Un entretien avec Mgr Sanchez Sorondo

Le chancelier de l'Académie pontificale des Sciences, ami argentin du Pape, répond aux questions pugnaces, à la limite du harcèlement (bienvenu!!) de Giuseppe Rusconi sur <Rossoporpora>

>>> Image ci-contre:
it.radiovaticana.va (elle illustre une brève et complaisante interview de Sorondo au lendemain de la rencontre avec Ban Ki-moon et J. Sachs).

 

On se souvient que Mgr Sorondo s'était trouvé sous le feu des critiques pour avoir organisé en avril dernier au Vatican un Symposium sur le thème «Protéger la Terre, dignifier l'humanité», en lien avec l'Encyclique à l'époque encore attendue, avec pour invités-vedettes Ban ki-moon et Jeffrey Sachs.
Critiques particulièrement virulente, en particulier de la part d'un influent blogueur conservateur italo-américain Stefano Gennarini, qui l'avait interviewé par mail sur son blog “Turtle Bay and Beyond...”. Le prélat s'était révélé alors particulièrement agressif et intolérant (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/un-prelat-de-curie-tres-agressif).
L'échange n'était pas passé inaperçu, on relira ici (benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/sante-reproductive-sorondo-perd-son-sang-froid) la réponse de Riccardo Cascioli, et la mise au point de Sandro Magister.

Au tour de Giuseppe Rusconi de s'entretenir avec le prélat argentin (en qui on peine vraiment à voir un homme de Dieu, au ton de ses réponses!) ami et protégé du Pape. Son interview est un modèle du genre: l'animateur de <Rosso Porpora> le pousse dans ses derniers retranchements, et Sorondo, à court d'arguments, se montre fermé à tout débat, et se réfugie dans le déni, (presque) aussi agressif qu'avec le blogueur américain.
Il faut lire en entier... j'ai presque envie de dire no comment. Les mots parlent d'eux-mêmes

Est-il cynique, ou simplement naïf (auquel cas il se laisse manipuler par ses interlocuteurs onusiens)? Je laisse charitablement la question ouverte.

ENCYCLIQUE, ONU, POLÉMIQUES:
ENTRETIEN AVEC MGR SANCHEZ SORONDO

Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
6 Juillet 2015
(ma traduction)

Un entretien animé avec le chancelier de l'Académie pontificale des Sciences sur le développement et les contenus de Laudato si', sur certaines critiques du document papal, sur la polémique dérivée du Congrès, fin Avril, auquel étaient invités le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et son conseiller pour l'écologie Jeffrey Sachs.

* * *

A l'intérieur des jardins du Vatican, entre les musées, à mi-colline, se dresse un bâtiment peu banal datant du XVIe siècle, la «Casina Pio IV». Ses vastes salles abritent l'Académie pontificale des Sciences et l'Académie pontificale des Sciences sociales. Le chancelier des deux est un évêque et théologien argentin de 73 ans Marcelo Sanchez Sorondo, grand ami du pape François et ces derniers temps au centre de vives polémiques (en particulier américaines) à propos de la thèse du réchauffement climatique (qu'on retrouve dans l'encyclique Laudato Si'), mais aussi d'une récente conférence sur le nouvel esclavage dont les invités d'honneur étaient le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon et l'économiste néo-malthusien controversé Jeffrey Sachs. Nous avons demandé raison de tout cela au prélat argentin, qui a défendu très vigoureusement, voire avec passion, son point de vue ...

Mgr Sanchez Sorondo, commençons par l'encyclique Laudato si'. Le premier projet de texte est l'oeuvre du Conseil pontifical pour la justice et la paix, qui a l'a donné au pape. Ensuite, penadant plus d'un, le Conseil pontifical n'a plus été directement impliqué, et l'encyclique a été annoncé avec une structure très différente de celle initiale. On dit qu'elle a de facto été «darrachée» à ce dicastère et confiée en particulier juste ment à l'Académie pontificale des Sciences, dont vous êtes chancelier ... Savez-vous quelque chose à ce sujet?

