Qui est le cardinal Erdö

Une longue interview du cardinal hongrois, rapporteur général des deux Synodes, par le directeur de la revue 'Inside the Vatican', fait l'objet d'un livre publié par la LEV. Recension par Giuseppe Rusconi, et portrait d'une personnalité attachante

>>> "La fiamma della fede": www.libreriaeditricevaticana.va/content/libreriaeditricevaticana/it/novita-editoriali/la-fiamma-della-fede.html

 

HONGRIE: QUI EST LE CARDINAL ERDÖ?


Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
14 septembre 2015
Traduction par Anna

Une longue conversation entre le journaliste Bob Moynihan (directeur du mensuel 'Inside the Vatican') et le primat de Hongrie vient d'être publiée par la Libreria Editrice Vaticana. L’entretien, qui s'est déroulé en 2011, offre la possibilité de connaître plus de près un cardinal qui, à propos des migrants, a récemment et injustement été l'objet d'accusations de dureté de cœur. Le livre, à la rédaction duquel la journaliste hongroise Victoria Somogyi (Radio Vatican) a constamment coopéré, est intitulé "La flamme de la Foi", avec une préface du cardinal Angelo Sodano.


En Europe il y a un cardinal qui ne se laisse pas submerger par les émotions suscitées par des photos certes dramatiques jetées en pâture à l'opinion publique, et encore moins intimider par des exhortations moralistes prêchées par des prédicateurs à la page (peut-être même domiciliés là où on paye des impôts dérisoires, comme le chanteur Bono, symbole du politiquement correct). Il est hongrois et sa nationalité à elle seule lui attire aujourd'hui des suspicions immédiates et regrettables vu la façon dont son Pays est pointé du doigt par une campagne internationale hostile (peut-être aussi parce que dans la nouvelle Constitution adoptée en 2011 la vie du fœtus est protégée à partir du moment de sa conception, ou bien parce que la famille y est définie comme l'union d'un homme et d'une femme, "fondement pour la survie de la nation"?).
C'est un cardinal - écrit son confrère le cardinal Angelo Sodano - qui a un amour profond pour sa terre magyare et, d'après le journaliste catholique américain Bob Moynihan - qui l'a interviewé pendant quatre jours de suite à Budapest - "il est un homme du 'centre' de l'Europe, mais encore davantage du 'cœur' de l'Europe". Ce n'est pas un hasard s' "il représente le meilleur de ce que la tradition européenne peut offrir: formation, connaissance, étude, réflexion, clarté de pensée, sagesse". Il considère "La flamme de la foi" comme la "source du plus grand des objectifs de l'Europe: le triomphe de la justice sociale, l'engagement dans la défense des droits humains, la recherche de la paix et d'organismes de paix indiquant des voies politiquement viables parmi les nations".

Ce cardinal est Peter Erdö, né à Budapest en 1952, consacré évêque par Jean-Paul II dans la Basilique Saint-Pierre le jour de l'Épiphanie du Jubilé de l'an 2000, nommé archevêque d'Esztergom-Budapest (et donc primat de Hongrie) en 2002, cardinal depuis le 21 octobre 2003. Et encore: président de la Conférence épiscopale hongroise pendant deux mandats (2005-2015), président du Conseil des Conférences épiscopales européennes depuis 2006, rapporteur général du Synode extraordinaire pour la famille de 2014 et de l'ordinaire de 2015.

Le livre-interview publié il y a quelques jours par la Librairie Éditrice Vaticane et intitulé "La fiamma della Fede" (La flamme de la Foi) permet au lecteur de mieux connaître la personnalité du cardinal hongrois et de mieux comprendre sa façon d'aborder même les questions les plus dramatiques, à la lumière de la foi unie à la force de la raison: Erdö n'est donc pas un impulsif ni un superficiel et il s'efforce d'évaluer les situations par l'analyse de ce qu'il est possible de faire pour le bien de la communauté: on ne peut pas jouer avec la vie des gens par amour du politiquement correct. Non plus avec la vie des peuples, de ceux qui migrent et de ceux qui les reçoivent.
Le cardinal hongrois sait d'ailleurs très bien que ceux qui aujourd'hui crient plus fort contre ceux qui essayent de raisonner (avec humanité mais en utilisant la raison avec le cœur!) sur le thème de l'accueil, on trouve facilement des leaders 'occidentaux' lourdement responsables de cette destruction du tissu connectif d'Iraq, Libye, et Syrie à l'origine du flux incontrôlé de réfugiés moyen-orientaux vers les Pays du même Occident.

