Exhortation apostolique: Benoît XVI "recruté"


... jusque par le cardinal Kasper! Grandes manoeuvres préparatoires à six jours de la publication d' 'Amoris laetitia' (2/4/2016)

Ce qu'on peut parier sans grand risque, c'est ce que cette exhortation sera un grand non-évènement: tout aura été dit AVANT, et tout sera fait APRÈS.

 

Voir aussi sur ce sujet

Exhortation: la bataille des interprétations L'exhortation post-synodale, signée aujourd'hui, ne devrait être rendue publique que le mois prochain. Les pronostics vont bon train. Ce qui se profile c'est: pas de changement de la doctrine, mais le flou voulu, et même institutionalisé (19/3/2016)

Une révolution dans l'Eglise. C'est ainsi que le cardinal Kaspers'exprime, à propos de l'exhortation apostolique post-synodale désormais attendue avec fébrilité. Mais c'est un peu facile d'en faire le bouc-émissaire... La chronique d'Antonio Socci (21/3/2016)

Une révolution dans l'Eglise (suite) Réflexion d'un religieux espagnol, fondateur des "Franciscains de Marie", le Père Santiago Martin, traduite par Carlota (21/3/2016)

Appréhensions catholiques L'éditorial de Roberto de Mattei à la veille de l'Exhortation post-synodale. (23/3/2016)

La révolution pastorale Le Père Scalese a résolu brillamment l'énigme kaspérienne: pourquoi, avec l'exhortation post-synodale, l'Eglise tournera-t-elle une page de 1700 ans? Une analyse impressionnante de lucidité, à laquelle j'adhère à 100%... à lire absolument. (29/3/2016)

Le rétro-pédalage du cardinal Kasper

Malgré la date, il semble que ce ne soit pas un poisson d'avril...
Après avoir proclamé urbi et orbi que l'exhortation apostolique allait être une authentique révolution (il voulait "faire le buzz,", pour avoir l'air branché?), voici que le bon cardinal affirme qu'il ne l'a même pas lue... Il faudrait savoir.
Quant aux brassées de fleurs tardivement déversées sur son ex-collègue de Tubingen qu'il n'a cessé de combattre toute sa vie plus ou moins - et plutôt moins que plus - loyalement, elles viennent trop opportunément pour être vraiment sincères.

Voici donc ce qu'on pouvait lire hier 1er avril sur SIR (Servizio Informazione Religiosa), l'agence de presse de la CEI

 

LE CARDINAL KASPER: LE MOT-CLÉ EST 'INTÉGRATION'
ENTRE BENOÎT XVI ET FRANÇOIS «UNE PROFONDE CONTINUITÉ»

1er avril 2016
Agence SIR

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«Intégration»: comme ce fut le cas au Synode, ce sera l'un des mots-clés de l'Exhortation apostolique post-synodale du pape, qui sera publiée dans une semaine.
C'est l'hypothèse formulée par le cardinal Walter Kasper - même s'il n'a pas encore lu le document -, en marge du Congrès apostolique européen de la miséricorde, qui se déroule en ce moment à Rome. «L'Eglise ne peut pas être exclusive» a poursuivi le cardinal: «Elle doit aider les pécheurs, les intégrer dans la vie de l'Eglise». Sur les divorcés remariés, a-t-il ajouté, «la doctrine ne change pas, mais la discipline peut être changée», par exemple en les admettant à certaines tâches typiques du ministère des laïcs dans nos communautés.
Quant à la relation avec le Pape émérite, «il y a une profonde continuité entre le Pape François et Benoît XVI, et non pas une opposition comme certains le disent» a dit le cardinal, ajoutant que le Pape Benoît «laisse un grand, un profond héritage à l'Eglise, parce que c'est un Pape théologien extraordinaire, comme le montrent ses homélies et ses catéchèses».



Ben voyons...

Dans le même ordre d'idée, voici ce qu'écrit Luigi Accattoli (qui fut pendant des années le vaticaniste très influent du Corriere della Sera, aujourd'hui à la retraite, et progressiste notoire mais intelligent, càd qu'il sait éviter la caricature) sur son blog, à propos du titre de l'exhortation (cité par La Vigna del Signore).

'AMORIS LAETITIA' SE TROUVE CHEZ BENOÎT

«Amoris laetitia, responsio ad tormentum passionis et doloris, robur veniae prae suscepta offensione atque vitae victoria prae mortis vacuitate, haec omnia consummationem inveniunt in mysterio eius Incarnationis, cuius vi homo factus est, et nobiscum humanam infirmitatem participavit ut eam virtute suae Resurrectionis transformaret» (paragraphe 13 de la lettre apostolique Porta Fidei, d'indiction de l'année de la foi en 2011 )

Voici la traduction française du texte bénédictin: « La joie de l’amour, la réponse au drame de la souffrance et de la douleur, la force du pardon devant l’offense reçue et la victoire de la vie face au vide de la mort, tout trouve son achèvement dans le mystère de son Incarnation, du fait qu’il s’est fait homme, qu’il a partagé avec nous la faiblesse humaine pour la transformer par la puissance de sa résurrection».

François avait déjà tiré le titre du petit livre d'entretiens avec Andrea Tornielli ("Le nom de Dieu est miséricorde") d'un texte du Pape Ratzinger. «La miséricorde est en réalité le noyau central du message évangélique, c'est le nom même de Dieu, le visage par lequel Il s'est révélé dans l'ancienne Alliance et pleinement en Jésus Christ» (30 mars 2008, dimanche de la Divine Miséricorde).



