François, leader de la gauche mondiale


Et idole de la presse de gauche. Deux nouveaux articles lus dans la presse polonaise, au lendemain des JMJ (3/8/2016)

>>> Voir aussi: JMJ: la presse polonaise (de gauche) fan du Pape!!

 
Le leader de la gauche mondiale n'est ni Slavoj Zizek, ni Yannis Varoufakis, ni Thomas Piketty, ni aucun politicien ou intellectuel, mais le pape François.

Mon correspondant polonophone m'écrit...

Les réactions à la visite de François en Pologne continuent. Il est frappant de constater combien certains journalistes de gauche tiennent absolument à ranger le Pape François dans leur camp... Ce phénomène n'est pas nouveau et nous l'avons lu sur votre blogue sous la plume de nombreux auteurs (religieux ou laïcs) mais il reste toujours aussi fascinant, intriguant et inquiétant de voir un Pape supporté à ce point par les ennemis de l'Eglise.

Comme écrivait Rafal Ziemkiewicz dans son style caractéristique: « ils tapent avec joie à coups de Pape sur la gueule des cathos détestés »... et « François ne fait pas beaucoup d'efforts pour leur compliquer la tâche »...

Voici donc la traduction de deux articles de journalistes engagés “à gauche”:


"Si on réussissait à baptiser le catholicisme polonais"


Jacek Żakowski
1/8/2016
Gazeta Wyborcza
Traduction par BF


Jacek Żakowski , né en 1957, est un célèbre journaliste politique est une des figures intellectuelles qui compte à gauche. Il a fait partie des fondateurs du quotidien Gazeta Wyborcza où il a travaillé pendant longtemps. Il a dirigé l'agence officielle de presse polonaise P.A.P en 1991 et 1992. Il a écrit de nombreux ouvrages politiques. Il donne des cours de journalisme au Collegium Civitas. Il fait partie de la rédaction de l’hebdomadaire “Polityka” (Politique) proche de la gauche libérale et post-communiste. Il intervient souvent à la télévision et anime une émission hebdomadaire sur la radio Tok FM.

Si le christianisme était adopté en Pologne. Si on réussissait à baptiser le catholicisme polonais. Si dans la vie publique il y avait plus de croyants comme François et moins de croyants qui ne font que manifester publiquement leur foi et qui accrochent des croix partout où ils peuvent, alors la Pologne serait un beau pays. François m'en a douloureusement fait prendre conscience.

La visite de François a été une grande expérience pour un agnostique qui, avec une inquiétude croissante, voit combien de paganisme obscur se cache derrière les phrases toutes faites, soi-disant catholiques, que débitent de nombreux évêques, prêtres, politiques catholiques, journalistes et catéchistes dans les écoles. Je suis très curieux de savoir ce qu'ils ont ressenti en écoutant François. Car ils ne peuvent quand même pas totalement se foutre de lui comme s'il était un type lambda du mainstream puisque, pour se considérer comme catholique, il faut quand même considérer le Pape comme le Représentant du Christ.

Je m'intéresse particulièrement à ce que ressentent ceux qui s'asseyaient aux premiers rangs pendant les rencontres avec le Pape et qui accomplissaient avec ferveur les actes dictés par les règles du rite. Je m'intéresse beaucoup par exemple à ce que ressentait l'archi-catholique ministre (de la défense - Ndt) Antoni Macierewicz, inlassable patron de la vendetta de la lustration (*), quand il a entendu l'homélie de François au château de Wawel où il mettait en garde contre le caractère non chrétien de la “mémoire négative” qui “avec le regard de la raison et du cœur se concentre obsessionnellement sur le mal, particulièrement celui perpétré par les autres”.
(..)

Qu'a ressenti le ministre (de l'intérieur - NDT) Mariusz Blaszczak, lorsqu'à la veillée avec les jeunes le Pape a invité à porter un regard chrétien “sur le multiculturalisme qui ne doit pas être vu comme une menace mais comme une chance” alors lors qu'un jour avant la visite papale, il ironisait sur le multikulti. J'aimerais aussi beaucoup savoir comment s'est senti le ministre auto-consacré Jaroslaw Gowin (**) (qui racontait, il n'y a pas longtemps, qu'on avait pas le droit de laisser entrer des réfugiés musulmans en Pologne car ils feront exploser les nouveaux nés polonais) quand François a appelé à faire preuve d’hospitalité chrétienne envers les réfugiés et qu'il a rappelé que “le cœur miséricordieux s'ouvre pour accueillir les réfugiés ainsi que les migrants”.

Je ne crois pas en la soudaine transformation des pratiquants politiques en croyants chrétiens unis avec le Pape François. Le premier ministre Beata Szydlo a déjà tempéré cet espoir. Mais peut-être qu'une petite note de gêne apparaîtra dans certains cœurs de peu de foi enflammés par la politique.

