Il ne fait pas bon être contre François

... que l'on soit un journaliste, ou un homme d'Eglise. La preuve, cette fois, par Mgr Negri, l'un des rares prélats à oser encore faire entendre sa voix sur les sujets qui fâchent (islam, mariage gay, divorce). Synthèse de Giuseppe Nardi

>>> Isabelle me signale par ailleurs un article de la "Nuova Ferrara" (Mgr Negri est archevêque de Ferrare), une lettre ouverte que lui a adressée le grand maîtredu Grand Orient d'Italie en personne. Le titre annonce d'emblée l'intention hostile: "Mgr Negri, voulez-vous nous faire revenir aux Croisades?". A suivre.

 
Est-il permis de critiquer le pape François, sans courir le risque d'être espionné, d'être jeté à la une des journaux et d'être publiquement cloué au pilori ?

Une campagne contre l'archevêque Mgr Luigi Negri :
« Il a souhaité la mort du pape François »

Giuseppe Nardi
www.katholisches.info
27 novembre 2015
Traduction d'Isabelle

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Mgr Luigi Negri, archevêque de Ferrare-Comacchio en Emilie-Romagne, est l'une des figures marquantes de l'épiscopat européen. Qu'il ne soit pas particulièrement heureux de la ligne suivie par le pape François n'est un secret pour personne. Aujourd'hui une attaque frontale vise à scier le siège épiscopal sous les pieds du veilleur importun.


La presse à scandale lance une attaque « en faveur du pape François »
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Le journal à scandale, Il Fatto Quotidiano (FQ), tendance gauche, a lancé, voici deux jours, une attaque frontale contre Mgr Negri. Le sens de cette attaque fait penser à celle du journaliste Gianluigi Nuzzi, qui doit ces jours-ci, répondre devant la justice du détournement et de la diffusion de documents confidentiels du Vatican dans le scandale Vatileaks 2. Nuzzi, selon ses propres termes, aurait écrit son livre Via Crucis « pour aider le pape François ».

C'est une argumentation semblable que développe Il Fatto Quotidiano. Ce journal anticlérical prétend lui aussi se porter au secours du pape François contre les prélats indignes (Nuzzi) et hostiles au pape (FQ).

Si l'on en croit FQ, l'archevêque Negri souhaite la mort du pape François. « François doit finir comme l'autre pape » selon le gros titre en première page.


Une conversation surprise dans le train ?
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FQ a rapporté une conversation entre l'archevêque et son secrétaire, que d'autres « passagers », dont le nom n'est pas cité, auraient surprise au cours d'un voyage en train, le 28 octobre. Mgr Negri aurait dit à son secrétaire : « Espérons que Notre-Dame fasse, avec Bergoglio, le même miracle qu'avec l'autre ». Bien que Mgr Negri n'ait pas cité le nom de cet « autre », FQ prétend qu'il s'agissait de Jean-Paul Ier, qui fut pape durant 33 jours seulement, en 1978, avant de mourir d'un arrêt cardiaque.
Le décès inopiné d'Albino Luciani, malade du coeur depuis longtemps, a donné lieu à un grand nombre de théories du complot, sans qu'aucune d'elles ait pu être prouvée.

Il Fatto Quotidiano conclut de la conversation qu'il rapporte que Mgr Negri souhaite aussi la mort rapide du pape régnant.

Le journal met tout cela en lien avec les critiques de Mgr. Negri à l'encontre des récentes nominations épiscopales en Italie. Ainsi Negri aurait-il, selon FQ, critiqué les nominations de Matteo Zuppi et de Corrado Lorefice, respectivement comme archevêques de Bologne et de Palerme, au cours d'un entretien téléphonique avec le journaliste Renato Farina, du quotidien Libero. Negri aurait littéralement dit : « Après les nominations de Bologne et Palerme, je pourrais moi aussi devenir pape. C'est un scandale. Incroyable. Les mots me manquent. De ma vie, je n'ai jamais vu cela. »

Entre-temps, Farina a démenti avoir eu, avec Mgr Negri, un tel entretien téléphonique et a annoncé une action en justice contre Il Fatto Quotidiano.


