La lettre de Jeannine du 30 octobre. II : François
Dans cette partie, Jeannine revient sur les récentes vicissitudes du pontificat, en particulier le Synode
>>> Première partie: La lettre de Jeannine du 30 octobre. I: Benoît
Chère Béatrice,
(...)
Il y a eu bien sûr le Synode et comme prévu la montagne a accouché d’une souris. A quand le prochain, dont parle le cardinal Maradiage, sur la collégialité et la décentralisation de l’Eglise? Maintenant que l’on est entré en synodalité, comme d’autres entrent en religion, il faudra traiter des sujets qui n’ont pas été au programme. Il paraît que les LGBT ne faisaient pas partie d’un synode sur la famille, d’accord, alors pourquoi leur avoir accordé tant de place en 2014? Les sujets de réflexion sont nombreux et seront l’occasion de nouvelles joutes, je n’en doute pas. J’ai été presque déçue que François, cet homme si sûr de lui, qui avance selon ce qu’il décide de faire, n’ait pas osé franchir le pas. Trop risqué me direz-vous, peut-être, mais le texte final n’est pas connu, ne dépend que de lui et dans cette année jubilaire de la miséricorde il me paraîtrait logique d’accorder aux divorcés-remariés l’accès à la communion eucharistique puisque c’est à cette mesure que le pape veut arriver. Donc, pour moi, wait and see. Si j’étais divorcée-remariée ou LGBT je serais dépitée.
Entre J-M Guénois qui parle d’une «standing ovation» pour le pape lors de son discoures de clôture et la précision donnée par une amie italienne - accueil mitigé 50-50 - et même Sébastien Maillard pour la Croix qui le 25 octobre signale que la salle ne s’est pas levée unanimement, qui croire? De plus comme le confie un des proches de François: le pontificat devra être long s’il veut rendre son processus de réforme irréversible.
Il est arrivé le 13 mars 2013 avec son programme de gouvernement et sans grands éclats il installe à coup sûr l’Eglise nouvelle qu’il appelle de tous ses vœux. En toute humilité il ne tolère pas de ne pas voir se réaliser ce qu’il décide, cela on le sait depuis longtemps. Synodalité, collégialité, des mots qui sont chers à l’évêque de Rome mais qu’il interprète à sa façon : c’est lui qui décide, c’est lui le patron. Il parle toujours avec autant de délicatesse de l’ancienne Eglise et de ses membres: « cœurs fermés qui souvent se cachent jusque derrière les enseignements de l’Eglise ou derrière les bonnes intentions pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger quelquefois avec supériorité et superficialité les cas difficiles et les familles blessée ». Il a fustigé une fois de plus « les routiniers de la grâce, qui avancent « sans (se) laisser déranger, où celui qui gêne ou n’est pas à la hauteur est à exclure » , exactement ce que lui, François, si miséricordieux, fait. Ne dit-on pas « faites ce que je vous dis mais pas ce que je fais » ?
J’ai trouvé misérable le coup de la tumeur pour le pape. Pas d’imagination, se resservir de la même bouillie trois ans plus tard cela montre bien que le départ de Benoît XVI n’a pas pu empêcher que l’air printanier qui souffle au Vatican depuis le 13 mars 2013 ( dixit Mgr Piero Marini & Cie ) laisse passer quelques miasmes fétides.
Avoir vu écrit noir sur blanc que le pape a remporté son pari m’a étonnée. Ce sujet si important qui a justifié un tel afflux de personnages de toutes catégories, la création de commissions qui après étaient renforcées par des élus appelés par le pape pour veiller au bon déroulement et surtout à la correcte appréciation de ce qui serait porté à la connaissance du public, aurait dû être traité avec plus de considération qu’un jeu pour un match ou le choix d’un couturier pour une robe de mariée princière.