En Janvier, dans l'avion entre le Shri Lanka et les Philippines, le pape a répondu à une question sur le sujet, constatant que le premier projet avait été fa par le Conseil pontifical cité, puis que lui-même y avait travaillé avec quelques collaborateurs; après quoi [le projet] est passé dans les mains de quelques théologien, on a envoyé une copie à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, à la Secrétairerie d'État, au théologien de la maison pontificale. Le pape a signé. Je ne vois nulle part mentionnée l'Académie pontificale des Sciences ...

Pourtant, il y a des parties entières de nature technico-scientifique ...

Qu'on ait puisé à nos textes est plus que possible. Les thèses scientifiques de l'encyclique, chacun peut le constater, sont celles que nous soutenons. L'encyclique n'est pas un document scientifique, mais pastoral, qui toutefois utilise des données fournies par les sciences naturelles et les sciences sociales. Quand l'encyclique dit qu'il y a un problème de climat, il est clair qu'elle peut l'avoir tiré aussi de l'Académie. Nous étions les premier à soulever la question, nous disons depuis des décennies qu'il y a un réchauffement dû à l'activité humaine. C'est une thèse partagée par 99% des scientifiques.

Lors de la présentation officielle de l'encyclique, une large part a été faite aux rapports scientifiques, par exemples celui du professeur Schellnhuber, «gourou» de la thèse du réchauffement climatique et partisan de la théorie de la tolérance maximum de deux degrés de plus pour la Terre, pour la prévention de catastrophes universelles. Schellnhuber, entre autres choses, avait été désigné la veille comme membre ordinaire de l'Académie: une reconnaissance certainement voulu. Dans son exposé, c'était clair, incisif même, grâce aux diapositives utilisées sur l'augmentation progressive de la température et la pollution ... Belle leçon universitaire, mais il y en a qui se sont demandés: mais quel rapport avec une encyclique du chef de l'Eglise catholique ?

Quelqu'un qui pose cette question montre qu'il n'a rien compris à l'encyclique ...

Un jugement drastique ...

Je m'explique. L'approche de base de l'encyclique est théologique ...

Certains doutent qu'elle soit théologique ...

Et au contraire, elle est théologique. Le Pape fait une réflexion à partir de la foi, à travers la raison. C'est la même chose dans toutes les encycliques. Dans notre cas, le pape François raisonne autour de la terre. Je dis 'terre' et pas 'nature', parce que la nature est beaucoup plus grand que la terre ... nous sommes un grain de sable dans l'univers. Lorsque nous disons que nous sommes les gardiens de la création, c'est juste ... mais pour l'instant nous ne pouvons même pas garder notre galaxie, même pas le soleil ... nous sommes arrivés avec difficulté à la Lune, pas à Mars. Donc, nous devons avoir conscience de nos limites, nous ne sommes que les gardiens de la terre. La Bible le dit, l'explicite - dirais-je - et aussi saint François. Et même saint Thomas, quand il dit que tout est créé et racheté par Dieu ...

Avec l'homme, les animaux et les plantes aussi?

Oui, tous, tous. Il y aura une nouvelle terre et de nouveaux cieux. L'idée de saint François en parlant de la Sœur Terre, explicite cela. JJ'aime citer la biographie de saint François écrite par Chesterton:. L'écrivain dit que saint François a fait comprendre que la nature est créée par Dieu. Dieu est présent dans toute la création, les trois personnes de la Trinité ont fait la création comme un processus qui est le processus éternel des manifestations divines.

Une observation critique sur l'encyclique dit que le Pape, dans de larges parties du texte, parle de questions qui ne sont pas de sa compétence spécifique ...

Oui, c'est le reproche de quelque candidat républicain à la présidence des États-Unis. Mais le Pape sait ce qu'est la religion ... sait qu'il peut parler de toutes les choses en relation avec Dieu et donc aussi de la terre par rapport à Dieu: c'est la religion! Que dit saint Thomas dans sa Summa teologica? [La religion] c'est traiter de Dieu et de toutes les choses qui ont des relations avec Lui.

Alors, le pape François n'a pas l'intention d'enseigner la science aux scientifiques ...

