son peuple… est exprimée dans le langage de l’amour conjugal, alors que l’infidélité et l’idolâtrie d’Israël sont qualifiées d’adultère et de prostitution. »

Notes

(1) Manfred Spieker (né en 1943) est professeur émérite de sociologie chrétienne à l’Institut de théologie catholique de l’Université d’Osnabrück, en Basse-Saxe.
Le 29 Septembre 2012, il a été nommé par Benoît XVI consultant du Conseil Pontifical pour la justice et la paix
Notice en allemand ici : www.kathpedia.com/index.php?title=Manfred_Spieker

(2) Liste des participants ici: www.riposte-catholique.fr/non-classe/qui-a-participe-au-synode-fantome-publication-dune-liste-de-participants .
Comme nous l'avons déjà dit, le seul italien est Marco Ansaldo, le vaticaniste de la Repubblica.
Les deux français sont Frédéric Mounier (La Croix) et Antoine-Marie Izoard (I. Media).

(3) Objet d'un article de Matteo Mazuzzi sur Il Foglio aujourd'hui: www.ilfoglio.it.
Après un bref tour d'horizon sur sur la "rencontre secrète", celui-ci poursuit:

Parmi les orateurs les plus prestigieux figurait le père Eberhard Schockenhoff, professeur de théologie morale à Fribourg, expert en éthique, ancien assistant de Walter Kasper à l'Université de Tübingen.
Le vaticaniste Edward Pentin, sur le National Catholic Register (cf. la synthèse de Jeanne Smits), le décrit comme l'un des têtes pensantes de la hiérarchie ecclésiastique d'Allemagne sur toutes les questions relatives à la morale catholique. Sans surprise, depuis un an et demi, il est une sorte de conseiller de la conférence épiscopale dans le processus de préparation de l'Assemblée synodale. Lundi, au forum dédié à la réflexion sur «vocation et mission de la famille au sein de l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui»i, Schockenhoff a pris la parole immédiatement après la pause café, vers 11 heures.
Ses thèses sont bien connues, des critiques des bases d'Humanae Vitae du Pape Paul VI (en particulier en ce qui concerne la régulation des naissances), à l'appui d'une attitude moins rigoureuse et sévère envers ceux qui, dans les rangs du clergé, ont des orientations homosexuelles. Une nécessité dûe à la constatation - écrivait le théologien - que «les fidèles sont de plus en plus éloignés de la morale sexuelle de l'Église, qui semble irréaliste et hostile à leur égard». Positions partagées par le Cardinal Marx, qui, dans l'homélie de Pentecôte de dimanche dernier, avait exhorté l'Église à s'ouvrir aux homosexuels, parce que l'important «n'est pas ce qui nous divise, mais ce qui nous unit».

Ce que propose Schockenhoff est une révolution de ce qui a toujours été enseigné en deux mille ans d'histoire, s'il est vrai que dans le passé il soutenu la nécessité de libérer la théologie morale «de la loi naturelle», affirmant également que la conscience doit être basée sur «l'expérience de vie des fidèles». Une recette utile pour faire face à la crise dans laquelle verse l'Église allemande, récemment décrite dans un long article sur First Things par l'intellectuel catholique George Weigel (cf. www.firstthings.com/article/2015/01/between-two-synods).
Quant à la question la plus controversée du dernier Synode, qui a divisé l'assemblée pléniaire éunie dans l'Aula Nuova, le théologien soutenait dès 2011, dans «L'Eglise et les divorcés remariés. Les questions ouvertes» (réédité en Italie il y a quelques mois), que la question de l'indissolubilité du mariage n'est pas remise en question en admettant les divorcés remariés à la communion. Dans le livre, Schockenhoff écrivait qu'il serait juste de proposer une triple aide aux croyants se heurtant à un double échec: accélérer la procédure de nullité, admettre à des conditions accessibles aux sacrements, tolérer un deuxième mariage civil comme voie de sortie responsable de l'impasse produite par l'échec du premier mariage. «La pratique stricte observée à ce jour tend à condamner et décourager» et «occulte la prétention de l'Evangile d'être un message de miséricorde et de service à la vie».
Dans «La Conscience. Instructions pour l'utilisation», il soulignait que désormais «les exigences morales traditionnelles ont perdu leur ancienne influence sur notre vie» et que ll'unique remède est de mettre au centre l'utilisation de la conscience dans la pratique de sa propre vie.

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