François et notre "Mère Terre"

Questions soulevées par la journée de prière pour la sauvegarde de la Création, décidée par François. Les doutes de Riccardo Cascioli

>>> Ci-contre: logo de la COP 21, image éloquente sur le site du Diocèse de Poitiers

>>> Lettre du pape François pour l'institution de la "Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création": w2.vatican.va

 

On prie le Créateur, pas "Mère Terre"

Riccardo Cascioli
1er septembre 2015
www.lanuovabq.it
(Ma traduction)

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Une prière pour la sauvegarde de la Création. C'est ce à quoi nous appelle aujourd'hui le Pape François, qui a voulu instituer une journée mondiale spécifique.
Se référant à ce qui est écrit dans son encyclique Laudato Si, dans la lettre appelant à cette journée, le Pape lance un appel à ce qu'il nomme une «conversion écologique» qui implique de «laisser émerger toutes les conséquences de la rencontre avec Jésus dans les relations avec le monde» qui nous entoure.

En d'autres termes, l'intérêt pour la création fait partie de cette étreinte positive à toute la réalité qui naît de la foi, de la reconnaissance du dessein du Créateur. On repropose avec une nouvelle formulation ce qui est déjà le patrimoine de la Doctrine sociale de l'Eglise, et qui se résume en une formule: la nature est pour l'homme et l'homme est pour Dieu. Ce qui revient à dire que la primauté de l'homme, notre primauté sur toutes les créatures, est liée à l'obligation de rendre compte à Dieu de la façon dont nous l'avons exercée. C'est de là que naît la responsabilité morale, et pas de la crainte de catastrophes imminentes. De là aussi le caractère positif de l'intervention sur la nature, une attitude opposée à celle de garder tout en l'état (à laisser à nos enfants un monde tel qu'il nous a été laissé), typique des religions spiritualistes.

Prier pour la protection de la Création, par conséquent, devrait être surtout la requête à Dieu de nous rendre plus conscients de la présence du Créateur. Si les chrétiens ont perdu le contact avec la création, et surtout un rapport équilibré et responsable avec elle, avertissait déjà il y a 35 ans l'archevêque de Münich d'alors, Joseph Ratzinger, c'est parce que l'Eglise a cessé de prêcher sur la Création. Cette journée mondiale de prière est donc bienvenue si elle est l'occasion de prier et de méditer sur Dieu le Créateur.

Malheureusement, on a l'impression que l'encyclique, la journée d'aujourd'hui et d'autres interventions du Pape, au-delà des intentions, ont déclenché une sorte de série d'initiatives néo-païennes, généralisant ce qui caractérisait déjà certaines franges du catholicisme, qui justement ne parviennent pas à se détacher de la culture dominante: marxistes autrefois, écologistes aujourd'hui, ou peut-être les deux choses ensemble.

Ainsi, le nouveau sanctuaire virtuel est devenu la ville de Paris,
où en Décembre est prévue la énième conférence intergouvernementale sur le climat, universellement considérée comme décisive, comme l'étaient les 20 précédentes, qui se sont évidemment terminées dans une impasse. Ces derniers jours, nous avons parlé du «pèlerinage œcuménique» organisé par les évêques allemands, justement en direction de Paris (www.lanuovabq.it/it/articoli-andate-e-combattete-contro-la-co2). Ce ne sont pas les seuls: l'archevêque de Westminster, le cardinal Vincent Nichols a béni il y a quelques jours le départ de la cathédrale de Westminster d'un autre pèlerinage vers Paris, cette fois à bicyclette. L'organisation était confiée à la Commission locale de «Justice et paix» et le cardinal a souligné «l'importance de la prochaine conférence sur le climat pour la sauvegarde de notre maison commune», répétant ainsi le sous-titre de l'encyclique.

Toujours en pensant à la Conférence de Paris, un réseau de dix-huit organisations catholiques à travers le monde a lancé la campagne «jeûner pour le climat», un jour de jeûne par mois «en signe de solidarité avec les victimes du changement climatique.»

