Vers le Synode d'octobre (2)

Second volet d'une série d'articles du Père Antonio Livi sur La Bussola: la fausse théologie de "l'homme d'aujourd'hui"

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Vers le Synode d'octobre (1)

 
Ceux qui, par devoir d'office ecclésiastique, ont la responsabilité d'éviter la désorientation doctrinale parmi les fidèles doivent savoir rejeter toute opinion se présentant abusivement comme théologique, alors qu'en réalité elle est purement humaine. Il ne s'agit donc pas de critiquer une opinion humaine à partir d'une autre opinion humaine, ni de mettre en opposition une idéologie à une autre idéologie: il s'agit plutôt de la nécessité pastorale de ne pas reconnaître comme "théologique" une thèse qui, quelle que soit l'autorité scientifique (philosophique, exégétique, sociologique, psychologique, historiographique) de celui qui la propose, s'avère fondée sur des vérités humaines présumées et non pas sur les vérités révélées par Dieu.

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Un cas fréquent de vérités humaines présumées servant de prémisses à de fausses argumentations théologiques qui visent à changer la doctrine de la foi est la catégorie imaginaire du soi-disant "homme d'aujourd'hui", une catégorie fondée sur des analyses psychologiques ou socioculturelles superficielles qui ne tiennent pas compte des différences substantielles entre la culture occidentale et celle orientale ou africaine, et identifie naïvement l'homme d'aujourd'hui avec les manifestations extérieures de la conscience humaine telles qu'élaborées par l'industrie des médias. Les spéculations concernant ce que devraient être les attentes et les exigences du soi-disant "homme d'aujourd'hui" ne peuvent pas conduire le théologien à ignorer ce que le Christ, rédempteur de l'homme, a dit, établissant les principes moraux fondamentaux en matière de sexualité et de mariage, principes que l'Église ne peut que considérer comme absolument valides pour les hommes de tous les temps et de tous les lieux.

La fausse théologie de "l'homme d'aujourd'hui"

www.lanuovabq.it
17 juillet 2015
Traduction par Anna
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Dans un premier article (ici) nous avons photographié la situation de désorientation de nombreux fidèles au sujet des conclusions du Synode extraordinaire sur la famille et en préparation du prochain Synode ordinaire qui se tiendra en octobre. Une désorientation provoquée surtout par ceux qui cherchent à profiter de l'occasion pour imposer des changements doctrinaux masqués en ajustements doctrinaux.

Il s'agit d'une situation qui requiert une série de distinctions théorétiques et pratiques qui doivent toutefois être ramenés au critères de la logique aléthique, c'est à dire à ces exigences fondamentales de la rationalité en vigueur pour tout ordre de discours prétendant à la vérité. Ce sont des exigences qui ne peuvent pas être négligées lorsqu'il s'agit des vérités de la doctrine professée par l'Église ('fides quae creditur') [1], et auxquelles doit 'in toto' consentir quiconque veut appartenir à l'Église, Peuple de Dieu, et obtenir du Christ le salut.

La rationalité est en effet intrinsèque au message révélé, en tant que communication salvifique de la sagesse divine; et si "l'auditeur de la Parole" est appelé à une réponse de foi libre ("rationabile obsequium") [2], c'est justement parce qu'il lui est toujours possible de relever dans le message révélé des "motifs rationels de crédibilité" adéquats.

L'Église catholique a toujours défendu, contre le fidéisme [3], le caractère intrinsèquement rationnel de la foi en la révélation: d'abord, solennellement, avec la constitution dogmatique de Vatican I Dei Filius [4], ensuite avec son magistère ordinaire et universel (constitution dogmatique Dei Verbum [5] de Vatican II; encyclique Fides et Ratio [6] de Jean-Paul II); et il convient de noter que ces documents du Magistère reconnaissent, avec une parfaite cohérence logique, que les "motifs rationnels de crédibilité" de la révélation divine présupposent ces certitudes indubitables que chaque homme possède comme prémisse de tout consentement possible, certitudes que la philosophie moderne appelle "sens commun" et que la théologie, avec Saint Thomas d'Aquin, qualifie de "praeambula fidei".

Par rapport au sujet que j'aborde ici, le critère logique premier et essentiel est la distinction, en matière de 'fide et moribus' [7], entre: (a) ce qui peut et doit être cru fermement et irrévocablement car proposé par l'Église en tant que révélé par Dieu, et (b) ce qui par contre ne peut qu'être admis de manière hypothétique, comme une opinion humaine, en tant que simple thèse théologique.

La théologie est en effet essentiellement "interprétation privée du dogme", et, en tant que telle, elle n'introduit pas dans la doctrine catholique des vérités nouvelles à croire, elle n'augmente pas "en extension" la foi de l'Église, même si elle vise à l'enrichir "en profondeur".
Or, une thèse théologique s'avère plus ou moins plausible, c'est-à-dire qu'elle ne peut être acceptée par les fidèles que si elle consiste en une hypothèse d'interprétation du dogme, autrement dit si elle est argumentée à partir des données de la foi.
En revanche, il faut toujours rejeter comme inadmissible toute thèse théologique qui, sur la base d'une analyse attentive (pour laquelle les critères de discernement proposés ici sont utiles), s'avère argumentée à partir de prémisses d'une science purement humaine. Il est en conséquence licite, et même nécessaire de vérifier les prémisses logiques de toute thèse théologique proposée à l'opinion publique catholique comme un approfondissement ou une application des vérités constituant le depositum fidei.

