Vatileaks 2

Riccardo Cascioli écarte (à juste titre) toute similitude, sinon de surface, avec les "Vatileaks 1" sous Benoît XVI. Il s'interroge sur les nominations papales et les réactions des vaticanistes, et il se demande ce qui se cache derrière: la vraie cible serait-elle le cardinal Pell?

>>> Voir à ce sujet: La revanche de Sandro Magister

 

Nouveaux corbeaux, vieilles stratégies

Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
03 novembre 2015
Ma traduction


L'arrestation au Vatican de Mgr Lucio Angel Vallejo Balda et de Francesca Immacolata Chaouqui, accusés d'avoir transmis à des journalistes des documents confidentiels concernant les finances du Vatican, est un nouvel épisode déplaisant de la saison des "corbeaux". C'est probablement un épisode qui n'est pas connecté aux premiers Vatileaks sinon dans le déroulement de l'incident et le fait qu'une fois de plus les gens appelés à servir le pape ont trahi sa confiance (*). Le fait est que le jeudi 5 Novembre sortiront deux livres construits avec des matériaux volés et des confidences personnelles.

Il doit être clair qu'il n'y a rien pour justifier de telles actions, même si quelqu'un pense faire de cette façon le bien du Pape ou de l'Église.

DES NOMINATIONS ÉTRANGES
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Ceci étant dit, il y a quelques aspects qui méritent d'être mis en évidence.
Le premier concerne la modalité des nominations - par des canaux informels - souvent utilisée dans ce pontificat, y compris celles épiscopales. Il est vrai qu'étant donné le fonctionnement de la machine vaticane, la filière ordinaire de nominations peut s'avérer confuse et rester l'otage de la bureaucratie et de différentes "cordées". Mais il est également vrai que les choix faits sur la base d'intuitions ou de rapports d'amis d'amis, en dehors de processus de sélection sérieux, comportent de nombreux risques, sinon pire.

C'est sans doute le cas de la Chaouqui, nommée à la surprise générale dans la commission chargée d'étudier la réforme du système économique et financière du Saint-Siège: elle avait été recommandée - selon ce qu'elle-même a déclaré - précisément par Mgr Vallejo Balda, qui par ailleurs, en tant que secrétaire de la Préfecture pour les Affaires économiques, avait fait de l'excellent travail. Pourtant, qu'il s'agît d'une nomination controversée était parfaitement clair, pour ceux qui connaissent le sujet. Au point que le vaticaniste Sandro Magister avait immédiatement mis en évidence les motis d'inaptitude (cf. La revanche de Sandro Magister), rappelant les poisons répandus durant le pontificat précédent et aussi ses conflits d'intérêt: la Chaouqui travaillait en effet pour Ernst & Young, société de conseils par la suite curieusement embauchée par le Saint-Siège. Mais c'est resté une dénonciation isolée, surtout parce que la plupart des vaticanistes ont préféré continuer à construire une aura d'infaillibilité autour de François, même sur des questions ne concernant pas le Magistère, pensant peut-être à des nominations prochaines. Ce qui se passe ces jours-ci, cependant, montre que ce faisant, on fait du mal au Pape qu'on prétend défendre en paroles (ndt: le pape a-t-il besoin de quelqu'un pour cela??).

Du reste, le cas Chaouqui n'est pas le seul: le même Magister avait immédiatement soulevé le cas de Mgr Battista Ricca, nommé en 2013 par le pape François prélat de l'IOR, mais avec une vilaine histoire de scandale public lié à son homosexualité lors de son service à la nonciature en Uruguay. Et d'autres personnages qui ces dernières années ont gravi les échelons de la carrière, risquent de causer des problèmes dans un avenir proche.

RÉACTION PRUDENTE DE LA PRESSE
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Une deuxième question concerne les réactions de la presse. Même s'il y en a encore qui tentent de recycler le refrain de la «vieille garde» qui s'oppose aux réformes de François, ce qui surprend, cette fois, c'est l'extrême prudence, le détachement de ceux qui, il y a encore quelques jours criaient vent debout au complot, jusque pour une lettre signée, et remise en main propre au Pape. Cette fois, il est probable que le schéma de la «vieille garde» ne fonctionne pas vraiment, étant donné que la nomination de la Chaouqui est entièrement bergoglienne, et Vallejo Balda lui-même avait été promu par François.

Mais le sentiment, c'est qu'il y a aussi quelque chose d'autre. Comme si on attendait de lire le contenu des livres sur le point de sortir pour savoir sur qui se jeter, ou avec quels arguments. Du reste, ce qui est en cause étant les finances du Saint-Siège, on ne peut pas oublier qu'à la tête du département de l'économie, il y a ce cardinal George Pell, qui pendant des mois a été dans la ligne de mire des progressistes et de la presse de régime (ndt: !!! - on n'aurait jamais entendu cela sous Benoît XVI car c'était impensable). Ils ont déjà essayé - en vain - de l'impliquer dans une affaire de pédophilie en Australie; il a ensuite été dans leur collimateur pour la lettre des 13 cardinaux, au cours du Synode sur la famille. Et maintenant, les Vatileaks 2 pourraient le mettre dans un embarras sérieux. La raison de cet acharnement est que dans le Conseil de 9 cardinaux appelés à aider François dans la réforme de la Curie, Pell est la seule voix clairement opposée à certaines revendications progressistes.
Et étant donné le climat actuel, on ne peut s'étonner de rien.

NDT

(*) Comparer Paolo Gabriele et le duo Chaouqui/Vallejo est évidemment une vile manoeuvre destinée à susciter une confusion supplémentaire, en mettant les deux papes sur le même plan: le premier était un simple domestique, qui a été utilisé par des gens dont on ne connaît toujours pas l'identité, et qui avait été "choisi" (et peut-être même pas par lui personnellement, si j'en crois un commentaire lu sur le site Chiesa e post Concilio par le pape pour remplir une tâche subalterne et à caractère privé. Les deux autres (et plus particulièrement la femme) ont été "nommés" par le pape actuel, pour remplir une fonction dans un cadre public et officiel.
Tous ont trahi, si l'on veut, la "confiance" du pape, mais dans le premier cas, Benoît XVI n'était que la victime de groupes malveillants qui voulaient le faire partir; sa responsabilité n'était en rien engagée. Dans le second en revanche, si dommage il y a pour le pape (ce qui n'est pas certain: j'ai encore entendu ce matin sur une radio commerciale très pro-Bergoglio que François était arrivé au Vatican pour mettre de l'ordre, et que certains s'emploient à l'en empêcher), il a été victime uniquement de son imprudence et de son entêtement à tout décider hors des circuits.

Le sujet des livres prêts à sortir concernant les finances du Vatican, tout laisse malheureusement craindre que le scénario "le pape contre l'Eglise" va jouer à plein, au détriment exclusif de la seconde.