Vers le Synode d'octobre (3)

Dernier volet de la série d'articles du Père Antonio Livi sur La Bussola: une pastorale sans doctrine n'existe pas

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il est impossible qu'un énoncé en contradiction logique évidente avec ceux déjà définis comme irréformables par l'Église puisse, voire même doive être cru. L'examen critique des propositions présentées à l'occasion du Synode doit donc conduire à rejeter - comme théologiquement sans fondement et donc irrecevables - toutes celles qui, sous le prétexte de prétendues urgences de type "pastoral", exercent sur le Magistère une pression indue afin qu'il consente à ce qui serait en réalité une véritable "réforme" de la doctrine de l'Église, à commencer justement par ces doctrines qui doivent être considérées irréformables; cela vaut en particulier pour l'indissolubilité naturelle du mariage et sa sacramentalité pour les baptisés, comme aussi pour les conditions permettant l'accès à l'Eucharistie.

Synode: il n'existe pas de pastorale sans doctrine

www.lanuovabq.it
21 juillet 2015
Traduction par Anna
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Dans les deux articles précédents nous avons clarifié quelques points cruciaux pour lire correctement le Magistère et la doctrine catholique à un moment où, en vue du Synode sur la Famille, il y en a qui sèment la confusion parmi les fidèles, créant même de nouvelles catégories théologiques (comme "l'homme d'aujourd'hui") qui n'ont aucune consistance.

En résumant, nous pouvons donc dire qu'il faut distinguer deux niveaux dans la notion théologique de "doctrine catholique".
Le premier niveau est celui que j'ai défini "noyau dogmatique", constitué de différents niveaux doctrinaux, qui vont de la prédication des Apôtres et de la doctrine unanime des Pères de l'Église, aux "formules dogmatiques" définies par les Conciles œcuméniques ou par le seul Pontife Romain lorsqu'il parle ex cathedra, jusqu'au magistère ordinaire et universel du même Pontife Romain; le "noyau dogmatique" de la doctrine catholique exprime donc la vérité de la Révélation divine, qui a bien été donnée par Dieu et a été assimilée par les hommes dans l'histoire - dans l'histoire du salut et dans l'histoire de l'Église - mais qui est en soi supra-historique, et donc universelle et immuable.

Le second niveau est en revanche celui qu'il faut entendre comme "interprétation ecclésiastique" et qui est, de par sa nature, relatif à l'histoire et aux différentes circonstances sociales qui en déterminent la variété de contenus et de formes expressives. Lorsqu'on parle d'"interprétation ecclésiastique" on ne se réfère pas aux nombreuses formes de libre interprétation qui, dans les limites précises du contenu, est consentie aux simples fidèles, qu'ils soient spécialistes en théologie, artistes, hommes de lettres ou maîtres en spiritualité. Cette interprétation "privée" a un rôle à elle dans l'économie du salut, et l'Église lui reconnaît une grande valeur comme soutien à la catéchèse, comme renforcement des "saints signes" dans le culte divin (art sacré), comme édification du Peuple de Dieu dans la recherche de la sainteté personnelle (ascétique et mystique) et dans la missionariété, surtout lorsqu'il s'agit des charismes apostoliques et de l'expérience spirituelle des saints. Elle n'est toutefois pas de nature à développer le dogme avec de nouvelles doctrines, comme cela arrive par contre dans le cas de l'interprétation ecclésiastique, dont les résultats engagent les catholiques au consentement intérieur et aussi à l'obéissance extérieure dans le cas de dispositions ecclésiastiques contraignantes.

À la catégorie logique de l'interprétation ecclésiastique appartiennent: (a) la catéchèse dans ses diverses formes, parmi lesquelles une valeur ecclésiale particulière revient à la rédaction des catéchismes de l'Église universelle, comme le Catechismus ad parochos, rédigé après le Concile de Trente, et le Catéchisme de l'Église catholique, rédigé après Vatican II; (b) la sainte liturgie, dont les variations ou réformes répondent toujours à l'exigence d'adapter le rite aux époques et situations sociales différentes, tout en gardant intacte la fonction de "lex orandi" comme fidèle expression de la "lex credendi"; (c) les normes du droit ecclésiastique, toutes rapportées au critère pastoral selon lequel "salus animarum suprema lex esto".

Dans les deux niveaux - celui du dogme et celui de l'interprétation - il est impossible qu'un énoncé en contradiction logique évidente avec ceux déjà définis comme irréformables par l'Église puisse, voire même doive être cru. L'examen critique des propositions présentées à l'occasion du Synode doit donc conduire à rejeter - comme théologiquement sans fondement et donc irrecevables - toutes celles qui, sous le prétexte de prétendues urgences de type "pastoral", exercent sur le Magistère une pression indue afin qu'il consente à ce qui serait en réalité une véritable "réforme" de la doctrine de l'Église, à commencer justement par ces doctrines qui doivent être considérées irréformables; cela vaut en particulier pour l'indissolubilité naturelle du mariage et sa sacramentalité pour les baptisés, comme aussi pour les conditions permettant l'accès à l'Eucharistie.