Ceux qui, par devoir d'office ecclésiastique, ont la responsabilité d'éviter la désorientation doctrinale parmi les fidèles doivent savoir rejeter toute opinion se présentant abusivement comme théologique, alors qu'en réalité elle est purement humaine. Il ne s'agit donc pas de critiquer une opinion humaine à partir d'une autre opinion humaine, ni de mettre en opposition une idéologie à une autre idéologie: il s'agit plutôt de la nécessité pastorale de ne pas reconnaître comme "théologique" une thèse qui, quelle que soit l'autorité scientifique (philosophique, exégétique, sociologique, psychologique, historiographique) de celui qui la propose, s'avère fondée sur des vérités humaines présumées et non pas sur les vérités révélées par Dieu.

Un cas fréquent de vérités humaines présumées servant de prémisses à de fausses argumentations théologiques qui visent à changer la doctrine de la foi est la catégorie imaginaire du soi-disant "homme d'aujourd'hui", une catégorie fondée sur des analyses psychologiques ou socioculturelles superficielles qui ne tiennent pas compte des différences substantielles entre la culture occidentale et celle orientale ou africaine, et identifie naïvement l'homme d'aujourd'hui avec les manifestations extérieures de la conscience humaine telles qu'élaborées par l'industrie des médias. Les spéculations concernant ce que devraient être les attentes et les exigences du soi-disant "homme d'aujourd'hui" ne peuvent pas conduire le théologien à ignorer ce que le Christ, rédempteur de l'homme, a dit, établissant les principes moraux fondamentaux en matière de sexualité et de mariage, principes que l'Église ne peut que considérer comme absolument valides pour les hommes de tous les temps et de tous les lieux.

Un deuxième critère logique est la distinction qu'il faut toujours faire, en matière de 'fide et moribus', entre: (a) les énoncés constituant le "dogme", qu'il faut entendre comme l'essence de la vérité révélée, qui reste immuable même dans ses développement homogènes, et (b) les énoncés qui en revanche constituent une possible "interprétation" du dogme lui-même, et l'Église a fait sienne l'insérant dans un texte du Magistère.

Cette distinction comporte deux niveaux différents d'irréformabilité des énoncés dogmatiques et d'immuabilité des prescriptions morales, mais ne comporte pas des niveaux différents d'obligation dans l'assentiment des fidèles; elle est toutefois nécessaire justement parce que le discernement entre les deux niveaux épistémiques permet de percevoir l'unité et la continuité de la Tradition même dans le contexte historique des changements permanents qui se produisent dans la vie de l'Église.

En effet, les vérités qui constituent les "articuli fidei" au sens strict, comme objet primaire de cet acte de foi divine et ecclésiastique qui est nécessaire pour appartenir à l'Église et avoir la promesse du salut et de la vie éternelle, sont toujours enseignées explicitement par le Magistère en tant que telles, au point d'être traditionnellement insérées comme "symboles de la foi" dans la célébration eucharistique et de provoquer ainsi le Peuple de Dieu à la "profession de foi" communautaire. Ces vérités fondamentales (que dans un souci de clarté logique je préfère appeler "noyau dogmatique" de la doctrine de la foi) expriment le contenu explicite et la formalisation magistérielle de la Tradition sacrée et le la Sainte Écriture, et forment un tout du point de vue épistémique, puisque c'est la Tradition ecclésiastique qui livre aux fidèles la Sainte Écriture, en garantit l'authenticité en tant que Parole de Dieu (avec les notes de l'inspiration divine et de l'inerrance [8]) et, le cas échéant, en interprète avec autorité le contenu.

NDT

[1] La foi que (quae) l’on croit, càd les contenus doctrinaux en lesquels nous croyons. Explications ici: www.zenit.org/fr
[2] "Culte spirituel". Explication savante de Benoît XVI lors de l'AG du 7 janvier 2009: w2.vatican.va
[3) Doctrine philosophique qui fonde la certitude des vérités essentielles de l’ordre moral, non seulement surnaturel, mais même naturel, sur la révélation et sur la foi. Aujourd'hui, le mot fidéisme qualifie, parfois avec une connotation péjorative, toute doctrine qui attribue à la révélation un pouvoir d'accès à la vérité que la raison ne posséderait pas (fr.wikipedia.org)
[4] http://laportelatine.org/bibliotheque/encycliques/VaticanI/Dei_Filius.php
[5] http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19651118_dei-verbum_fr.html
[6] http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_14091998_fides-et-ratio.html
[7] Foi et morale
[8] L'inerrance est une position doctrinale dont la croyance est que la Bible ne comporte aucune erreur dans sa forme originelle (fr.wikipedia.org)