Etant donné que le nombre des cardinaux diminue, je pense qu’un consistoire est à envisager, quand, je ne sais, mais le synode lui aura fourni des indications précieuses pour faire son choix et renforcer sa garde rapprochée et très bienveillante le moment venu. Je m’avance beaucoup en parlant de cette assemblée future car la règle précédente concernant les nombres des cardinaux à prendre en compte pour la convoquer peut être changée, je pense, par le pape en fonction, alors!
Je viens de lire dans Paris Match les leçons du synode consacré à la famille par le cardinal Schönborn avec l’inévitable envoyée spéciale au Vatican: Caroline Pigozzi (auréolée d'une autorité nouvelle depuis qu'on parle d'elle comme du prochain ambassadeur de France au Vatican - cf. ICI -, après le couac de la nomination manquée de Laurent Stefanini).
Comme tous les autres il est persuadé que le pape ne touchera pas à la doctrine, d’ailleurs François l’a promis, dixit le cardinal Pell et bien évidemment un pape ne ment pas, on peut toujours espérer. Rien d’extraordinaire sur les conditions générales de vie des différentes familles dans le monde. A l’intérieur de l’Europe, c’est déjà visible, alors lorsque l’on parle de pays éloignés, voire très lointains, avec une foi établie sur des coutumes ancestrales, je ne vois pas du tout vers quel consensus on peut aller. Il y aura des aménagements à faire, difficile de le nier et François les fera aussi larges que possible, il est le boss. De la minute où l’accès à la communion eucharistique deviendra un vrai parcours du combattant aussi bien pour les candidats que pour les évêques, je me demande si l’intensité de la souffrance demeurera aussi forte. On sait que tout ce qui est interdit prend de la valeur et que, par conséquent, l’interdiction devient intolérable. Je suis persuadée qu’il fera passer en force la communion eucharistique aux divorcés remariés puisque tel est son souverain désir. Tout l’art consistera à faire admettre cela sans torpiller la doctrine; il est assez fin et rusé pour y arriver.
De ce commentaire, facile à lire, car exposé dans un vocabulaire fluide, précis, recherché comme celui qui parle, avec spontanéité et objectivité, pas d’outrances, j’ai de suite retenu les paroles suivantes:
« Après [saint Jean-Paul II ), on a eu Benoît XVI, qui fut mon professeur. Il était la finesse de l’enseignement, l’excellence, un maître exceptionnel, le grand docteur de l’Eglise».
« J’étais très proche de Jean-Paul II, et encore actuellement de Benoît XVI que je connais depuis quarante ans et qui, lorsqu’il est devenu pape, m’a dit "Gardons notre amitié" ».
Parlant des synodes auxquels il avait déjà assisté et du protocole qui régnait il y a ces mots :
« Le Pape rentrait toujours en dernier, quand nous étions déjà tous dans la salle. Comme pour un chef d’Etat ou pour un roi, on se levait quand il apparaissai ».
Bien sûr, tout cela n’existe plus, François arrive au milieu des autres sans aucun protocole, toujours souriant, proche de tous et il peut ainsi collecter tout ce qui l’intéresse.
Je ne suis pas sévère avec ce cardinal. Je reste persuadée que ses rapports avec le pape émérite sont bons bien que le cardinal affiche une tendance progressiste modérée selon moi dans ce texte. Benoît XVI ne voudra jamais que l’on touche à la doctrine mais que pense-t-il au fond de lui-même de cette Eglise qui évolue vite, trop vite et qui ne reviendra pas en arrière. Je n’oublie pas certaines paroles du même cardinal rapportées par les médias et qui étaient, elles, en opposition avec la doctrine, double façade comme François, ménageant la chèvre et le chou, obligations professionnelles, louvoyer pour éviter le pire? tout ce que je ne suis pas, tout ce que je ne sais pas faire. Pour être très honnête je dois dire que les commentaires sur Benoît XVI m’ont fait grand plaisir et que pour cela je suis bien disposée à son égard, pas de quoi pavoiser mais mon approche du problème manque de profondeur de conviction.
Voilà pour moi l’état des lieux, rien de réjouissant
A bientôt
Jeannine