Le card. Turkson valide le contrôle des naissances

Le président du Conseil Pontifical Justice et paix, grand artisan du virage écologiste de l'Eglise (*), l'a fait publiquement dans une interview à la BBC. Editorial de Riccardo Cascioli.

(*) Il était à Paris lors de l'ouverture de la COP 21, et il a lui aussi (avec le cardinal Hummes, agissant comme commis du Pape) déposé ses chaussures Place de la République (cf. Dernière trouvaille bergoglienne)

>>> A relire absolument, dans ma traduction, un article du même Riccardo Cascioli, le 29 avril dernier, intitulé L'EGLISE SE PRÉPARE À ACCEPTER LE CONTRÔLE DES NAISSANCES.

>>> L'interview du cardinal à la BBC.

Quand le cardinal écologiste ouvre au contrôle des naissances

Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
10/12/2015
Traduction d'Anna


Le 28 avril dernier, il ne nous a pas été difficile de jouer les prophètes, en titrant «L'Église se prépare à accepter le contrôle des naissances». L'affirmation naissait de déclarations et rencontres promues par le Conseil Pontifical Justice et Paix à la veille de la publication de l'encyclique Laudato Sì, dans lesquelles le cardinal Peter Turkson, président du Conseil Pontifical en question, faisait profession d'adhésion complète à l'idéologie du "développement durable", entrée par ailleurs à plein titre dans la même encyclique.

Aujourd'hui, à l'occasion de la Conférence de Paris sur le Climat (COP 21), le cardinal Turkson a fait un nouveau pas en avant dans cette direction, affirmant dans une interview à la BBC que - comme l'énonce le titre - «le contrôle des naissances peut offrir une "solution" pour le climat». Turkson a été interviewé par la chaîne britannique après qu'il ait prononcé à la COP21, un discours éco-catastrophiste ne différant en rien des positions du WWF et de Greenpeace. Selon ce que rapporte la BBC, le cardinal Turkson est allé jusqu'à affirmer que «le contrôle des naissances peut alléger certains des impacts des changements climatiques, en particulier la pénurie alimentaire dans un monde (de plus en) plus chaud».
C'est le renversement de la position que l'Église a toujours eue en défense de la personne humaine, qui ne peut jamais être sacrifiée au nom de quelque problème que ce soit .

Turkson - qui de toute évidence improvisait -, a aussi affirmé que «l'Église n'a jamais été opposée au contrôle des naissances et à la décision des personnes d'espacer les naissances». Le pape François lui-même, a-t-il ajouté, «lors de son voyage de retour des Philippines, a invité les personnes à une forme de contrôle des naissances», faisant ainsi clairement référence à la phrase controversée de «ne pas faire des enfants comme des lapins». À ce point, pressé sur les méthodes de contrôle des naissances, le cardinal guinéen a dit que de toute façon seules les méthodes naturelles sont licites, et pas celles artificielles.

Il s'agit d'affirmations choquantes à plusieurs égards, mais à vrai dire pas si surprenantes, vues les prémisses, et malgré le fait que l'encyclique Laudato si' critique ceux qui songent à résoudre les problèmes environnementaux en réduisant la natalité. Et même, citant le Compendium de la doctrine sociale de l'Église, le pape François affirme que «l'accroissement démographique est tout à fait compatible avec un développement intégral et solidaire» (n. 50) [ndt: encore un exemple de magistère flou et d'affirmation de tout et son contraire!].

Et pourtant cette fuite en avant du cardinal Turkson ne surprend pas, car dès lors qu'on adopte une certaine approche du problème on est contraint d'en épouser aussi les conséquences.
Essayons de nous expliquer: la vraie, grande nouveauté de Laudato Si' est dans l'adoption du concept de "développement durable", qui naît justement pour montrer l'impact négatif que la population a sur le développement et l'environnement. Le concept a été codifié dans le Rapport de la Commission Brundtland (sur "développement et environnement") publié en 1987; Our Common Future, Notre Avenir Commun. Le "développement durable" ainsi conçu (on est dans le cadre de l'ONU) établit le contrôle des naissances comme l'un des deux piliers de toute politique environnementale (l'autre pilier est le "stop" à la consommation et au développement des pays industrialisés). La prémisse dont part le Rapport Brundtland, et qui trouve aujourd'hui sa pleine réalisation, est une conception de l'homme uniquement comme dévoreur de ressources, qui seraient de plus en plus rares; d'où la nécessité d'intervenir drastiquement afin de limiter l'impact de la population, tant quantitatif que qualitatif.

