Le Pape n'aime pas l'argent sale


... mais il ne dédaigne pas les riches oboles des dirigeants des multinationales les plus emblématiques de la mondialisation (11/3/2016)

 

Un passage de la catéchèse du Pape lors de l'audience générale du 2 mars dernier a fait le tour du monde à cause d'une formule-choc que les médias ont reprise avec le titre "Le Pape ne veut pas d'argent sale".
François commentait le premier chapitre du Livre d'Isaïe:

Très souvent, nous n’allons pas auprès du Seigneur, mais nous préférons emprunter de fausses routes, en cherchant en dehors de Lui une justification, une justice, une paix. Dieu, dit le prophète Isaïe, n’aime pas le sang des taureaux et des agneaux, en particulier si l’offrande est faite avec des mains sales du sang de nos frères. Je pense que si certains bienfaiteurs de l’Église venaient avec une offrande — « Prenez cette offrande pour l’Église » — qui est le fruit du sang de beaucoup de gens exploités, maltraités, esclavagisés par un travail mal payé, je dirai à ces gens : « S’il te plaît, reprends ton chèque, brûle-le ». Le peuple de Dieu, c’est-à-dire l’Église, n’a pas besoin d’argent sale, il a besoin de cœurs ouverts à la miséricorde de Dieu.


Personne (à part des gens d'une incorrigible mauvaise foi!) ne songerait à lui reprocher de si belles paroles, inspirées par de si nobles sentiments - encore qu'elles manquent quelque peu de miséricorde, et qu'on pourrait même penser "qui est-il pour juger si de l'argent est sale, ou pas?".

Mais y a-t-il une cohérence parfaite entre les paroles et les actes?

Ce n'est pas si évident si l'on en croit le dernier billet de Sandro Magister sur wwww.chiesa, intitulé BIENVENUE AUX RICHES. FRANÇOIS LES ACCUEILLE À BRAS OUVERTS, qui annonce, sous ce titre : Il en reçoit des dons généreux. Voici les noms de tous les magnats de la finance et de la technocratie auxquels le pape a donné audience cette année.

Suit une liste détaillée de noms et de circonstances.
Par exemple, l'article nous apprend que lors de sa visite quasiment de chef d'état au Vatican, le 28 janvier, Léonardo di Caprio a «remis au pape une enveloppe contenant un chèque destiné "à des œuvres de charité qui sont chères à son cœur". Plutôt qu’en tant qu’acteur de cinéma, Di Caprio avait obtenu cette audience en tant que créateur d’une fondation qui lutte contre le réchauffement climatique mondial, au nom de laquelle il était intervenu, quelques jours plus tôt, au Forum économique mondial de Davos, où un prix lui a été remis».

Autre détail piquant évoqué dans l'article: rencontrant les "Poissons roses" socialistes à Sainte Marthe le 1er mars, le pape a rendu un hommage appuyé à Christine Lagarde, la présidente du FMI, qu'il avait reçue le 18 janvier précédent, la qualifiant de «femme intelligente qui affirme que l’argent doit être au service de l’humanité et non pas le contraire». Rappelons que Christine Lagarde, tout en lui reconnaissant la présomption d'innocence à laquelle elle a droit, a été mise en examen en août 2014 dans l'affaire dit de l'arbitrage Crédit Lyonnais - Bernard Tapie. Certes, le délit retenu est une peccadille ("négligence...") et un non-lieu a été requis par le parquet. Mais la mise en examen n'est à ma connaissance pas levée, et la justice - au moins celle des hommes - suit son cours.

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Il faut donc croire que l'argent des dirigeants de grosses multinationales qui se précipitent chez le Pape dans l'espoir de recevoir une "bénédiction" - mais pas forcément au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit - est de l'argent "propre".

Nous l'avons d'ailleurs échappé belle, toujours si l'on en croit Sandro Magister. En effet: «il s’en est fallu de très peu que François ne reçoive en audience Bill Gates lui-même... Ceux qui ont empêché la concrétisation de ce projet sont deux cardinaux africains, qui ont rappelé au pape que la Bill & Melinda Gates Foundation fait une propagande très active en faveur de l'avortement dans les pays pauvres».

Le pape serait-il simplement naïf? La question mériterait d'être creusée