Cependant, ce qui m'intéresse le plus, c'est de de savoir ce qu'ont vraiment ressenti les catholiques croyants, les prêtres et les évêques quand ils ont vu l'abîme qui sépare le message chrétien du Pape de la vie quotidienne du pays réputé le plus catholique d'Europe. Combien de catholiques polonais écouteront François et chausseront leur grosses chaussures de pèlerins pour baptiser leur pays et leur Eglise et combien continueront à faire la sieste sur des canapés confortables ?

* * *

NDT :

(*) La lustration : examen judiciaire par l'Institut de la Mémoire Nationale (chargé de poursuivre les crimes du communisme) des relations des citoyens avec les services de la police politique communiste pendant le régime de la République Populaire de Pologne

(**) Jaroslaw Gowin : numéro 2 du gouvernement, ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur.

"François est le leader de la gauche mondiale" (extraits)


Sławomir Sierakowski
Slawomir Sierakowski
27-07-2016


Voici la traduction de quelques extraits les plus significatifs d'un très long article de la rubrique opinions du portail d'information Wirtualna Polska.

* * *

Sławomir Sierakowski né en 1979 est un sociologue et un chroniqueur d'extrême gauche. Fondateur et directeur de la revue trimestrielle “Krytyki Politycznej “ (Critique Politique). Publie, dans des organes de presse polonais (Gazeta,Wyborcza, Pollityka) et également dans le "New York Times", le "Guardian" et sur le site OpenDemocracy.net.

Le leader de la gauche mondiale n'est ni Slavoj Zizek, ni Yannis Varoufakis, ni Thomas Piketty, ni aucun politicien ou intellectuel, mais le pape François. Je n’écris pas cela par goût de la contradiction ni pour irriter les gens d'Eglise. François les irrite tout seul déjà suffisamment comme ça. Je pense véritablement que si la gauche mondiale a aujourd'hui un quelconque dirigeant inspirant le monde entier, c'est bien François.
(…)

Tout d'abord, S. Sierakowski rappelle qu'au début de son pontificat:


François a fait grande impression et on a commencé à parler d'un effet François. A la surprise générale, le Pape a profité de cet intérêt pour exprimer des points de vue qui étaient jusqu'alors très impopulaires ou inconnus au sein de l'Eglise. Au cours de ses interventions suivantes François à prôné l'ouverture aux divorcés, aux femmes, aux gays, aux athées et aux fidèles d'autres religions. Les organisations pro life furent bouleversées après que de François ait appelé à ce que “le prêtre donne l'absolution à des personnes excommuniées après avoir avorté”. Cela fut interprété, non sans raisons, comme une autorisation indirecte de l'avortement ou, tout au moins comme une ouverture en direction du milieu pro choice..
(..)

Ensuite, après avoir exposé en détail, dans deux longs paragraphes, les luttes de François contre la discrimination des homosexuels et contre le néolibéralisme, l'auteur nous explique que:


Le Pape François est encore plus engagé dans une troisième cause. La cause la plus importante aujourd'hui pour la gauche, c'est à dire la situation des réfugiés et des immigrants.
(…)
Depuis que le Pape a lavé les pieds de 11 immigrants il n'est aimé ni par l'Eglise, ni par la droite polonaise.
Mais ce n'est pas pour cette raison qu'il devrait tout au moins être apprécié par la gauche. La lutte contre les discriminations basées sur le sexe, la race, la nationalité, la religion, l'orientation sexuelle et également les luttes contre les inégalités, le capitalisme sauvage, la destruction de l'environnement naturel et la défense des immigrés, voilà aujourd'hui presque tout l'éventail des opinions qui situent François du côté de la gauche. L'étendue mondiale de son action, et avant tout, le fait qu'à la différence des politiciens et de beaucoup d’intellectuels célèbres de gauche, François ne joue pas les vedettes (!!!), n'est pas cynique mais sincère et droit ; tout cela fait de lui un personnage qui pourrait peut-être changer davantage de choses que n’importe qui d'autre.
Dans une interview à Newsweek, pour décrire la situation du Pape et de l'Episcopat Polonais, une seule expression m'est venue à l'esprit : “Votre Eglise, Notre Pape” (*)
(...)
Nous accueillerons très volontiers ce type chez nous. Il est fantastique !

* * *

NDT:

(*) Allusion à l'expression : “Votre président . Notre Premier Ministre”. Ce fut à l'époque de la sortie du communisme, le titre d' un célèbre éditorial publié le 3 juillet 1989 par le rédacteur en chef de “Gazeta Wyborcza”, Adam Michnik scellant “l'alliance de l'opposition démocratique et de l'aile réformatrice du camp du pouvoir” (communiste) mais également, un slogan exprimant l'accord de l'opposition issue du syndicat Solidarité pour que le pouvoir soit partagé entre un président membre du parti communiste (W. Jaruzelski) et un premier ministre sorti des rangs de l'opposition au parti communiste (T. Mazowiecki).

En pastichant cette expression, Sierakowski place l'Eglise dans le camp du totalitarisme et le Pape du côté des démocrates...