La Hongrie se rebiffe (II)


Suite et fin de l' interview de l'ambassadeur de Hongrie près le Saint-Siège, Eduard Habsburg-Lothringen, par Giuseppe Rusconi (29/9/2016).

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La Hongrie se rebiffe (I)

Petite note personnelle: il est évident qu'Eduard Habsburg-Lothringen, dans sa position, ne peut pas dire autre chose (ni plus) que ce qu'il dit, sur François. Je trouve qu'il s'en tire très... diplomatiquement, mais aussi très finement dans la dernière réplique, où il commente les propos du Pape sur "les ponts et les murs"... En tout cas, il met bien en évidence que fait que le discours de François varie en fonction de son auditoire, qu'il dit tout et son contraire, cultivant l'ambiguïté de telle sorte qu'une grande partie de ses déclarations peut effectivement passer comme rigoureusement dans la ligne de ses prédécesseurs. La continuité est sauve, mis hélas le discours est brouillé par des remarques ponctuelles intempestives qui contredisent les beaux discours.
On notera également le refus "poli" du Pape de se rendre en Hongrie à l'occasion du 17e centenaire de la naissance de saint Martin (lui qui a pourtant du temps pour se rendre en Suède pour commémorer la Réforme!!)...



Hongrie / Referendum du 2 Octobre:
une occasion pour améliorer l'UE


Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
27 Septembre 2016
Ma traduction

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Ample interview d'Eduard Habsburg-Lothringen, Ambassadeur de Hongrie auprès du Saint-Siège, sur les raisons et les contenus du référendum du 2 Octobre. Quelles sont les raisons de la campagne hostile menée contre la Hongrie par de nombreux médias occidentaux, y compris catholiques? Le grand malentendu des événements hongrois de l'été 2015. Les efforts de la Hongrie pour honorer la charité à l'intérieur du pays et envers les chrétiens persécutés au Moyen-Orient. Le Saint-Siège, le pape François et la Hongrie.


LE GOUVERNEMENT ORBAN ET LA CHARITÉ
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Nous viendrons après aux réactions du Saint-Siège. Mais en attendant, ouvrons le chapitre de la 'charité' hongroise. Dans le Préambule de la nouvelle Constitution, il est souligné que les valeurs fondamentales de la cohésion nationale sont la fidélité, la foi et la charité. Que signifie exactement le terme de 'charité' dans le préambule?

'Charité' dans notre Loi fondamentale désigne l'amour (y compris l'amour pour la patrie) et la charité comme on l'entend en italien (et en français, ndt...). Je pense que tout d'abord, c'est un rappel à chaque Hongrois pour qu'il vive la charité envers son prochain. Ensuite, à l'État pour qu'il aide concrètement les pauvres et les marginalisés. Dans la Loi Fondamentale, il y a plusieurs passages qui concernent la sécurité sociale. Il est également important de noter que le gouvernement hongrois collabore avec les organismes caritatifs ecclésiaux et les subventionne pour qu'ils puissent aider ceux qui sont dans le besoin. Ce fut le cas pour ceux qui ont aidé les migrants à la frontière ou l'an dernier à la gare Keleti de Budapest (ndt: qui s'était transformé, on s'en souvient, en centre d'accueil pur les réfugiés et avait fait l'objet de reportages incendiaires de nos médias si objectifs!!), comme par exemple l'Ordre de Malte.

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L'OFFICE POUR LES CHRETIENS PERSÉCUTÉS DANS LE MONDE
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Au début de ce mois de Septembre, le gouvernement Orban a annoncé la création d'un Office pour les chrétiens persécutés dans le monde - confiée à un Secrétaire d'Etat - au sein du ministère des Ressources humaines. Une bonne initiative visant à améliorer l'image internationale de la Hongrie?

