Le "ballon d'essai" de Semeraro


Précisions de Sandro Magister sur le livre déjà évoqué de l'évêque d'Albano Marcello Semararo (un proche de François), justifiant la communion aux divorcés remariés par la prétendue pratique ecclésiale du recours au "for interne" interrompue par JP II, puis Benoît XVI (6/1/2016)

>>> Image ci-contre: www.senzacolonnenews.it/cronaca/item/2649-l-ex-vescovo-di-oria-scrive-i-discorsi-di-papa-bergoglio (où l'on apprend que Semararo figure dans l'équipe des "ghostwriters du Pape)

>>> Cf. Les petits fourbes du petit Synode (l'édito de Riccardo Cascioli sur le même sujet)

 

Le 31 décembre Sandro Magister (auquel la restitution "miséricordieuse" de sa carte d'accréditation auprès de la Salle de Presse du saint-Siège n'a heureusement rien ôté à la pugnacité) signalait dans sa chronique hebdomadaire sur www.chiesa ("Nullité des mariages. Une réforme qui risque de couler dès ses débuts") le petit livre de l'évêque Marcello Semeraro "Il sinodo della famiglia raccontato alla mia Chiesa", déjà évoqué le même jour par Ricardo Cascioli (cf. Les petits fourbes du petit Synode). S'appuyant sur une lettre de la CDF de 1973, le prélat y prétendait qu'autoriser les divorcés remariés civilement à recevoir la communion ne ferait que renouer avec une pratique sanctionnée par l'Eglise des années 70, puis "congelée" par l'Eglise "rigoriste" de JP II et de Benoît XVI.
Magister précisait, à propos de l'auteur:
«Jorge Mario Bergoglio le connaissait et l’appréciait déjà avant même d’être élu pape et il a voulu l’avoir parmi ses plus proches collaborateurs. D’abord en tant que secrétaire du conseil de neuf cardinaux qui travaillent à la réforme de la curie et au gouvernement de l’Église; puis en tant que membre du synode, parmi les rédacteurs du rapport final. (...) On peut présumer que, comme l'article du père Spadaro paru dans "La Civiltà Cattolica", ce petit livre de l’évêque Semeraro reflète la pensée du pape François, dont ils sont l’un et l’autre très proches»

Sur <Settimo Cielo>, Sandro Magister revient ici sur la lettre de la CDF de 1973 par laquelle Semararo fonde sa théorie, et sur les éclaircissement ultérieurs que son manque de clarté avait nécessité de la même CDF deux ans plus tard.
De toute façon, dit-il, le motu proprio "Mitis Iudex" simplifiant les procédures canoniques d'annulation du mariage (ce qu'il qualifie de "révolution") est la solution trouvée par François pour contourner le problème, et rendre caduque le recours au "for interne" invoqué par Semeraro & cie. En supposant toutefois que cette "révolution" arrive à bon port. Ce qui, selon lui, est loin d'être sûr!

Légendes urbaines.
La «miséricorde» des heureuses années soixante-dix


Settimo Cielo
4 janvier 2016
Ma traduction


Il y a une lettre (cf. www.vatican.va) de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du lointain 1973 qui, repêchée aujourd'hui, a été exhibée pour montrer qu'était alors en vigueur la «probata Ecclesiae praxis in foro interno» de consentir la communion aux divorcés remariés, et donc qu'aujourd'hui, il ne s'agirait plus que de rétablir cettee heureuse pratique pastorale, malheureusement interrompue par les «rigueurs» de Jean-Paul II et de Benoît XVI.
L'auteur du repêchage, comme le rapporte le dernier article de www.chiesa a été l'évêque d'Albano Marcello Semeraro, très proche du Pape Jorge Mario Bergoglio.

