Bernie Sanders et le pape François


Cet article date de la semaine dernière, et après coup, il peut sembler en partie démenti par les faits. Mais pas tant que ça… (17/4/2016)

 

Sandro Magister l’évoquait déjà ici: Bernie Sanders au Vatican.
Entretemps, des bergogliens sourcilleux ont cru devoir apporter un démenti (mais Sandro Magister n’avait rien affirmé qui pût justifier ce qu'ils insinuaient), «contrairement à ce que les médias ont affirmé, le Pape n’a pas l’intention de rencontrer Bernie Sanders ».

L’épilogue, c’est l’intéressé lui-même qui l’a raconté lors de la conférence de presse dans l’avion de retour de Lesbos…. La rencontre n'a pas vraiment eu lieu, du moins officiellement. Elle aurait sans doute été perçue comme un signe trop évident, et le pape a fait preuve une fois de plus de son habileté politique, magistralement décrite par Sandro Magister (encore lui) dans son dernier éditorial, consacré au "théâtre" bergoglien (chiesa.espresso.repubblica.it).
Entre autres perles (*), le Pape a dit, en effet:

Ce matin, alors que je partais, il y avait le sénateur Sanders qui était venu à la conférence sur "Centesimus Annus". Il savait que je sortais à cette heure, et il a eu la gentillesse de venir me saluer avec sa femme et un autre couple qui avait séjourné à Santa Marta avec tous les participants de la conférence. Quand je suis descendu, je l'ai salué, une poignée de main, rien de plus . Ceci s'appelle l'éducation, pas se mêler de politique. Si quelqu'un pense que saluer, c'est se mêler de politique, je lui recommande de se trouver un psychiatre

Evidemment, cela dépend QUI on salue.
Et l'invitation de Sanders, à elle seule, est un signe suffisamment fort pour n'avoir pas besoin d'une mise en scène supplémentaire, par images interposées.

Mais passons. Passons aussi sur la surprenante animosité (voire l'agressivité) des propos, très insolites dans la bouche d’un Pape…. Surtout miséricordieux. Je n’imagine pas un instant Benoît XVI conseillant à un journaliste qui l’agace, ou à quelqu’un qui le critique, d’aller consulter un psy. C’est du magistère, ça aussi ?


(*) Nous y reviendrons .
Mais je ne peux m'empêcher de relever (hors-sujet!) la regrettable amnésie papale, elle aussi très surprenante, et qu'on peut interpéter comme une "muflerie" à l'égard de Benoît XVI: tous ceux qui suivent d'un peu près l'actualité du Vatican se souviennent de l'extraordinaire lectio magistralis du Saint-Père, le 14 février 2013, lors de la traditionnelle rencontre avec le clergé romain (benoit-et-moi.fr/2013-I) . Ce n'est apparemment pas le cas de François...
Interrogé sur la raison pour laquelle la référence à l'accès aux sacrements [pour les divorcés remariés] a été insérée dans une note, et pas dans le texte lui-même, il commence sa réponse par ces mots:
"Un des derniers Papes, parlant du Concile, a dit qu'il y avait deux Conciles, Vatican II, à Saint-Pierre, et celui des médias..."


Celui que le pape François souhaite voir comme prochain président des USA: Bernie Sanders


9 avril 2016
Giuseppe Nardi
Texte original en allemand: www.katholisches.info
Traduction d'Isabelle

* * *

Bernie Sanders et le pape François : invitation exclusive pour le candidat à l'élection présidentielle américaine.


(Rome) Le courant politique qui jouit de la préférence officielle du Vatican est solidement ancré à gauche. L'invitation du sénateur Bernie Sanders au Vatican en fournit la confirmation la plus récente. Sanders est le challenger d'Hillary Clinton pour la candidature démocrate à l'élection présidentielle. Il a été invité, seul parmi tous les candidats à cette élection, par l'Académie pontificale des Sciences sociales, le véritable organe exécutif de la politique pontificale.