Non, il utilise les données de la science les plus crédibles pour décrire la situation de la terre. Cette terre dont nous sommes les gardiens et que nous sommes tenus d'accompagner dans son progrès. Soutenons et veillons sur le développement, le développement durable ...

A propos de développement durable: la participation fin Avril à la rencontre sur le thème «protéger la terre, ennoblir l'humanité: les dimensions morales du changement climatique et du développement durable» du Secrétaire général Ban Ki-moon, et de son conseiller pour les soi-disant objectifs du millénaire, l'économiste Jeffrey Sachs, directeur de l'Institut de la Terre à la Columbia University, a suscité de vives polémiques - en particulier aux Etats-Unis. Sachs est un économiste très controversé, aussi à cause de ses thérapies néolibérales drastiques suggérées aux gouvernements d'Amérique latine et de ses idées sur la 'surpopulation' (avortement «à bas-prix, à faible risque»). Vous avez reçu avec tous les honneurs le secrétaire général d'une organisation très discrédité auprès de plus d'un, et son conseiller: tous deux sont en faveur du contrôle des naissances, de l'avortement ...

Certains milieux étatsuniens ont voulu saborder l'encyclique préventivement, aussi parce qu'ils ne croient pas à une crise du climet due à l'activité humaine ...

Mais c'est une opinion légitime d'un point de vue scientifique?

Pour nous, non. Et de fait, aucun scientifique important ne se range avec eux en défense de leur thèse. La communauté scientifique, les académies scientifiques à travers le monde pensent comme nous. Le Pape le dit aussi dans l'encyclique. Ils se sont attaqués à moi de façon disproportionnée, dans le but d'ôter tout sérieux à nos conclusions. Selon eux, si nous travaillons, si nous collaborons avec des gens qui ne font pas partie du monde catholique, les conclusions auxquelles nous parvenons ensemble sont elles aussi en dehors du catholicisme.

Les critique au Congrès concernent pourtant aussi les positions pro-avortement du Secrétaire général de l'ONU et de son conseiller ...

Mais le pape, quand il nous a demandé d'organiser ce Congrès, ne nous a pas dit de le faire pour l'avortement! Vous savez ce qu'il m'a écrit?
Marcelo: Creo que seria bueno tratar sobre trata de personas y esclavitad moderna. La trata de organos puede tratarse en conexion con la trata de persones. Muchas gracias. Francisco”. On nous a attaqué sur le faux, au lieu de nous juger pour ce que nous avons fait, une tâche difficile parce que nous voulions que ces arguments soient insérés par l'ONU parmi les objectifs du Millénaire ...

Vous avez obtenu ce que vous vouliez?

Nous ne le savons pas. Mais il y a la promesse de Ban Ki-moon, il y a la promesse de Sachs, qui est en charge de la nouvelle formulation du texte des objectifs du Millénaire. Nous demandons que dans la partie du document sur l'exclusion sociale soient mises en évidence les nouvelles formes d'esclavage, comme le travail forcé, la prostitution, la vente d'organes, peut-être même le trafic de drogue. Nous montrons que nous voulons défendre la famille, comme ils disent. La prostitution - c'est l'exemple le plus frappant - attente gravement à la vie de la famille. Ainsi que les soi-disant voyages de tourisme sexuel. Nous avons donc demandé à nos détracteurs de signer la déclaration sur les nouvelles formes d'esclavage, mais à ce jour ils ne l'ont pas fait (1)

Le pourquoi, c'est à eux qu'il faut le demander. Pourtant les détracteurs insistent sur la collaboration si mise en évidence avec Ban Ki-Moon et Sachs ...

Ceux-ci ne se reconnaissent pas dans les descriptions qui ont été faites ... (!!)

Pourtant, l'ONU utilise un certain langage, en vérité frauduleux, qui couvre des pratiques comme l'avortement: pensez à l'expression «santé reproductive», sans aucun doute inconciliable avec la doctrine sociale de l'Eglise ...

Ici aussi, il convient de préciser: l'ONU n'a jamais approuvé le droit à l'avortement. Ce sont nos nonces qui nous le disent ...