Dans le même temps, Caritas Internationalis et la CIDSE (un réseau de 17 organisations non-gouvernementales catholiques engagées dans des projets de développement) ont signé une déclaration solennelle des «Organisations catholiques qui affrontent les changements climatiques», où le mot d'ordre est «justice climatique», quoi que cela puisse signifier.

Aux Philippines, tout le mois de Septembre est rebaptisé par l'Eglise locale «Saison de la création», et pour l'occasion le cardinal Louis Antonio Tagle lance un recueil de signatures (objectif: un million) pour une pétition qui sera remise aux chefs d'État et de gouvernement lors de leur réunion à Paris, les invitant à faire tout leur possible pour limiter le réchauffement climatique à une limite maximale de 1,5°C

Et on pourrait continuer.
Mis à part le petit détail que personne n'est en mesure de réguler la température de la Terre, pas même en le voulant, tout cet activisme climatique dénote un grand changement dans l'attitude des catholiques: admettant, sans le concéder, qu'aujourd'hui on est vraiment face à des phénomènes météorologiques extrêmes sans précédent, jusqu'à il y a quelques décennies, dans des situations extrêmes (qui ont évidemment toujours existé), prêtres et évêques organisaient des pèlerinages, des processions, des neuvaines et autres, pour implorer du Seigneur la grâce d'une nature plus bienveillante. Alors, il y avait une conscience que le monde est plus grand que nous et que Dieu seul est le Seigneur de la nature, comme du reste le soulignent différents récits de l'Evangile. On priait Dieu et on cherchait à construire des réalités et des structures qui protègent les hommes des caprices de la nature.

Aujourd'hui au contraire, on considére que l'homme est au centre de tout, destructeur et rédempteur, et alors on organise des pèlerinages vers le siège de rencontres considérée comme importantes, comme dans le cas de Paris. On fait le voyage et au lieu de construire des remèdes, on investit des sommes énormes pour changer le climat. En réalité, parler ici de pèlerinage est presque un blasphème: le pèlerin veut se convertir lui-même, mais dans ce cas, on fait des marches pour demander la «conversion» des chefs de gouvernement.

Main dans la main, et d'une façon plus générale, on voit entrer dans l'Eglise le culte païen de «Notre Mère la Terre», où la religion catholique est seulement un prétexte pour s'occuper des problèmes environnementaux de la planète. Il suffit de jeter un coup d'oeil au pavillon du Saint-Siège à l'Expo à Milan pour le voir (www.travelblog.it/post/173508/il-padiglione-della-santa-sede-ad-expo-2015-il-video).
Même le petit journal distribué pour l'occasion («Noi Expo», édité par les rédactions d'Avvenire et de Famiglia Cristiana) est un hymne à «Notre Mère la Terre», comme le dit le gros titre de la première page. Et à l'intérieur, nous sommes invités «à faire la paix avec Mère Terre»: utiliser moins de plastique, du papier recyclé, prendre une douche au lieu d'un bain, faire la collecte différenciée des déchets, éteindre la lumière, utiliser les transports publics, et ainsi de suite. Sur cela, nous serons jugés.

Mais l'événement le plus incroyable est la récente participation d'un cardinal à un rite païen pour la Mère Terre. C'est arrivé en Argentine en Novembre dernier et le protagoniste était le cardinal Gianfranco Ravasi (1), président du Conseil pontifical pour la culture, qui était là à l'initiative de la Cour des Gentils. Eh bien une vidéo qui tourne sur la Toile, montre le cardinal Ravasi participant à une ronde autour d'un fétiche, c'est le culte païen de la Pacha Mama (Mère Terre). Images qui vous laissent pantois, pour dire le moins. Il suffit de rappeler combien de chrétiens dans les premiers siècles ont préféré le martyre plutôt que brûler de l'encens en l'honneur de l'empereur, et combien donnent encore leur vie pour ne pas renier le Christ. Au contraire, un cardinal ayant un rôle important au Vatican adore Mère Terre. Et la chose la plus incroyable est que personne à Rome ne semble trouver rien à redire.

C'est bien le cas de le dire, une journée de prière est vraiment nécessaire.

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(1) Yves Daoudal en parlait ici: yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2015/07/21/ravasi-et-pachamama-5660377.html