Après le Synode (III)


Suite et fin de l'interview du cardinal Burke sur le site <The Wanderer>. Il aborde notamment le problème de l'intercommunion, suite aux propos du Pape à l'Église Évangélique Luthérienne de Rome en novembre dernier (21/1/2016)

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Après le Synode
¤ Après le Synode (II)

 

Ces propos ont trouvé une suite dans l'audience accordée par le Pape le 16 janvier à une délégation luthérienne de Finlande (menée par une femme "évêque"!) audience à laquelle Sandro Magister consacre un très intéressant billet sur Settimo Cielo (*)

Le cardinal aborde aussi le découragement des prêtres dans l'actuelle atmosphère ecclésiale; les remarques de François aux évêques allemands en visite ad limina, à propos de leur richesse; le rôle des chevaliers de Malte; et finalement la prière du rosaire.

Interview du Cardinal Burke, 3ème partie


thewandererpress.com
Traduction par Anna


Q. Auriez-vous quelques mots pour les prêtres fidèles qui sont découragés par l'actuelle atmosphère ecclésiale de confusion doctrinale et de subversion? Et que dire des laïques? Si des fidèles du laïcat se retrouvent dans des paroisses (ou diocèses) où des pratiques aberrantes contraires à l'enseignement authentique de l'Église ont cours, quelle est la réponse appropriée? À qui les laïques doivent-ils s'adresser dans le cas où ceux qui sont aux postes de direction dans l'office magistériel de l'Église adoptent des pratiques à l'encontre de sa doctrine immuable?

R. J'entends cela de la part de nombreux bons prêtres; même des évêques me parlent des difficultés à gérer la confusion lorsqu'ils présentent l'enseignement de l'Église. On leur dit qu'ils ne sont pas en phase avec la pratique courante de l'Église ou même qu'ils sont contre le Pape.
Un archevêque m'a dit: "Comment se fait-il que ceux d'entre nous qui enseignent ce que l'Église a toujours enseigné soient qualifiés d'ennemis du Pape par les médias et autres?"
Voici ma réponse: "Nous savons ce que l'Église enseigne. C'est consigné dans le Catéchisme de l'Église Catholique; c'est dans les affirmations magistérielles concernant le mariage et la famille. Reportez-vous à Familiaris Consortio (JP II, 1981) , à Casti Connubii (Pie XI, 1930), à Humanae Vitae (Paul VI, 1968)! Nous savons ce que l'Église enseigne et nous nous y tenons fermement".
Nous ne pouvons pas nous permettre d'être découragés. La situation de confusion générale est démoralisante, je le sais et je le comprends. Elle est difficile parce que les fidèles lisent les journaux et diverses informations et disent aux prêtres: "Vous n'êtes pas avec le temps", ou "vous ne suivez pas le Pape François".
Le Pape ne peut pas nous enseigner ou nous exhorter à quoi que ce soit d'autre que ce l'Église a toujours enseigné et pratiqué.
Constater une telle confusion est décourageant aussi pour moi. Elle peut désorienter, et il peut y avoir la tentation de juste rester silencieux et de laisser tout cela continuer comme étant d'une certaine façon la volonté de Dieu, ce qui ne peut pas être. J'ai réfléchi à cela, et j'ai dit: "Non, nous prêtres et évêques sommes les vrais maîtres de la Foi. Le Dépôt de la Foi nous est donné par l'Église et nous devons nous y tenir. Nous ne le trahissons pas ni ne l'abandonnons pas en suivant toutes sortes de tendances populaires."
Il y a un magnifique passage dans Novo Millennio Ineunte du Pape Jean-Paul II qui dit que les gens recherchent toujours quelque formule magique ou quelque nouveau programme pour les pratiques pastorales de l'Église. Mais Jean-Paul II dit: "Non, le programme est toujours le même: c'est Jésus Christ dans la tradition vivante" (§ 29).
En ce qui concerne le laïcat, partout où je vais j'encourage les mouvements laïques, les organisations et les associations à promouvoir des "Journées de Réflexion" durant lesquelles les vérités de la Foi sont présentées par de bons orateurs solides, et même plus, des journées de prière rattachées à elles. Les laïques doivent écrire sur ces sujets. Si nous restons gardons le silence, nous donnons l'impression d'aller nous aussi de pair avec cette confusion et cette erreur. Cela, nous le savons, est l'œuvre du Diable, qui est le maître de la confusion et de l'erreur.