Mais le "ballon d'essai" (en français dans le texte) lancé par Semeraro en vue de la publication attendue de la part du pape des conclusions qu'il tirera du Synode sur la famille, n'a pas du tout été accueilli pacifiquement par les rangs nourris des opposants à la communion pour les divorcés remariés.
À leur jugement, cette lettre de 1973 ne représente nullement une autorisation, de la part de l'Eglise hiérarchique, d'une pratique «miséricordieuse» pour ceux qui ont pourtant violé le sixième et le neuvième commandement, qui interdisent l'adultère.
Et même, cette lettre - lisait-on - avait été rédigée et transmise aux évêques du monde entier justement afin de contrer les «raisons doctrinales ou pastorales qui ici et là sont prises comme argument pour justifier les abus contre la discipline existante concernant l'admission aux sacrements de ceux qui vivent en union irrégulière».

En réalité, la question était plutôt compliquée. Dans ce début des années soixante-dix, dans les pays du monde où le divorce avait été introduit dans la législation civile, la question sur la manière de traiter les catholiques mariés à l'église, puis divorcés et remariés civilement s'était faite pressante. Dans la pratique pastorale, il y avait de l'incertitude et certains confesseurs absolvaient et admettaient à la communion quelques-uns des «irréguliers», surtout si le pénitent se croyait sûr de la nullité de son mariage précédent, bien qu'en l'absence d'un jugement canonique qui certifiât cette invalidité.
La lettre de 1973, très courte et pas très claire, n'a pas du tout résolu cette incertitude diffuse. Tant et si bien qu'elle a été suivie deux ans plus tard d'une clarification.
La demande de clarification était venue des Etats-Unis, et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi répondit par une lettre de son secrétaire, le théologien dominicain et archevêque Jean Jérôme Hamer, adressée à l'archevêque Joseph Bernardin de Chicago, alors président de la Conférence des évêques des Etats-Unis.
Cette deuxième lettre, datée du 21 Mars 1975 est répertoriée comme "Littera circa partecipationem" ("Leges Ecclesiae", vol VI, n. 4657, p. 7605). Et elle ajoute quelques précisions au sujet de l'application aux «irréguliers» de la «pratique approuvée de l'Église du for interne»

«Cette phrase [probata praxis Ecclesiae] doit être comprise dans le contexte de la théologie morale traditionnelle. Ces couples [catholiques vivant dans des unions conjugales irrégulières] peuvent être autorisés à recevoir les sacrements à deux conditions: qu'ils essaient de vivre selon les exigences des principes moraux chrétiens, et qu'ils reçoivent les sacrements dans des églises où ils ne sont pas connus pour ne pas créer pas de scandale».

On ne peut pas ne pas voir que les deux conditions mentionnées ici sont les mêmes que [celles formulées dans] "Familiaris consortio", l'encyclique de 1981 du «rigoriste» Jean-Paul II, avec la seule différence que l'engagement à «vivre selon les exigences des principes moraux chrétiens» a été ultérieurement explicité par le pape Karol Wojtyla en engagement à «vivre dans la continence complète» avec quelqu'un qui n'est pas son propre conjoint.

Il est vrai que, depuis lors, les pasteurs ont continué à se poser la question du traitement à réserver à ceux qui se considéraient certains de la nullité du mariage précédent, mais se heurtaient à l'absence d'une décision canonique la certifiant.

C'est le cas que Joseph Ratzinger lui-même - à la fois comme cardinal puis comme pape - a maintes fois reconnu comme nécessitant «une étude plus approfondie et une clarification» (ndt: voir à ce sujet l'article de www.chiesa).
Mais c'est un cas qui aujourd'hui a pratiquement disparu, après que François ait tellement facilité le recours à la sentence de nullité qu'il a rendu inutile le repli sur le for interne.
Avec les nouveaux procès matrimoniaux, en effet, ceux qui sont certains en conscience de la nullité de leur mariage, peuvent se considérer comme assurés de voir cette invalidité certifiée canoniquement. Dans leur cas, l'utilisation du for interne n'a plus de raison d'exister.
Les faits parlent. Avant même que le Synode se conclue et en dehors des discussions synodales elles-mêmes, François a déjà résolu à sa manière la "vexata quaestio" («question controversée») de la communion pour les divorcés remariés: avec sa révolution des procès matrimoniaux.

En supposant que cette révolution arrive au port, compte tenu des problèmes que soulève son application (cf. www.chiesa).