Un cadeau-boomerang

Raoul Castro a offert au Pape un cadeau empoisonné (à la fois pour lui et pour son hôte): un crucifix fait avec des rames de bateaux des migrants de la Méditerranée



L'auteur de l'article ci-dessous est une "vieille" connaissance. Andrea Zambrano est ce journaliste catholique qui nous avait gratifiés d'une réjouissante réflexion sur les "familles de lapins" après des propos malheureux du Pape dans l'avion de retour des Philippines, en janvier dernier (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I-1/actualites/des-lapins-heureux).

Le cadeau-mauvais tour de Castro

Andrea Zambrano
La Nuova Bussola
23/9/2015
(Traduction par Anna)

* * *

Ce qui nous manque, c'est de nous arrêter sur le détail. Car si nous le faisions, nous découvririons un monde à l'envers. Prenons par exemple le cadeau offert par le président Raoul Castro au Pape François lors de sa visite à Cuba. C'est l'œuvre de l'artiste Alexis Leyva Machado: un crucifix de deux mètres de haut réalisé avec les rames de bateaux. Mais pas des rames quelconques. Il s'agit - lit-on dans les dépêches, toutes semblables, et donc probablement de source institutionnelle - de rames des bateaux des migrants de la Méditerranée.

Le message que Cuba a voulu donner au Pape allait dans le sens des goûts, qui ne se discutent pas, comme on le sait. "Comme le Pape est très sensible au sort des migrants, alors nous lui donnons ce crucifix qui lui rappellera l'urgence humanitaire en cours".
Bien, et même parfait, si l'on pense aux derniers dérapages du protocole lorsque le président Evo Morales offrit au pape François une sculpture représentant un crucifix en forme de faucille et marteau. "Avec tous les morts provoqués par le communisme!", entendit-on.
Le cadeau provoqua la paniquer du protocole du Vatican, même si - raconte-t-on - il n'aurait pas déplu au Pape, peut-être parce que à un cheval donné on ne regarde pas la bride!
Mais le circuit médiatique a donné et déjà digéré la nouvelle du crucifix fait de rames, sans toutefois s'arrêter à y réfléchir ne serait-ce qu'un petit instant. Et pourtant, il y en aurait, des réflexions à faire à ce sujet.
Exemple: Cuba qui montre tant de compassion pour les masses de migrants qui entrent en Europe à travers les charrettes de la mer, la plupart du temps des canots pneumatiques, qui en général n'utilisent pas de rames. Mais passons… Cuba qui montre de la compassion pour les milliers d'exilés et de réfugiés, de l'autre côté de l'Atlantique.

Mais n'est-ce pas la même Cuba qui a produit un nombre exorbitant d'exilés de la révolution qui jusqu'à présent ont débarqué à Miami, de la mer justement? Des exilés qui sont toujours privés de justice, comme le montre l'éloignement de la dissidente Berta Soler de la Nonciature où le Pape séjournait ces jours-ci à La Havane? La même Cuba qui, jusqu'à preuve du contraire, est toujours un régime dictatorial qui ignore les élections démocratiques, la dissidence, et ces caractéristiques que nous avons coutume de revendiquer comme des droits fondamentaux?

On dirait bien que oui, mais personne ne semble avoir été choqué par ce mauvais tour du régime castriste, qui fait un clin d'œil à l'angélisme dominant, résolument impérialiste, et utilise un langage cher au lider maximo, pour qui les migrants sont un thème qui ne risque pas de rater sa cible, peu importe s'il s'agit de migrants qui fuient une guerre ou qui recherchent tout simplement le bien-être. Mais l'important est que l'on parle des migrants de la Méditerranée.

Certes pas de ceux de chez eux, qui sont parqués en Floride cultivant la nostalgie de la patrie lointaine, à la recherche d'un visa.... Et pourtant, ce crucifix lui aussi est une fausse note, précisément pour celui qui l'a donné. Combien y a-t-il eu de morts en mer, fuyant un régime dictatorial comme celui de Cuba?

C'est un problème dont le protocole du Vatican, si attentif à sélectionner chaque minute que passe le Pape dans ses voyages apostoliques, ne s'est pas aperçu. Même si cette fois il ne suscitera pas de rébellions spéciales, à cause du thème tout à fait légitimé, celui des migrants, qui est comme le noir: il va avec tout.