C'est vrai que tout beau geste de ce genre contient toujours un aspect de «relations publiques». Mais la substance est d'une grande épaisseur. Le nouvel Office, qui commencera son activité en Décembre, n'est pas né du néant. Cela fait des années que la Hongrie, sans faire de bruit, aide directement les chrétiens au Moyen-Orient. Nous avons contribué, en collaboration avec la Conférence épiscopale hongroise, à la construction d'écoles à Erbil, et nous finançons l'éducation de quelque 400 élèves, comme c'est lea cas avec d'autres centaines qui sont contraints de vivre dans des camps de réfugiés. Nous finançons également la construction de maisons pour les réfugiés, non loin de celles qui ont été abandonnées, afin qu'ils ne soient pas poussés à entreprendre le long voyage vers l'Europe. Nous avons également aidé les familles des 21 coptes égyptiens tués sur une plage libyenne: comme on nous l'a demandé, nous leur avons fourni les vaches pour le lait et d'autres denrées concrètes et utiles pour la vie quotidienne. Nous avons accordé des visas facilités aux chrétiens dont la vie est réellement menacée. Nous avons également alloué 5 millions d'euros pour la construction d'un hôpital en Syrie, quand ce sera possible.

On peut supposer que l'évènement déclenchant pour la création du nouvel Office a été la rencontre fin Août à Frascati (près de Rome, ndt) d'un groupe de législateurs catholiques (institué par le cardinal Schönborn en 2005) avec plusieurs Patriarches du Moyen-Orient, parmi lesquels le Libanais Maronite Béchara Boutros al-Rahi ...

Deux non-catholiques, deux calvinistes hongrois, ont participé à la rencontre de cette année: le Premier ministre Viktor Orban et le ministre des Ressources humaines Zoltan Balog (qui est aussi pasteur). Et, très impressionnés par ce qu'ils ont pu entendre, ils ont décidé que la Hongrie devait donner un signe public bien visible pour l'aide aux chrétiens persécutés. Bien visible, afin d'encourager d'autres à suivre la même route. On a donc créé l'Office ad hoc, pour les chrétiens persécutés au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Nous observerons aussi avec attention la persécution plus cachée en Europe. Il s'agira d'entreprendre des initiatives humanitaires, d'aider les réfugiés sur place , de les mettre à l'abri des endroits dangereux, de faire un beau travail d'information ... mais les détails sortiront dans les prochains mois.

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A 1700 ANS DE LA NAISSANCE DE SAINT MARTIN
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A propos de charité: cette année tombe le 1700e anniversaire de la naissance de saint Martin ...

Cette année, la Hongrie célèbre les 1700 ans depuis la naissance d'un saint particulier, saint Martin de Tours, mais il est le fils d'un officier romain basé en Pannonie, c'est-à-dire en Hongrie, à Szombathely. Saint Martin nous enseigne qu'il faut être disponible envers notre prochain quand il frappe à notre porte. Ce n'est pas nous qui choisissons. Martin ne savait pas qu'il allait rencontrer le pauvre, il n'était pas préparé, il n'avait pas un sac plein de nourriture mais spontanément, il lui a donné ce qu'il pouvait, la moitié de son manteau. Et cela est en substance le message de François.

Le pape n'a pas pensé à venir en Hongrie pour cette occasion?

La Hongrie a invité le Pape pour l'Année de saint Martin. François s'était réjoui, il était très content de l'invitation et avait répondu qu'il allait essayer de venir. Malheureusement, ayant 79 ans, il doit aussi faire des choix. On comprend qu'il ne peut pas aller partout où il voudrait. Il convient également de rappeler que le 9 mai dernier, à l'Académie de Hongrie à Rome a été organisée une conférence intéressante sur saint Martin de Tours en tant que personnage européen, à laquelle ont également assisté le cardinal Paul Poupard, l'ambassadeur suisse Pierre-Yves Fux et le chargé d'affaires français par intérim François-Xavier Tilliette.

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RELATIONS AVEC LA COMMUNAUTE JUIVE HONGROISE
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Quelles sont les relations du gouvernement Orban avec les Églises en Hongrie?

Bonnes, certainement, fondées sur une étroite coopération indiquée par la Loi fondamentale. Le gouvernement finance les activités de service public des Eglises et l'argent est utilisé pour la charité aux pauvres. C'est aussi le cas pour la communauté juive ...