LA VISION SOCIAL(IST)E DU MONDE

Le régisseur derrière les coulisses est l'évêque de curie Marcelo Sanchez Sorondo. Celui-là même qui tira déjà les ficelles du changement de cap dans les dossiers des « Objectifs du millénaire pour le développement après 2015 » (ONU) et du changement climatique, qui implique que le Vatican renonce à sa résistance à la politique démographique néomalthusienne. Une condition que le pape François a fait connaître, de manière informelle, dans une interview accordée, en septembre 2013, à la revue jésuite romaine Civiltà Cattolica et que Sanchez Sorondo valorise activement en monnaie politique concrète (voir son interview sur le lien supposé entre avortement et changement climatique).

Du point de vue de la politique sociétale (avortement, idéologie du genre), Sanders défend les mêmes positions que Clinton, à mille lieues de celles de l’Église catholique. C'est sur les plans de la politique économique et sociale que Clinton et Sanders se différencient le plus nettement. Là est à chercher la clé de l'invitation au Vatican, – son plaidoyer pour l'avortement ne représentant plus aucun obstacle sous le pontificat de François.

Cette semaine, Bernie Sanders s'envolera pour Rome, bien qu'ait lieu en ce moment, aux USA, la phase décisive de la campagne électorale pour l'investiture. Il participera au Vatican à une réunion de l'Académie pontificale des Sciences sociales. La raison de l'organisation de cette réunion est l'anniversaire de deux encycliques sociales : les 25 ans de Centesimus Annus et les 125 ans de Rerum Novarum.

L'Encyclique Rerum Novarum, publiée en 1891 par le pape Léon XIII, est la première encyclique sociale de l'histoire de l’Église ; elle est considérée comme la « mère de toutes les encycliques sociales ». En 1991, pour son centenaire, Jean-Paul II publia l'encyclique Centesimus Annus, une réaction à l'effondrement de la dictature communiste dans le bloc de l'Est.

CELUI QUE FRANÇOIS AIMERAIT VOIR COMME 45ME PRÉSIDENT DES USA

Sanders est le seul des cinq candidats encore dans la course à la candidature à l'élection présidentielle à être invité au Vatican. La personne que le pape François aimerait personnellement voir comme 45ème président des USA à la Maison Blanche est ainsi révélée sans ambages. Savoir si une position partisane aussi publique et unilatérale fait du bien à l’Église est une tout autre affaire.

La préférence n'est pas de nature confessionnelle. Parmi les cinq candidats encore en lice, il n'y a aucun catholique, seulement un ex-catholique et ce n'est pas Sanders. Chez les Républicains, il reste trois candidats en course : Donald Trump est presbytérien, Ted Cruz, baptiste (Convention du sud) et John Kasich, baptisé catholique, est aujourd'hui anglican. Chez les Démocrates, Hillary Clinton est méthodiste, son challenger Bernie Sanders est juif. Sanders serait le premier chef d'état et de gouvernement juif de l'histoire des USA.

LESBOS ET LE « SOCIALISTE DÉMOCRATE »

La réunion au Vatican a lieu les 15 et 16 avril. Les détails n'en sont pas encore connus. Selon Radio-Vatican, il n'est pas prévu que Sanders prenne la parole. La réunion pourrait donc n'être que l'occasion d'une rencontre privée avec François. La rencontre entre Sanders et François aura vraisemblablement lieu vendredi puisque François s'envole samedi pour l'île grecque de Lesbos. En matière de politique d'immigration aussi, c'est le sénateur américain du Vermont, parmi tous les candidats à la présidence, qui est le plus proche du chef de l'Eglise catholique.

Sanders se décrit lui-même comme un « démocrate socialiste » et comme un « grand fan du pape ». Dans la campagne électorale pour l'investiture démocrate, il se rapproche de nouveau ces derniers temps de la favorite Clinton. Mais la course n'est pas encore jouée.

