Planète bleue en péril vert (1)

Le discours prononcé par Vaclav Klaus à l'occasion de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique à New-York le 24 septembre 2007

Ce discours est reproduit en annexe du livre "Planète bleue en péril vert" , ed IREF 2009, page 105

>>> Cf. Une vérité qui dérange vraiment beaucoup



Chers distingués collègues, Mesdames, Messieurs,.

Les hommes politiques conscients de leurs responsabilités savent qu'ils doivent agir quand il le faut. Ils savent que leur devoir est de mettre en place des politiques de nature à résoudre les problèmes qui pourraient devenir des menaces pour leurs concitoyens. Et ils savent qu'ils doivent agir en collaboration avec leurs collègues des autres pays chaque fois qu'un problème ne peut être traité à l'intérieur des frontières nationales. Faciliter ce partenariat est l'une des raisons d'être des institutions comme les Nations Unies.
Cependant les responsables politiques doivent s'assurer que les coûts des politiques publiques qu'ils pratiquent ne seront pas supérieurs aux bénéfices qu'elles apporteront. Ils doivent mesurer avec soin et analyser sérieusement leurs projets et leurs initatives. Cela n'est pas toujours très populaire, il n'est pas facile d'aller contre les idées à la mode et le politiquement correct. Je remercie Monsieur le Secrétaire Général Ben Ki-moon d'avoir organisé cette conférence et de me donner l'occasion de traiter de ce problème controversé des changements climatiques, souvent abordé en sens unique. On peut traiter de ce problème en le ramenant à une menace réelle, énorme, imminente et créée par l'activité humaine. Mais cette approche peut avoir des conséquences tellement lourdes que nous devrions y regarder à deux fois avant de prendre une décision. Mais je crains que ce ne soit pas le cas actuellement.
Permettez-moi de souligner quelques points de nature à recentrer le débat.

1. Contrairement à une opinion toute faite et injustifiable, bien que répandue dans le monde entier, l'accroissement de la température au cours des dernières années, des dernières décennies et des derniers siècles a été très faible si on le replace dans une perspective historique, et son impact sur les êtres humains et leurs activités a été pratiquement négligeable.

2. La menace éventuelle que ferait courir à l'avenir le réchauffement de la planète repose uniquement sur des prévisions très spéculatives, et non pas sur l'observation expérimentale et indubitable des variations et tendances du passé. Ces prévisions sont fondées sur des séries relativement de courte période retenant des variables dûment choisies et sur des modèles prévisionnels qui ne se sont pas révélés très significatifs quand on a voulu connaître leur pouvoir explicatif des évolutions passées.

3. Contrairement à des affirmations péremptoires auto-proclamées et auto-exploitées, il n'y a aucun consensus scientifique sur les causes du récent changement climatique. Un observateur impartial doit admettre le fait que dans les deux camps du débat - celui qui croit que le changement climatique est d'origine humaine, et celui qui pense qu'il s'agit d'un phénomène d'origine essentiellement naturelle - il y a des arguments assez forts pour être écoutés avec attention par le grand public. Proclamer d'avance la victoire d'un camp sur l'autre serait une erreur fatale, mais je crains bien que nous soyons en train de la commettre.

4. A la suite du débat scientifique, il y a ceux qui veulent une action immédiate et ceux qui sont plus réticents. Un comportement rationnel devrait ici (comme ailleurs) prendre en compte l'intensité et la probabilité du risque, et l'importance des coûts nécessaires à le couvrir. En ma qualité de responsable politique, d'économiste, et d'auteur d'un ouvrage sur le changement climatique, j'ai à l'esprit toutes les données et les arguments disponibles et j'en conclus que le risque est trop faible, et les coûts pour s'en prémunir trop élevés, de sorte que l'application d'un « principe de précaution », dans sa version fondamentaliste, est une mauvaise stratégie.

5. Les hommes politiques - je ne suis pas de ceux-ci - qui croient à un réchauffement de la planète significatif et en particulier ceux qui croient à son origine humaine sont encore divisés. Quelques-uns sont en faveur de l'atténuation des changements climatiques (ce qui implique leur contrôle) et sont prêts à investir d'énormes ressources à cet effet, d'autres s'en remettent uniquement à l'adaptation, à la modernisation et au progrès technique, et en particulier à l'impact positif de la future croissance de la richesse et du bien-être (et ils préfèrent réserver les fonds publics à cet usage). La seconde option est moins ambitieuse mais plus prometteuse que la première.

6. Le problème, dans son ensemble, n'a pas seulement une dimension temporelle, mais aussi une dimension spatiale et régionale tout aussi importante. Ce point est particulièrement important ici, aux Nations Unies. Alors qu'il y a dans le monde des niveaux très différents de développement, de revenu, de richesse, appliquer des mesures globales, universelles, indifférenciées, est une solution coûteuse, déloyale et dans une large mesure discriminatoire. Les pays déjà développés n'ont pas le droit d'imposer une charge supplémentaire aux pays moins développés. Prescrire des normes environnementales rigoureuses qui leur sont totalement inadaptées est une erreur, et devrait être rayé de la liste des mesures politiques à prendre.

Mes recommandations sont donc les suivantes :

1. Les Nations Unies devraient mettre en place deux comités IPCC (Intergouvernmental Panels on Climate Change) parallèles, susceptibles de publier deux rapports concurrents. En finir avec la pensée unique est une condition indispensable pour mener un débat efficace et rationnel. Mettre à la disposition de chacun des groupes scientifiques des moyens financiers équivalents est un préalable nécessaire.

2. Les nations devraient être à l'écoute les unes des autres et tirer parti des erreurs et des succès des autres, mais chaque pays devrait être laissé libre de définir son propre plan d'attaque du problème, et la place qu'il doit occuper parmi les autres priorités possibles.
Nous devrions faire confiance à la raison humaine et aux résultats de l'évolution spontanée de la société, au lieu de miser sur les vertus de l'activisme politique. Ainsi, votons pour l'adaptation, et non pour la tentative de maîtriser le climat de la planète.