... qui est aujourd'hui la plus grande d'Europe de l'Est, bien qu'elle ait subi de lourdes pertes (600 mille morts dans la shoah), qui aurait été encore plus importantes sans les opérations «de sauvetage» de milliers de personnes par des représentants diplomatiques d'Espagne, de Suède, de Suisse, de la nonciature apostolique, en plus de Giorgio Perlasca. Quel air respirent-ils aujourd'hui, ces Juifs de Hongrie?

Je pense qu'il est très bon, ils ont des institutions florissantes. Même si dans le pays, il y a des forces qui semblent avoir des problèmes avec la communauté juive. Le gouvernement s'emploie beaucoup pour la communauté juive. Par exemple, il a un projet pour retrouver et remettre en ordre les cimetières juifs hongrois. Ce n'est pas une chose banale et évidente. Quand j'étais en Autriche, un jour, j'ai emmené mes enfants dans un cimetière juif, caché dans une forêt et remis en ordre: sur les pierres tombales on remarquait que l'année de la mort ne dépassait pas une certaine date. Une leçon d'histoire ... très touchante. Des choses horribles se sont passées ici, à côté de votre ville, et non pas dans un autre monde!

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DE NOMBREUX POINTS DE CONTACT AVEC LA POLITIQUE DU VATICAN
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Passons aux relations entre la Hongrie et le Saint-Siège ...

Les rapports sont cordiaux. Le Saint-Siège apprécie les initiatives du gouvernement en faveur de la famille: par exemple, après le troisième enfant, on est pratiquement exonéré de l'impôt sur le revenu. Une autre question sur laquelle nous parlons la même langue est celle de la lutte contre l'antisémitisme. De même que la question des Roms: en avril prochain, je promouvrai une conférence sur la situation des Roms en Europe, invitant des personnes compétentes qui illustrent des projets d'espoir. En Hongrie, les Roms ou Tsiganes sont un élément constitutif du peuple hongrois: ce ne sont pas migrants, bien que leur intégration reste problématique. Je voudrais inviter les représentants des pays européens, le Saint-Siège, l'Ordre de Malte (qui a aussi un ambassadeur pour le peuple rom), la Caritas , la Communauté de Sant'Egidio ... Bien sûr , le Saint-Siège apprécie également beaucoup l'institution de l'Office pour les chrétiens persécutés dans le monde ....

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FRANÇOIS: DES PONTS, PAS DES MURS? OUI, MAIS AUSSI LA SÉCURITÉ!
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Pourtant, sur la majorité de la 'grande' presse catholique italienne, et sur les sites catholique italiens connus d'inspiration internationale, on continue à lire que le référendum du 2 Octobre est "xénophobe", "singulier", que Viktor Orban est un démagogue "ultra-nationaliste", "qu'il a inventé un référendum" contre l'Union européenne ... et pas seulement: le référendum "n'est pas chrétien", il contraste avec les paroles claires de François, qui ne cesse d'avertir contre la construction de murs ...

De nombreux médias catholiques utilisent les phrases fortes et récurrentes du Sain-Père contre la construction de murs. Cependant, je suis avec attention tout ce que dit le Pape, et j'ai noté que François souligne également le droit de chaque peuple à préserver ses propres valeurs. Par exemple , dans le discours au Corps diplomatique le 11 Janvier 2016, il a considéré avec gravité les craintes répandues dans les populations des pays d'accueil, et reconnu leur droit à la sécurité. D'un côté, donc, François met en évidence le devoir évangélique prééminent d'accueil envers tous, mais de l'autre, avec réalisme, il ne peut pas ne pas prendre en compte les limites imposées par la réalité. Et, à propos du référendum du 2 Octobre, je propose en guise de conclusion ce qu'a dit François le 26 juin 2016, lors du vol de retour du voyage apostolique en Arménie, en réponse à une question sur le Brexit : « le pas que doit faire l’Union Européenne pour retrouver la force qu’elle a eue dans ses racines est un pas de créativité et aussi de 'saine désunion': c’est-à-dire plus d’indépendance, donner plus de liberté aux pays de l’Union». C'est exactement ce que la Hongrie veut demander avec le référendum du 2 Octobre.

FIN