Ce que Marin-Sola appelait l' "évolution homogène du dogme" appartient pleinement au premier niveau épistémique de la foi, et est donc fonction propre du Magistère, et non pas des théologiens. Ce qui n'empêche pas que le Magistère puisse dans certains cas (celui de la thèse de Jean Duns Scoto concernant l'Immaculée Conception de Marie est emblématique) reconnaître la cohérence et la pertinence d'une hypothèse théologique et décide de la transformer en dogme, se prévalant de sa propre autorité (munus propheticum) et du charisme de l'infaillibilité (infallibilitas in docendo) qui lui est lié par institution divine. En aucun cas l'Église ne peut énoncer des propositions de foi qui s'avèrent être en contradiction avec celles qui ont été précédemment formulées.

Dans le cas où elle estime nécessaire de définir de nouvelles vérités, dans la ligne du "développement homogène du dogme", ces définitions dogmatiques devront être en absolue cohérence dogmatique avec celles précédemment formulées: il s'agit dans ce cas de la logique par laquelle un nouvel énoncé particulier s'avère virtuellement contenu dans un autre, plus général, précédemment établi par le Magistère comme faisant partie de la révélation divine. Plus fréquemment, toutefois, le Magistère, au lieu d'énoncer de nouveaux dogmes, se limite à interpréter avec autorité le contenu du noyau dogmatique, en en tirant les conséquences doctrinales qu'elle considère pastoralement opportunes en vue de la catéchèse et de l'évangélisation à un moment historique donné (c'est le cas des doctrines contenues dans les documents du Vatican II, dont l'herméneutique, selon le pape Benoît XVI, est celle d'une "réforme dans la continuité de l'unique sujet-Église").

C'est pourquoi le cardinal Raymond Burke a raison, quand il ne cesse de répéter que lorsqu'on parle de "développement de la doctrine" on ne doit pas penser à une "modification", mais juste à "une compréhension plus profonde" des vérités de la foi. En revanche, la proposition de modifications substantielles de la pratique liturgique et des lois canoniques que certains présentent comme des dispositions purement "pastorales" n'a aucune justification théologique. Aucune pratique pastorale ne peut être licite et valide si elle s'avère en contradiction avec la doctrine de la foi, car - comme je l'ai expliqué ci-dessus - tout choix pastoral n'est autre qu'une interprétation (explicitation, application, adaptation) du dogme.


Il convient, à ce propos aussi, d'appliquer avec rigueur au discours théologique le principe selon lequel, dans la pratique ecclésiastique, on doit appliquer toujours et en toute circonstance l'entière doctrine de l'Église, qui ne peut jamais changer dans son "noyau dogmatique". Aucune présumée exigence "pastorale" ne peut justifier une dérogation à ce principe, car toute vraie exigence pastorale est déjà inscrite dans le dogme. En d'autres termes, la pastoralité, en tant qu'instance pragmatique, n'a pas une logique à elle indépendante du dogme mais est intrinsèque au dogme lui-même et à sa logique salvifique. Les analyses de logique aléthique démontrent de manière incontestable que l'événement de la révélation divine a de par sa nature un caractère pragmatique, dont dérive directement, pour l'Église, l'identification de la pastorale avec l'annonce (en des formes adéquates à chaque circonstance) de la vérité révélée.

Comme l'enseigne Vatican I, Dieu, avec la révélation surnaturelle, a voulu faire connaître à l'homme sa vie intime et les desseins de son Amour. Ces deux contenus de la foi ont un caractère qui ne peut pas être considéré comme abstraitement théorétique car il est au contraire existentiellement pragmatique, dans le sens que le motif et l'objectif de la Révélation divine ne sont autre que la possibilité offerte à l'homme de connaître les chemins et les moyens du salut.

Dans l'ancienne Alliance tout le contenu de la révélation que Dieu confie aux Prophètes pour guider son peuple au salut est résumé dans le terme pragmatique de "Loi" (Torah). Dans la Nouvelle Alliance, ensuite, le Verbe Incarné, révélateur du Père, dit de lui-même être "la voie, la vérité et la vie". Et la première prédication de Pierre au peuple d'Israel accouru à Jérusalem pour la Pâque provoque immédiatement une question: "Que devons-nous faire?". De manière analogue, au Seigneur Jésus qui, lui apparaissant sur la route de Damas lui révèle le mystère de l'identification des fidèles persécutés avec lui-même, Saül répond en lui demandant: "Que veux-tu que je fasse?".

Tout cela confirme que la doctrine révélée, que j'aime désigner du terme pragmatique "la vérité qui sauve", ne peut jamais être entendue comme quelque chose de théorique qui en soi est séparé de la vie et qui ne peut être mis en contact avec la vie elle-même que dans une sphère différente, comme le serait la "pastorale" telle qu'elle est entendue dans les théories illogiques dont nous sommes en train de parler. La vraie pastorale n'est autre que la pleine mise en acte et application de la vérité révélée pour le salut de chaque homme dans le concret de son existence, là où chacun devient "auditeur de la parole" et à la Parole qui l'interpelle, répond par l'"obéissance de la foi".