Les non-valeurs de la gauche


Très intéressante réflexion sur le blog <Campari et de Maistre> qui s'interroge sur la postérité du communisme dans notre Occident post-chrétien, et l'illustre par un article caricatural du quotidien italien mainstream par excellence, le Corriere della Sera, partant de l'exemple de Marine Le Pen - et de la soi-disant "lepénisation des esprits" (9/10/2016)

>>> Ci-dessous: la "chute" du Mur de Berlin.



Une fois de plus, on constate que le monde n'a pas "pris congé du communisme" - il l'a simplement adapté aux temps, remisant ce qui n'était décidément plus présentable: ce qui est bien pire, il a fait croire aux peuples que l'ère de la dictature marxiste, et surtout des privations matérielles était derirère eux, et que la liberté et la prospérité étaient devant.
Comme très souvent, j'ai pensé à ce que disait Benoît XVI (ou plutôt le cardinal Ratzinger) dans un article à Avvenire en 2004.

L'année 1989 marqua le surprenant écroulement des régimes socialistes en Europe, laissant derrière eux les tristes séquelles de terres détruites, et d'âmes détruites. Et pourtant, ceux qui pensaient que l'heure du message chrétien allait à nouveau sonner se sont leurrés : bien que le nombre des chrétiens dans le monde ne soit pas négligeable, en cet instant de l'histoire, le christianisme n'a pas réussi à s'imposer comme une alternative d'époque. En somme, la « doctrine du salut » marxiste était née, dans ses multiples versions, instrumentalisées de différentes façons comme unique vision du monde technologique, accompagnée de motivation éthique et adaptée à accompagner l'humanité dans le futur. D'où la difficulté d'en prendre congé, même après le traumatisme de 1989.


Les non-valeurs de la gauche


Enrico Maria Romano
8 octobre 2016
www.campariedemaistre.com

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Un livre d'il y a quelques années, donc déjà vieux, décrivait les hommes de gauche après l'effondrement de l'URSS et du mur de Berlin comme que hommes "ex": c'est-à-dire ex-socialistes, ex-révolutionnaires, ex-communistes, ex-prolétaires ... et maintenant plus rien!
Mais il y a et il doit y avoir nécessairement un liant historique qui reste comme socle dur dans l'évolution politique et idéologique des différents partis communistes d'Occident (comme partis-église, mais aussi comme partis de masse). Sinon, l'évolution plus ou moins homogène des différents socialismes du monde vers le courant progressiste planétaire actuel, qui a en Obama l'un de ses phares et son leader incontesté, serait inexplicable.

Que reste-t-il, alors, de l'idéologie communiste, avec ses multiple nuances historiques et politiques (depuis les révolutionnaires jusqu'aux sociaux-démocrates), dans les partis comme le PD (Partito Democratico) et les partis progressistes européens similaires?
Selon moi, deux choses: la vision idéologique de la réalité, pour laquelle c'est la réalité qui doit s'adapter à la pensée (et non l'inverse), et le rejet spéculaire de la religiosité et de la transcendance.
L'article pourrait finir ici tant ces assertions semblent évidentes, au moins à nos yeux. Mais il est bon de donner, au moins en miniature, des exemples récents, pris presque au hasard de la pensée quotidienne de l'establishment gouchiste.

Sur le Corriere du 24/09/16 Massimo Nava attaque la droite française [article à lire en v.o. ICI] - et cela n'a rien de surprenant -, mais aussi la gauche, qui ferait peu contre l'avancée populiste de Marine Le Pen:
«Le programme idéologique du Front national (...) est banalisé, il n'est plus stigmatisé ... ».
Ceux qui suivent un tout petit peu l'actualité transalpine savent que ce n'est pas vrai du tout: peut-être est-ce justement le racisme culturel hyper-bourgeois excessif de la gauche par rapport aux valeurs exprimées par la droite (Dieu, c'est-à-dire la tradition chrétienne; la patrie, c'est-à-dire la préférence pour le citoyen sur l'étranger; et la famille, c'est-à-dire la famille traditionnelle ...) qui a enfermé la gauche dans un coin fait de belles paroles, de slogans vieux comme 68 et de Gay Pride. Mais, comme dirait Céline, passons ! (en français dans le texte).

La tension utopique de l'article de Nava résume de la meilleure façon le pire de l'idéologisme de la gauche d'aujourd'hui, quand il écrit ainsi sur Marine Le Pen (petit détail, elle a déjà fait plus de voix que les gaullistes et les socialistes réunis): «Dans ce cadre, Marine Le Pen, banalisée et n'étant de fait plus un corps étranger, n'a plus besoin de slogans politiquement incorrects et de harangues déplaisantes. Après s'être libérée de son père et de l'armement idéologique de l'extrême droite xénophobe, il lui suffit de répéter à voix basse ce que la majorité des français et des européens pensent sans le dire».
Bien sûr! Mais n'est-ce pas une bonne chose pour les libéraux du Corriere qu'une femme politique de premier plan, qui recueille des millions de votes, n'utilise plus de slogans déplaisants et incorrects? Et n'est-il pas positif de s'être libéré de l'armement idéologie de l'extrême droite?
Comment est-il possible, après l'effondrement non seulement du mur de Berlin, mais de l'utopie de l'euro et de l'Union européenne comme panacée pour tous les maux (économiques, sociaux, culturels), de ne pas réaliser que ce que pense «la majorité des français et des européens», comme l'écrit Nava, est dicté par la réalité et ne devrait donc pas être diabolisé (selon la tradition léniniste) mais entendu et compris?
Mais alors, que pense cette majorité rustre et mauvaise que la gauche voudrait éduquer et rendre bougeoise, libérale et laïque à l'image du PD [nous dirions du PS!!!]?
Eh bien elle pense que l'immigration actuelle de masse est une erreur grave aux très néfastes conséquences sociales; elle pense que l' islam en tant que tel, surtout s'il se répand partout en Europe, est un problème, même au-delà du terrorisme; elle pense que l'argent des impôts devrait être utilisé pour reconstruire Amatrice [la ville du Latium dévastée par le séisme d'août dernier] plutôt que pour financer le lobby LGBT et endoctriner des enfants dans les écoles publiques; elle pense que l'euro n'a pas porté les fruits espérés et que le Brexit n'a pas été ce que les quotidiens de gauche ont écrit à l'époque pour susciter une peur et un alarmisme loin d'être innocents; elle pense qu'il est absurde de déclarer qu'un candidat à la présidence américaine est plus ou moins un sauvage ou un nouvel Hitler (et de présenter l'autre candidat comme la Vierge Marie); et bien d' autres choses. Des idées peut-être simples mais qui ont une grande dignité et doivent être respectées.

L'article de Nava est instructif pour ceux qui comme nous ne se reconnaissent pas dans les non-valeurs de la gauche. Il nous dit que même si l'on se rapproche de plus en plus du centre magmatique, il reste toujours une distance infranchissable entre ceux qui veulent servir la vérité et qui veulent la fabriquer autour d'une table .