Compte tenu de ce qui précède et de l'analyse (erronée) sur le rapport entre population et ressources, et donc de l'urgence présumée de l'intervention, il est évident que la conséquence est d'utiliser tous les moyens possibles: contraception et avortement deviennent donc des instruments incontournables du "développement durable". Au niveau des agences des Nations Unies, ce fait est considéré comme acquis et c'est aussi la raison pour laquelle il est tellement facile en Afrique de trouver des préservatifs et contraceptifs divers plutôt que des désinfectants intestinaux ou des antibiotiques.
Adopter le concept de "développement durable", en pensant ensuite pouvoir fixer des limites en matière d'interventions sur les programmes de contrôle de la population, est donc un exercice moralisateur destiné à être balayé.

Et en effet, le cardinal Turkson n'a pas pu éviter de faire ce pas en avant qui est dans la logique des choses, et a même eu des difficultés à expliquer pourquoi à ce stade on ne peut pas utiliser aussi aussi les méthodes artificielles: si on est vraiment convaincu que nous sommes au bord du gouffre, comment peut-on créer des problèmes pour un morceau de latex? Et d'ailleurs, après que tant d'évêques aient affirmé au Synode sur la famille que la continence est impossible («vivre comme frère et sœur»), comment peut-on la proposer pour éviter le Sida et les grossesses non voulues?

Voici donc qu'en matière d'environnement et de démographie l'Église s'est engagée dans une impasse; pour la plus grande joie et satisfaction de ces prélats et intellectuels qui poussent vers les conséquences extrêmes en gommant, au nom de l'environnement et de la conversion écologique, la morale sexuelle traditionnelle, Humanae Vitae et Familiaris Consortio.

Si là réside le nœud de la question, dans les paroles du cardinal Turkson à la BBC, il y a aussi plusieurs erreurs flagrantes, qu'il est trop long d'examiner ici. Nous nous limitons à la plus grave d'entre elles, celle où il affirme que l'Église n'a jamais été opposée au contrôle des naissances. Cette affirmation est aberrante et indique d'ailleurs une ignorance grave de la signification des mots, non seulement du point de vue du catéchisme mais aussi - et dans ce cas 'surtout' - pour la valeur qu'ont certains concepts dans les documents internationaux.

Avant tout, l'Église a toujours parlé de «procréation responsable», mais ne mettant pas en discussion le fait que la fécondité est «une fin du mariage» et que «tout acte matrimonial doit rester en soi ouvert à la transmission de la vie» (CEC n. 2366). Cela dit «pour de justes raisons les époux peuvent vouloir espacer les naissances de leurs enfants. Il leur revient toutefois de vérifier que leur désir ne relève pas de l'égoïsme, mais est conforme à la juste générosité d'une paternité responsable. En outre ils régleront leur comportement suivant les critères objectifs de la moralité»" (CEC, n. 2368). Entrent ici en jeu les méthodes naturelles, qui sont bien une méthode de régulation de la fertilité mais ne peuvent pas avoir de but contraceptif, car «est intrinsèquement mauvaise toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit ans le développement de ses conséquences naturelles , se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation» (CEC, n. 2370).

Si c'est là ce que l'Église enseigne, le Saint Siège a été confronté dans l'arène internationale à un langage totalement différent. Il est vrai que le Saint Siège, traditionnellement, dans les négociations pour les différents documents ONU, ne s'est pas opposé à l'utilisation du concept de "planification familiale", mais dans la mesure où il était compris dans le sens de "procréation responsable", et en tout cas attribuant aux couples la liberté de choisir combien d'enfants avoir, et quand. Dans les années 90 du XXe siècle toutefois, le concept de "planification familiale", dans les documents de l'ONU, a été progressivement entendu comme synonyme de "contrôle des naissances": c'est à dire qu'il s'est transformé en droit des États à déterminer combien d'enfants un couple peut avoir. Du reste, dès son origine, le concept de "contrôle des naissances" a eu une signification aussi coercitive.

En aucun cas donc - et d'autant plus dans les assemblées internationales - ce terme ne peut être utilisé pour indiquer la régulation de la fertilité selon le critère de la procréation responsable.
Que le président du Conseil Pontifical Justice et Paix utilise ces concepts avec une telle désinvolture est alors le signe ou bien d'incompétence profonde, ou bien d'intention délibérée de subvertir le magistère de l'Église.