Mgr Negri : « Une attaque à ma dignité de personne et d'homme d'Eglise »
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Mgr Negri a fait hier une déclaration adressée à son diocèse. L'article du FQ a, dit-il, « porté une atteinte grave à ma dignité de personne et d'homme d'Eglise, mais aussi à la dignité de l'Eglise ». Au mépris des règles les plus élémentaires du journalisme, poursuit-il, la publication « m'a attribué, en usant de guillemets, des paroles que je n'ai jamais prononcées, et en a sorti d'autres de leur contexte, pour en tirer le contraire de ce que j'ai dit. » Il Fatto Quotidiano « a transformé une conjecture de journaliste en certitude ».

A cause de sa position claire en matière de doctrine catholique, de son rejet farouche de la franc-maçonnerie et de ses paroles fortes, toutes choses qui le distinguent des autres évêques, Mgr Negri s'est attiré des ennemis, et pas uniquement à l'extérieur de l'Eglise. En sa personne se concentre aujourd'hui tout ce que méprisent, en dehors de l’Église, les cercles anticléricaux et, à l'intérieur de l'Eglise, les cercles progressistes et tout ce qu'ils stigmatisent comme étant « anti -François », dans la mesure où ils soulignent une opposition, réelle ou supposée, [entre Mgr Negri et le pape], alors qu'eux-mêmes soutiennent le pape.


Negri incarne tout ce qui est « dépassé » dans l’Église d'aujourd'hui
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Mgr Negri passe pour être attaché à la tradition ; ce qui signifie qu'il est décrié comme « traditionnaliste » dans certains cercles de l'Eglise italienne. Il a critiqué à plusieurs reprises la tentative progressiste de vider de son sens le sacrement de mariage avec la communion aux divorcés remariés. Il s'est prononcé, aussi clairement, contre le « mariage homo » et l'idéologie du genre. Dans son archidiocèse il ne craignit pas d'entrer en conflit avec les politiques et les maires qui voulaient ouvrir des registres d'état-civil pour les unions homosexuelles.

En vertu de son appartenance au mouvement Communione e Liberazione (CL) il est considéré, aux yeux des politiciens de gauche, comme étant proche du camp centre-droit, où de célèbres représentants de CL, comme Roberto Formigioni, depuis longtemps chef du gouvernement de la Lombardie, occupent des postes importants. Une orientation qui d'ailleurs, à l'intérieur même de CL, est devenue minoritaire ces derniers temps. Et cela aussi est une conséquence du pontificat actuel. La nouvelle majorité au sein de CL cherche à se rapprocher du pape François. Cela explique pourquoi, après l'article du FQ, CL s'est empressé de prendre ses distances avec Mgr Negri et de l'inviter sèchement à « clarifier ses déclarations ».


Appel à la «démission» ?
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« La raison pour laquelle Il Fatto Quotidiano s'en prend à Mgr Negri n'est pas difficile à comprendre. Il est le porte-drapeau d'une Eglise qui, aujourd'hui, est dans une situation difficile face à la 'nouvelle Eglise' du pape François, qu'applaudissent les progressistes et les carriéristes dans l’Église ainsi que les medias profanes », selon IntelligoNews. Il semble douteux que l'archevêque ait pu prononcer de telles paroles en public, alors qu'il était dans un train avec de nombreux autres passagers.

Toujours selon IntelligoNews : « FQ dispose-t-il d'enregistrements de conversations téléphoniques illégalement interceptées ou un collaborateur déloyal de Mgr Negri a-t-il communiqué quelque chose au journal ? Nous l'ignorons. Parmi les nombreuses questions que pose l'article du FQ, il en est une qui est peut-être la plus troublante : est-il permis de critiquer le pape François, sans courir le risque d'être espionné, d'être jeté à la une des journaux et d'être publiquement cloué au pilori ? Ou bien peut-être, comme le dit Mgr Negri, n'y a-t-il là-dessous rien d'autre qu'un nouvel exemple d'une haine théologique envers l’Église ? »

L'acharnement des adversaires de Mgr Negri se reconnaît dans d'autres medias. La Repubblica, navire amiral de la presse italienne de gauche et le seul journal que lit chaque jour le pape François, a titré : « La phrase-choc de l'évêque de Ferrare ». Le quotidien La Nuova Ferrara, publié dans la ville qui est le siège épiscopal de Mgr Negri, a écrit : « Il y a de la démission dans l'air ».

Tel semble bien être le véritable but de l'opération. L'archevêque Negri ne devrait pas sortir indemne de cette campagne.

Giuseppe Nardi