Q. Que pensez-vous de la confusion qui a résulté des récents propos du Pape François, à l'occasion d'une séance de questions/réponses à l'Église Évangélique Luthérienne de Rome [cf. w2.vatican.va] (**). Les propos du Saint Père semblent suggérer - à moins de les lire très attentivement - que l'épouse luthérienne d'un Catholique peut recevoir la Sainte Communion dans l'Église Catholique.

R. Tout d'abord, les propos du Pape François étaient prononcés de manière totalement spontanée. À mon avis, d'après ma lecture, ce que le Saint Père disait n'était pas clair. Toutefois, l'impression qu'on en retirait était qu'un non-catholique peut s'approcher de l'autel et recevoir la Sainte Communion si il ou elle décide en son cœur qu'il peut le faire.
En vérité le Pape ne peut enseigner que ce que l'Église a toujours enseigné au sujet de la réception de la Sainte Eucharistie. Une personne qui n'a pas la Foi Catholique en l'Eucharistie ne peut pas s'approcher pour recevoir le sacrement. En plus, la foi requise pour recevoir l'Eucharistie n'est pas quelque chose qu'on peut décider de son propre chef. Elle nécessite plutôt que la personne soit préparée à travers la catéchèse à adhérer pleinement à la Foi Catholique, et entrer ensuite en communion avec l'Église. La pleine communion est alors réalisée avec la réception de la Sainte Communion - les étapes nécessaires ne peuvent pas être court-circuitées. C'est de cette manière que les propos du Saint Père doivent être interprétés.


Q. Pouvez-vous également commenter le récent discours du Saint Père aux Évêques allemands [en visite] ad limina où il a exprimé sa préoccupation au sujet de l' "érosion de la Foi Catholique en Allemagne"? Le Saint Père a souligné "une forte chute dans la participation à la Messe du Dimanche, ainsi qu'à la vie des sacrements" (cf. w2.vatican.va)

R. Oui, je suis au courant du discours du Pape François. Il semble être très solide et donner une bonne orientation. À mon avis, c'est un message désespérément nécessaire en Allemagne. Certaines déclarations publiques de la direction de l'Église dans ce Pays, y compris celles de la Conférence des Évêques, sont scandaleuses. Ceux qui ont la responsabilité de conduire l'Église ont été les principaux promoteurs de l'effondrement de sa discipline concernant l'indissolubilité du mariage. Ils doivent considérer très sérieusement le fait que les gens ne pratiquent plus la Foi et qu'ils ne vont pas à l'église et ne fréquentent pas les sacrements.
Une grave perte de la foi s'est produite en Allemagne, un pays qui dans le passé a pratiqué la Foi Catholique à un degré héroïque. Et je considère que le discours du Pape François est exactement un appel à cela.
Je crois aussi que les dirigeants catholiques en Allemagne ne peuvent pas soutenir que l'Église dans leur pays est différente de l'Église en Guinée, de l'Église aux États-Unis, ou de l'Église de partout ailleurs, et que par conséquent elles peuvent avoir des pratiques pastorales différentes. Non, l'Église fondée par le Christ est une, sainte, catholique et apostolique comme elle l'a toujours été et toujours le sera.


Q. Un des charismes des Chevaliers de Malte est la défense de la Foi. Envisagez-vous que les Chevaliers (et les Dames) assument un rôle dirigeant dans l'enseignement et la défense des préceptes de l'Église au sujet de la sexualité, du mariage et de la famille? Des projets sont-ils actuellement en cours?