Je me souviens à cet égard des batailles menées lors de la Conférence du Caire de 1994 par l'Observateur permanent auprès de l'Organisation des Nations Unies d'alors, aujourd'hui cardinal Renato Martino... batailles remportées non pas grâce aux États dits progressistes d'Occident, mais en vertu de l'alliance avec de nombreux pays de l'Europe de l'Est, et islamiques ...

Absolument.

Cependant, de facto , dans votre activité quotidienne et en dépit des grands efforts déployés par les différents nonces apostoliques, l'ONU et ses agences favorisent l'avortement, ainsi que - pour rester dans l'actualité dramatique - le soi-disant «mariage gay» et l'idéologie mortifère du gender. Lisez un peu certains 'Position Paper', par exemple de l'UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance ...

Qu'il y ait de facto des bureaucrates en faveur de l'avortement et certains pays déployés dans la même direction, c'est vrai. Mais il n'est pas vrai que l'ONU est en faveur de l'avortement! Il est faux de continuer à le dire ....

Oui, mais le concept de «santé reproductive» utilisé dans de nombreux documents onusiens, même s'il ne parle pas explicitement d'«avortement», est trompeur, il cache la vérité .... Vous savez ce qu'a écrit dans son récent livre le cardinal africain Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin? «Il est totalement erroné que l'Eglise se permette d'utiliser les mots qui sont utilisés aux Nations Unies. Nous avons un vocabulaire pour exprimer ce que nous croyons» ...

Bien sûr, le terme est ambigu. Mais on ne peut pas dire qu'il inclut le droit à l'avortement, parce que l'ONU, grâce au travail de notre diplomatie, ne l'a jamais reconnu ... D'accord avec l'observation du cardinal Sarah, mais je me demande: Si l'Eglise doit en parler, comment le fait-elle? (2)

Pourtant quand l'opinion publique, en particulier en Occident, entend parler de «santé reproductive», elle pense à l'avortement ... Vous savez que, souvent, dans notre société massmédiatiquement frauduleuse, la perception devient plus facilement vérité que la vérité elle-même...

Mais l'Église interprète différemment le contenu de l'expression «santé reproductive»: selon ce qui a été approuvé à l'Organisation des Nations Unies, elle ne contient pas le droit à l'avortement. Les Nations Unies n'ont pas le droit à l'avortement, ils ne l'ont pas! Que les bureaucrates de l'ONU soient en faveur du droit à l'avortement, c'est une autre question ...

Mais les bureaucrates sont les Nations Unies!

Les bureaucrates ne sont pas les Nations Unies. Mais vous comprenez combien sont idiots ceux qui disent certaines choses aux États-Unis? Nos nonces ont toujours obtenu qu'il n'y ait pas de droit à l'avortement! Si nous disons que l'ONU reconnaît le droit à l'avortement, nous faisons une chose stupide, contre le Saint-Siège!

Pour conclure sur le sujet, donc les grandes polémiques étatsuniennes sont basées sur un malentendu colossal?

Je ne connais pas le mot italien exact pour définir la polémique, mais «malentendu» est trop faible. En l'occurence, on a seulement voulu modifier les cartes sur la table pour minimiser ce que nous disons surtout sur le problème du changement climatique. Un détracteur a écrit qu'il prie pour moi. Parfait, merci, mais je pose la question: Pourquoi ne pas signer le document en trois langues (anglais, espagnol et italien) contre le nouvel esclavage qui est affiché sur notre site?

* * *

NDT:
(1) Pourquoi ne pas avoir demandé que soit inséré dans les objectifs du millénaire le respect de la vie, et en particulier le non à l'avortement? La réponse et simple: Sorondo et ses amis savent que c'est irréaliste. Pour sauver la face, ils ont donc choisi de faire l'impasse sur l'essentiel. Ce qui est purement et simplement une capitualation, en essayant de tromper les honnêtes gens en général, et ceux catholiques en poarticulier
(2) Mais tout simplement en appelant un chat un chat. A moins que Sorondo n'admette ainsi implicitement qu'il n'y a aucun dialogue possible, si l'Eglise ne s'adapte pas aux exigences de son interlocuteur