Que tout ait été déjà dit par Joseph Ratzinger-Benoît XVI ne peut pas nous surprendre, et même nous le savons depuis longtemps.
De là à s'en servir pour justifier la continuité d'un Pontificat à l'autre, il y a un pas... ou plutôt un goufre, mais les thuriféraires de François n'hésitent pas à le franchir.
Bientôt, ils nous diront que le Pape émérite est le principal ghost writer de son successeur pour la rédaction de l'exhortation apostolique.

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Pour conclure sur un ton plus équilibré, la Bussola d'aujourd'hui se livre elle aussi, par la plume de Lorenzo Bertochi, au petit jeu des pronostics. Non sans une sourde inquiétude.

«Fidèlité à la doctrine, nouveautés pastorales»
Une lettre aux évêques anticipe le document sur la famille


Lorenzo Bertocchi
www.lanuovabq.it
2 avril 2016
(Ma traduction)

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Nous y sommes. Le vendredi 8 Avril à 11h30, "Amoris laetitia" sera là. C'est le titre de l'exhortation post-synodale tant attendue qui fera la synthèse d'un long processus de discernement sur la famille. Le document, qui comme nous le savons s'annonce copieux (200 pages), sera présenté dans la Salle Jean-Paul II par le bureau de presse du Saint-Siège.

Il y a quelques jours - selon les indiscrétions dont nous avons eu connaissance -, une lettre signée par le cardinal Lorenzo Baldisseri, Secrétaire général du Synode, a été envoyée aux évêques et aux cardinaux pour donner des conseils sur la présentation du document au niveau local. Invitant les évêques à organiser des rencontres pour expliquer au peuple chrétien le contenu de l'exhortation, le Cardinal Baldisseri anticipe les points fortd du document pontifical.

Quatre éléments seraient donc à la base d'"Amoris Laetitia".
Avant tout, de nombreuses références seront réservées aux documents finaux des deux assemblées synodales, en particulier la Relatio finale de 2015. Et déjà là, il y a une petite curiosité, étant donné que jusqu'à présent la Relatio du premier Synode a été considéré comme dépassée par le Synode suivant. L'attention est donc sur ce qui sera récupéré des conclusions du premier Synode.

On annonce ensuite des citations tirées du Magistère des prédécesseurs du Pape François, et des références aux deux grands documents objets de discussion durant le chemin synodal, à savoir Humanae Vitae du Pape Paul VI et Familiaris Consortio de Jean-Paul II. Nous sommes en mesure de dire que rien ne changera en ce qui concerne l'encyclique «prophétique» - selon les mots de François lui-même - de Paul VI; tandis qu'il est probable que les indications de Familiaris Consortio seront approfondies selon un clé d'approche pastorale rénovée, en particulier à propos du discernement à mettre en œuvre pour les couples divorcés remariés. On devrait également trouver un rappel de l'ample magistère de Jean-Paul II sur l'amour humain (la «théologie du corps»).
Une troisième référence d'" Amoris laetitia" sera constitué par les belles catéchèses du pape François sur la famille (ndt: il n'est donc pas question de Benoît XVI).

Enfin - et c'est surtout là-dessus que se concentrera l'attention générale - il y aura des parties nouvelles, celles qui devraient, dit-on, compléter le cadre. C'est-à-dire les indications pastorales dont la lettre du cardinal Baldisseri annonce la présence, mais ne donne pas d'indications sur le contenu.

Jeudi (31 mars), "America", la célèbre revue des jésuites américains, qui a toujours suivi la question avec une grande attention, tweetait avec empressement que «le Pape devrait réaffirmer l'enseignement traditionnel sur le mariage et souligner l'importance de la préparation au mariage. Et, en cette année de la Miséricorde, ouvrir des portes dans l'approche pastorale de l'Eglise aux catholiques divorcés remariés et sur la question de l' homosexualité dans la famille».
Telle pourrait être la juste "photo" d'Amoris Laetitia: aucun changement doctrinal, des nouveautés pastorales. Du reste, ce fut également l'un des mantras répété avec le plus de succès au cours du processus synodal: on ne touche pas à la doctrine, mais on change "seulement" l'approche pastorale.

Il est également intéressant de noter que la présentation du texte dans la Salle de presse a été confiée, en plus du Secrétaire Général du Synode, à l'archevêque de Vienne, le cardinal Christoph Schönborn. Ce dernier, durant le chemin synodal a sans aucun doute été un vaillant sponsor des innovations pastorales. Et même, il était allé un peu plus loin, en particulier en demandant de reconnaître les «semences de vérité» également présentes chez les différents couples «irréguliers» (y compris homosexuels), par analogie avec ce qu'indiquait Lumen Gentium §8 en ce qui concerne les éléments de sanctification et de vérité présents en dehors des frontières visibles de l'Eglise catholique. «Qui sommes-nous pour juger et dire qu'il n'y a pas d'éléments de vérité et de sanctification dans [ces relations]?» a dit Schönborn en 2014.

L'archevêque de Vienne a également été membre de ce Circolo Germanicus qui, au cours du Synode ordinaire d'octobre 2015 a esquissé ce que beaucoup ont défini comme la quadrature du cercle. Une solution "de compromis" entre deux thèses opposées, en particulier concernant l'accès à l'Eucharistie pour les couples de divorcés remariés. Un compromis qui, selon d'autres, servirait à l'ouverture de portes pastorales qui devrait conduire à une sorte de chemin pénitentiel confié en dernier instance à l'évêque local. S'agira-t-il de la principale «nouveauté» de l'exhortation?

Vendredi, nous découvrirons "Amoris laetitia", et donc nous verrons ce que seront les parties nouvelles qui seront certainement présentes, et qui, selon toute probabilité, ne se contenteront pas de répéter ce qui a déjà été dit par les prédécesseurs du pape François.