R. Les Chevaliers et les Dames de Malte sont évidemment confrontés à la même situation de confusion que celle vécue par les bons prêtres et les fidèles laïques. C'est une préoccupation majeure des Chevaliers car leur objectif premier est la défense de la Foi et l'assistance aux pauvres (Tuitio Fidei et Obsequium Pauperum). En fait, les deux sont inséparables. Il ne peut pas y avoir une réelle assistance aux pauvres qui ne soit éclairée par une défense cohérente de la Foi. Dans mes rencontres avec le Grand Maître et à chaque occasion où l'on me demande de parler aux Chevaliers, je les exhorte à assumer leur responsabilité dans l'état actuel où se trouve l'Église en devenant des leaders dans la défense des vérités de la Foi.
Notre modèle dans cette entreprise devrait être Saint Paul, l'Apôtre héroïque des Gentils, qui fut confronté à toutes sortes d'épreuves et de difficultés. À la fin de sa vie il pouvait écrire à Saint Timothée: "J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi" (2 Tim. 4,7).
De la même manière, j'exhorte les Chevaliers à combattre le bon combat dans l'actuelle situation où nous sommes confrontés à la confusions généralisée: nous devons être des leaders. Si on accepte le grand honneur d'être un Chevalier ou une Dame de Malte, on doit aussi accepter la responsabilité d'être un défenseur de la Foi.

Prier le Rosaire


Q. Pour terminer, cela doit être une grande joie pour vous de pouvoir passer cette semaine au Sanctuaire de Notre Dame de Guadalupe à La Crosse et de célébrer la Haute Messe Pontificale le jour de sa grande fête le 12 décembre. Pourriez-vous nous dire comment Notre-Dame, Étoile de la Nouvelle Évangélisation, est notre phare d'espérance sur qui nous pouvons sûrement compter en ces temps tumultueux pour l'Église?

R. J'attends chaque année cette occasion avec la plus grande impatience. Premièrement, c'est vraiment un lieu saint, un lieu imprégné de prière et de dévotion. Et Notre Dame le dirige et conduit tout à son Divin Fils. La Messe le jour de sa Fête est l'aboutissement de toute une année d'activités spirituelles qui nous inspirent. Elle est réellement notre phare d'espérance. Au milieu de toute cette confusion, les gens sont parfois très découragés et craignent parfois qu'une apocalypse nous tombe dessus. Mais si nous nous plaçons dans les bras maternels de notre Sainte Mère, elle nous gardera tout près de son Fils. Elle nous dit, comme elle le dit aux serviteurs du vin de Cana qui étaient dans une telle situation désespérée: "Faites tout ce qu'il vous dira" (Jean 2,5).
Marie est le phare qui nous ramène vers la tradition, vers les fondements de notre Foi. Nous devons prier le Rosaire avec de plus en plus de ferveur, lui demandant son intercession pour l'Église de notre temps.
En plus d'être la Mère de l'Église, elle est la Mère de notre continent et l'Étoile de la Nouvelle Évangélisation.
Qu'a-t-elle fait quand elle est venue? Essentiellement, elle a demandé qu'une chapelle fût construite où elle pût rendre manifeste la miséricorde de Dieu. Comment le fait-elle sinon dans une chapelle où la Sainte Eucharistie est célébrée, où les fidèles peuvent faire une bonne Confession, et peuvent prier et offrir leurs actes de dévotions.

NDT

(*) Dans son dernier billet sur Settimo Cielo, Sandro Magister, après avoir évoqué la visite du 16 novembre, rapporte que, le matin du 19 janvier, François a reçu en audience une délégation de Finlande, emmenée par une femme, Irja Askola , évêque d'Helsinski (notoirement ultra-libérale, non seulement sur l'intercommunion, mais aussi sur sur le mariage homosexuel)
Et il semblerait qu'après la rencontre (au moins d'après l'hebdomadaire luthérien finlandais "Kotimaa") au cours d'une messe catholique célébrée dans la basilique Saint-Pierre et à laquelle a particicipé la délégation finlandaise, la communion ait été donnée aussi aux luthériens.

(**) Jeanne Smits en a fait un compte-rendu sur son blog ici: leblogdejeannesmits.blogspot.fr