"La Flamme de la Foi" est le fruit de la conversation entamée par Bob Moynihan "dans une journée agréable et ensoleillée de juillet" 2011 à Budapest: "Le cardinal célébra la messe du matin dans la chapelle de sa résidence. Nous prîmes ensuite un simple petit-déjeuner avec ses deux assistants, le père Zoltan et le père Lazlo. Nous parcourûmes ensuite le couloir jusqu'au bureau du cardinal et commençâmes notre conversation, qui se poursuivit pendant quatre jours". On remarquera immédiatement que le texte ne contient pas de références directes à l'actualité du Synode, dont le cardinal est Rapporteur général (bien que dans le livre il soit largement question de la famille et de ses problèmes). Un chapitre lui a toutefois été ajouté concernant en synthèse quelques moments des années 2013 et 2014, comme la renonciation à la Papauté de Benoît XVI et l'élection du pape François.

Dans son parcours d’élaboration du texte Moynihan a été constamment accompagné et conseillé par Viktoria Somogyi, rédactrice hongroise à Radio Vatican, tandis que la révision critique finale est de Luca Caruso.

Le livre, dédié "à tous ceux qui ont gardé la foi", est préfacé par le cardinal Angelo Sodano et est divisé en trois parties principales: "La vie", "La foi", "Les défis de notre temps". Dans cette dernière section on trouve par exemple de larges réflexions sur l'histoire et l'identité hongroise, sur "Loi et bien commun", sur la "Question anthropologique", sur la Russie et la "Nouvelle évangélisation".

On aura compris que l'interview est tous azimuts. Nous rapportons ici quelques réponses du cardinal à des questions très intéressantes, afin de donner l'envie à ceux qui nous lisent d'avoir entre les mains ce livre tout à fait singulier qu'est "La flamme de la Foi".

Rapports entre l'Église et le régime communiste hongrois: Nous avons ressenti être soumis à un poids énorme (…) Car si un homme est courageux, il peut supporter la lutte contre un ennemi cinq fois plus fort. Mais lorsque l'ennemi est deux cent fois plus fort, alors c'est très différent. Et surtout les Hongrois, dans leur histoire, ont toujours souffert de l'abandon et de la trahison de l'Occident qu'ils entendaient défendre, ou à qui ils avaient la conscience d'appartenir. Cela s'est répété de nombreuses fois: il a été ainsi pendant l'époque turque et aussi plus tard, comme en 1956.

Idéaux communistes et attraction: Jamais (ils ne m'ont attiré)! Je n'ai jamais subi cette tentation, ni celle de croire aux livres d'école ou à la radio ou à la télévision. Jamais, jamais. Grâce peut-être à mon éducation.

Communisme et 'vertus": Vous me demandez s'il y a eu des 'vertus' dans le marxisme et dans le communisme et je dois donc vous rappeler la doctrine catholique sur cette idéologie qui était athée et donc anti-chrétienne et anti-humaine. Je dois aussi vous rappeler toutes les tragédies provoquées par cette idéologie. En Hongrie nous en avons été témoins. Ce serait différent si vous m'aviez demandé s'il y avait des vertus chez les marxistes et les communistes. Je vous aurais évidemment répondu que le péché et les vertus sont propres aux personnes, sont propres à chaque être humain. Ensuite, les intentions, c'est le Seigneur qui les juge.

Europe et intégration des musulmans: Qu'est-ce que signifie intégration? En Europe des millions et des millions de personnes se sont intégrées provenant d'autres continents et cela n'a pas beaucoup d'importance si elles sont musulmanes, croyantes ou non croyantes ( ??). L'intégration comporte en premier lieu l'observance des lois du Pays où on arrive et le respect des institutions. On ne peut pas prétendre à plus que cela, on ne doit pas non plus poursuivre l'objectif de l'assimilation totale, car chaque individu, voire chaque communauté, a le droit de maintenir sa propre culture, sa propre religion, sa propre langue, etc…

Europe et immigration: La question de l'Europe présente de nombreux aspects. Il est évident que tous ont le sacrosaint droit d'essayer de survivre aux situations de famine, de guerre civile et de menace à la vie. Mais de l'autre côté on ne peut pas obliger les Européens à laisser entrer - même illégalement et sans aucun contrôle - le monde entier dans leurs Pays, car de cette manière l'ordre public, si attrayant encore pour les autres, s'effondrerait. Il faut donc dégager la vérité dans ces situations, recherchant le vrai équilibre justement dans la perspective de la solidarité et de la miséricorde.