Dans le grand quotidien italien Corriere della Sera, l'évêque de curie Sanchez Sorondo a justifié l'invitation de Sanders en ces termes : « Il montre un véritable intérêt pour les document pontificaux » . Dans la campagne électorale pour le mandat politique le plus puissant du monde, cela ne suffit pas pour justifier le fait de prendre parti. Et Sanchez Sorondo (originaire d'Argentine, comme François, et qui compte parmi ses plus proches fidèles) d'ajouter « qu'il n'avait pas vu d'autres candidats qui, au cours de leur campagne, citaient le pape ».

UN DUEL ENTRE LE PAPE ET DONALD TRUMP

Quoi qu'il en soit, d'autres candidats, y compris Hillary Clinton, l'adversaire de Sanders, ont déjà essayé d'utiliser le pape pour leur campagne.

Le 18 février par contre, s'est produit un duel verbal à distance entre le pape et Donald Trump, Trump est à cette heure le candidat le plus probable des Républicains . La politique de l'immigration était à l'origine de la joute verbale. Lors de sa visite au Mexique, lorsqu'il se trouvait à la frontière avec les USA, le pape François s'était immiscé une première fois dans l'élection américaine. Avec l'invitation exclusive au Vatican, adressée à Sanders, il est clair en tout cas que le pape François place, sur son échelle de préférence, Sanders au plus haut et Trump au plus bas. Beaucoup de hauts dignitaires du Vatican s'irritent qu'il y ait là clairement trop de parti-pris politique et une accentuation trop forte de la personne de François au détriment de sa fonction. Mais ils ne veulent pas que l'on cite leur noms.

A la réunion du Vatican participeront, à côté de Sanders, d'autres importants politiciens de gauche ; parmi eux les présidents de l'Equateur et de la Bolivie. Ce dernier a offert à François, en juillet 2014, une croix avec faucille et marteau, ce que beaucoup de catholiques considérèrent comme déplacé, voire comme tout à fait blasphématoire.

JEFFREY SACHS, PARTICIPANT À LA RÉUNION : CHANGEMENT CLIMATIQUE ET RÉDUCTION DE LA POPULATION

Parmi les participants à la réunion se trouve aussi Jeffrey Sachs, directeur du Earth Institute de la Columbia University et conseiller personnel du Secrétaire général de l'ONU Ban-ki-Moon. D'une manière plus significative, son rôle est celui-ci : Jeffrey Sachs est un éminent représentant de la théorie du changement climatique dû à l'activité humaine qui est à l'origine de l'actuelle politique climatique mondiale. Il est aussi un représentant de la théorie néomalthusienne qui réclame une réduction drastique de la population ; néanmoins, il a réussi à être nommé par le pape François, grâce à l'intervention de Sanchez Sorondo, membre de l'Académie pontificale des Sciences sociales. Une nomination qui équivaut à un changement de paradigme dans le domaine des « valeurs non négociables » (Benoît XVI).

POIDS DES ÉLECTEURS CATHOLIQUES TRANSFORMATION DE L'EGLISE AUX USA

Par leurs poids (nombre, organisation et argent), la Conférence des évêques allemands et la Conférence épiscopale américaine forment les deux antipodes de ce pontificat. François veut gagner la conférence épiscopale allemande et transformer celle des USA. Son immixtion dans la campagne électorale américaine n'est pas sans rapport avec cela.

Les catholiques représentent près d'un quart de l'électorat américain. Si l'on y ajoute les ex-catholiques (comme John Kasich), on arrive même à un tiers. Traditionnellement, les catholiques américains votaient « démocrate » pour des raisons historiques. Cela a changé sous le président républicain Ronald Reagan (1981-1989). Lors des dernières élections, le corps électoral catholique s'est montré profondément divisé. La prise de position unilatérale du pape, qui s'écarte de manière éclatante de la positon de l'épiscopat américain, porte en elle tous les éléments pour approfondir cette fracture.