Lavement des pieds "politiquement correct"


Alors, pourquoi pas les ordinations féminines ? (23/1/2016)

Cette semaine, le site Proliturgia a fait un commentaire très éclairant sur le décret pontifical modifiant les modalités du lavement des pieds. Comme ce site ne conserve pas ses archives, je me permets de le reproduire ci-dessous, car il contient une synthèse de toutes les objections:

En permettant que des femmes puissent se faire laver les pieds au cours de la liturgie du Jeudi saint, on valorise uniquement la question du geste de charité du Christ.
Le lavement des pieds est incontestablement un geste de charité, mais c’est aussi un geste rituel qui a sa place, comme l’attestent les Evangiles, dans un repas a caractère liturgique soigneusement préparé.
Il faut donc rappeler ici la signification première du rite du lavement des pieds : le geste que fait le Christ le Jeudi saint n’est pas seulement le signe d’un service ordinaire rendu à chacun, une marque de charité, mais signifie d’abord un service sacerdotal fait “in persona Christi”.
Les apôtres - et Pierre le premier - ne le comprennent pas. C’est le Christ lui-même qui le dit à Pierre : “Quod ego fácio, tu nescis modo, scies autem póstea.”
Le lavement des pieds ne se limite donc pas à traduire ou à signifier un acte de charité. C’est avant tout un geste rituel qui participe à l’institution du sacerdoce ministériel. Le caractère “sacerdotal” du geste du lavement des pieds est clairement souligné par la parole du Christ à Pierre : “Si non lávero te, non habes partem mecum” (Jn 13,8 ).
Dans la tradition juive, l’acte du lavement des pieds est un rituel de “préconsécration” pour l’ordination des Lévites (Cf. Exode 29,4). En parlant de “part avec lui”, Jésus a un langage explicitement lévitique, sacerdotal : il “préconsacre” les apôtres qui reçoivent, lors de la même soirée, la plénitude du sacrement de l’ordre (c’est à dire l’épiscopat).
De sorte que lorsque le Christ dit à Pierre : “Si non lavero te, non habes partem mecum”, il lui dit surtout : si Je ne te lave pas, tu ne deviendras jamais un de “mes” prêtres.
Donc, l’admission de femmes au rite du lavement des pieds pose clairement une question relevant d’abord du sacerdoce ministériel.
Et il est dès lors parfaitement légitime de se demander si derrière l’autorisation donnée aux femmes de se faire laver pieds ne se cache pas une pression sous entendue, consciente ou inconsciente, pour l’ordination des femmes.


Un peu plus tôt, sur le même site, Denis Crouan écrivait, non sans humour:

Le Pape François vient d’apporter de son propre chef (exit la synodalité) une modification à la liturgie : lors de la messe du Jeudi saint, des femmes pourront se faire laver les pieds.
Au fond, qu’est ce que ça changera ? Rien. Car il y a belle lurette que dans l’Eglise-qui-est-en-France, chaque évêque fait comme il veut, ce qu’il veut, sans se soucier de ce que les papes disent, conseillent, autorisent, demandent de faire ou interdisent de faire.


Et la veille, on pouvait lire, toujours sur Proliturgia:

Le Vatican a officiellement annoncé qu’en cohérence avec le geste liturgique qu’il accomplit chaque Jeudi saint depuis le début de son pontificat, le Pape François a fait modifier le Missel romain afin d’ouvrir aux femmes la possibilité de participer au lavement des pieds. (On remarquera au passage que de très nombreux prêtres français avaient une longueur d’avance sur le Pape...)
Ce changement est-il à mettre en relation avec d’autres “signes” ? Possible. On constate en effet que le Pape prend des libertés qui sont autant d’ “exemples” à suivre, puis il modifie le culte, les sacrements, le droit canonique... en critiquant les chrétiens - simples fidèles et même évêques - qui ont un cœur fermé aux surprises de l’Esprit Saint et n’arriveront jamais à la plénitude de la vérité tellement ils sont idolâtres et rebelles.
A ces innovations voulues par François s’ajoutent une Exhortation post-synodale qui ne vient pas, la communion proposée à toutes les personnes qui auront interrogé leur conscience et bien d’autres surprises qui ne sauraient tarder comme l’ordination diaconale pour les femmes et le mariage des prêtres...
Curieusement, on n'entend plus personne (???) dire que François est dans la continuité de Benoît XVI. Et pour cause.

 


Ces analyses de bon sens, pudiquement censurées par les médias du système, mais qui sont confirmées par une successsion de faits depuis bientôt trois ans, se retrouvent dans la sphère anglophone, et en Italie.

Par exemple, Antonio Mastino a publié hier sur sa page Facebook une brève réflexion d'un de ses lecteurs, qui va exactement dans le même sens, dont voici la traduction:


Je ne suis pas un fin liturgiste et je n'ai même pas la prétention de l'être. Pourtant, le lavement des pieds dans l'évangile de Jean a la signification d'un mandat précis aux apôtres. En quelque sorte, une façon de remettre et d'anticiper le mandat apostolique qui s'est ensuite concrétisé par la Pentecôte.
J'ai toujours apprécié ces prêtres qui (quitte à s'attirer de féroces critiques) étaient fidèles à la seule présence d'hommes au lavement des pieds, non pas pour marquer une discrimination mais pour souligner une signification, que je viens de mentionner. J'estime dangereux un changement comme celui concernant le missel romain et le lavement des pieds. En premier lieu parce que si l'Église dans sa sagesse bimillénaire est arrivée au missel romain, le changer ainsi sur deux pieds me semble irrespectueux (spécialement si c'est pour suivre une mode aujourd'hui populaire).
En deuxième lieu (et peut-être est-ce pire), cela crée un précédent très dangereux, car c'est exactement le même discours que l'on pourra appliquer à l'ordination des femmes. Suivez le raisonnement. Si le lavement des pieds a été fait à des hommes parce que c'était un contexte historique particulier, alors pourquoi ne pourrait-on pas faire le même raisonnement sur le ministère ordonné ?
Le fait que Jésus eût lavé les pieds aux apôtres et ceux-ci fussent des hommes n'enlève rien à son don de soi sans limites et jusqu'à la fin.
(..)


Antonio Mastino joint son propre commentaire:

La réponse (la mienne) est: ce chapitre s'ouvrira également, c'est l'étape qui suivra le synode des "prêtres mariés": nous courons à reculons vers le futur... Nous sommes déjà à la fin des années 80, bientôt nous nous retrouverons de nouveau en 68. Du reste la frange progressiste est absolument décidée à mener le plus rapidement possible à terme (à coups de main et d'éponge, sans concile cette fois-ci, comme l'avait suggéré Martini) l'assimilation de l'Église aux dénominations protestantes européennes et à la dissoudre, comme celles-ci, dans la Mondanité Sécularisée.