François et le "mariage" gay


Le Pape rechigne à prendre position, alors que l'Italie est sur le point de légaliser une sorte de "mariage pour tous". Sandro Magister rappelle l'attitude du cardinal Bergoglio dans son pays en 2010, dans les mêmes circonstances (19/1/2006)

 

Depuis plusieurs semaines, le Parlement italien discute d'un projet de loi (dite "loi Cirinnà, du nom de la députée - de gauche - à l'origine du projet), qui introduirait en Italie le mariage homosexuel avec possibilité d’adopter des enfants et GPA. Le 28 janvier, le projet sera présenté devant le Sénat.
Et simultanément, dimanche 30 janvier, les mouvements pro-vie et pro-famille appellent à une grande manifestation à Rome (dite "Family Day") contre la loi Cirinnà et plus généralement en défense de la VRAIE famille.
Rappelons que la précédente marche, organisée à Rome le 10 mai dernier, bien que s'étant soldée par un grand succès, avait carrément été boycottée par la CEI, qui avait refusé de s'y associer, abandonnant l'initiative aux évêques individuels, et que le Pape lui-même avait fait le "service minimum", se contentant d'un salut générique, au terme de l'Angélus, aux nombreuses familles accourues sous ses fenêtres dans l'espoir d'entendre des paroles d'encouragement (voir benoit-et-moi.fr/2015-I..les-deux-visages-du-pape.html et benoit-et-moi.fr/2015-I..la-marche-pour-la-vie-et-le-pape)

La Marche du 30 janvier est l'occasion d'une passe d'armes au sommet de la CEI.
Le président, le cardinal Bagnasco, a clairement pris position pour (suivi par l'organe de la CEI, le quotidien l'Avvenire), tandis que Mgr Nunzio Galantino, le secrétaire général nommé par François et qui affirme agir sur mandat de ce dernier, a exprimé toutes ses réserves sur ce type d'action publique, déclarant qu'il n'y aura pas de soutien public de la CEI.
C'est à ce conflit larvé, mais significatif car très représentatif du "nouveau cours", que Sandro Magister consacre la première partie de son dernier billet sur <Settimo Cielo>.
Mais le plus intéressant (ce que j'ai traduit) vient après.

On se souvient peut-être que le lendemain de l'élection de François (donc le 14 mars 2013), un document avait circulé: à l'origine, Massimo Introvigne - dans le rôle, déjà, de paladin/propagandiste du Pape, que je n'avais pas encore perçu à l'époque - qui l'avait traduit et publié sur la Bussola, avant qu'il ne fût repris par plein d'autres sites.... dont le mien!!
Il s'agissait d'une "Lettre du Cardinal Bergoglio aux quatre monastères de Carmélites de Buenos Aires, à l'occasion du vote au Sénat de la République argentine sur le projet de loi visant à légaliser le mariage homosexuel et l'adoption (approuvé le 15 Juillet 15)" (voir ici ma traduction de la lettre).
Sur cette lettre, donc, Sandro Magister nous en dit un peu plus:

Argentine 2010:
Comment Bergoglio dirigea et perdit la bataille contre le mariage gay


Settimo Cielo
18 janvier 2016
(ma traduction)


(...)
Galantino a toujours affirmé agir sur mandat direct de François. Et il est vraisemblable que c'est encore le cas ici, connaissant la réticence du Pape à faire descendre l'Eglise dans la rue pour des batailles de ce type (cf. Bergoglio ne dit pas non aux unions homosexuelles)
Toutefois, il subsistera jusqu'au bout un degré d'incertitude sur ce que fera François, sans exclure une surprise, étant donné la façon dont il a agi en 2010 quand une histoire similaire a concerné l'Archidiocèse de Buenos Aires et l'ensemble de l'Argentine.

A cette occasion, Jorge Mario Bergoglio renvoya chez eux les catholiques qui s'étaient mobilisés devant le Parlement pour une veillée de prière contre l'approbation imminente du mariage de même sexe. Il les convainquit d'«éviter le conflit».
Mais il laissa filtrer une lettre qu'il avait écrite aux carmélites cloîtrées, dans laquelle, avec des expressions très colorées, il accusait le diable d'inspirer les politiciens pro-gay et demandait des prières.
Les détails de cette histoire ont été largement reconstruits dans des articles de www.chiesa (Et le général Bergoglio envoya des religieuses à l’attaque contre le mariage gay ; Six voix de plus pour les unions "gay")

En 2010, toutefois, la loi sur le mariage homosexuel fut approuvée par le parlement argentin. Mais aujourd'hui encore, on discute pour savoir si ce n'est pas le comportement de Bergoglio qui a précipité les choses.
Des sources catholiques fiables de Buenos Aires ont fourni ces derniers jours de plus amples informations sur l'affaire. Qui sont résumées ci-dessous.

La lettre de Bergoglio aux Carmélites, jusque-là secrète, apparut à l'impoviste le 8 Juillet 2010, non pas sur l'agence officielle de l'épiscopat argentin, l'AICA, mais sur le site de l'Archidiocèse de Buenos Aires, clairement à la demande de son archevêque.
Ce fut une bombe. La lettre envahit les médias et l'AICA dut finalement la publier aussi. Pendant des jours en Argentine on ne parla de rien d'autre, à l'intérieur et à l'extérieur du parlement, où les partisans de la loi eurent beau jeu pour se moquer des expressions utilisées par Bergoglio contre le diable et contre eux.
Le promoteur le plus enflammé de la loi, le kirchneriste Miguel Pichetto, afficha sa stupeur que «quelqu'un d'aussi intelligent que le cardinal» s'exprimât ainsi. La présidente Cristina Fernandez de Kirchner elle-même se déclara sans voix devant «ce retour au Moyen Age».
Jusqu'au 8 Juillet en Argentine, il y avait eu de nombreuses manifestations contre la loi, rassemblant de grandes foules. Et au parlement, il n'était pas du tout certain que le parti favorable au mariage homosexuel constituât la majorité.
Mais à dater du jour de la publication de la lettre, les choses changèrent. L'affrontement se polarisa entre l'obscurantisme de l'Église et les lumières du «progrès». Le 14 juillet commença le dernier débat au Parlement et dans la matinée du 15, le mariage gay était adopté avec une majorité de trois voix seulement.
Effectivement, à l'époque, de nombreux catholiques engagés dans la défense de la famille avaient ressenti un malaise pour les expressions utilisées dans la lettre de Bergoglio, qui, en public s'était toujours prononcé avec une extrême mesure.
Et encore aujourd'hui, comme alors, beaucoup se demandent si sa démarche de rendre une telle lettre publique n'a pas eu un effet contre-productif. Facilitant de fait le passage de la loi.

Les sources catholiques argentines nous ont demandé de ne pas révéler leur identité, parce que «si à Rome il y a un nouvel "establishment" eccésiastique qui rend cela dangereux, ici aussi, à Buenos Aires, nous vivons avec lui depuis un certain temps».