Purges (staliniennes?) au Vatican


... au Culte Divin et à l'Académie pontificale pour la Vie. Et deux "claques" coup sur coup au cardinal Sarah. Qu'aurait-on dit si c'était Benoît XVI qui avait fait cela...? (30/10/2016)

 

Je mets en perspective deux articles lus récemment chez deux des (rares) vaticanistes qui résistent à la bergogliomania galopante, et font encore honneur à leur vocation d'information.
Le premier des deux, du 26 octobre est de Sandro Magister, qui évoque un "tremblement de terre à l'Académie pontificale pour la vie", en se référant à un évènement qui de fait a eu lieu dans l'intervalle (le discours du Pape du 27 octobre est pour le moment en italien sur le site du Vatican, voir en français fr.zenit.org)
Et le second, de Marco Tosatti, hier, parle d'une "purge sans précédent au Culte Divin".
A part cela, dormez profondément, bonnes gens, et surtout, n'ayez aucune inquiétude... Benoît et François, c'est exactement la même chose.

Mais je repose la question: qu'aurait-on dit si ç'avait été Benoît XVI qui s'était permis d'opérer des "purges" et de déclencher des "séismes"?

Tremblement de terre à l'Académie pontificale pour la Vie.
Avec l'épuration des non-alignés


Sandro Magister
Settimo Cielo
26 octobre 2016
Ma traduction

* * *

Comme cela a déjà été annoncé [cf. François, tous azimuts ], demain, ce ne sera pas le cardinal Robert Sarah qui inaugurera la nouvelle année académique de l'Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille.

Le discours inaugural, c'est le Pape François qui le prononcera. Et ce ne sera pas lui qui se rendra à l'Université pontificale du Latran, mais il recevra les membres de l'institut dans la Salle Clémentine du Vatican.

Le changement retentissant de personne a été lu par tous comme le début officiel d'un nouveau cours pour l'institut, conformément à l'«ouverture» de Jorge Mario Bergoglio et sous l'impulsion de son nouveau grand chancelier, qui est depuis la mi-Août Mgr Vincenzo Paglia .

Pendant ce temps, à l'Académie pontificale pour la vie voisine, également confiée par le pape aux soins de Mgr Paglia, le nettoyage des membres non-alignés, il est déjà en vue.

En vertu de l'article 5 § 2 du statut, les membres ordinaires, tous nommés par le pape, et presque tous nommés par Jean-Paul II, restent en charge sans interruption jusqu'à 80 ans, et sont donc inamovobles. Mais Mgr Pagliaaurait déjà obtenu le feu vert du pape pour changer le statut, réduisant leur mandat à 5 ans, comme c'est déjà le cas pour les membres dits "correspondants". Il se prépare à appliquer rétroactivement la nouvelle norme.

Parmi les universitaires de renom qui risquent l'expulsion, on compte, par exemple, l'Autrichien Josef Maria Seifert et l'anglais Luke Gormally, tous deux coupables d'avoir publié des critiques radicale de l'exhortation post-synodale "Laetitia Amoris".

Parmi les cardinaux membres, sont dans l'incertitude Carlo Caffara, qui fut aussi le premier président de l'Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, et Willem Jacobus Eijk, qui est l'archevêque d'Utrecht et Président de la Conférence des évêques néerlandais , mais est aussi médecin et théologien moraliste de valeur, coupable lui aussi d'avoir critiqué "Laetitia Amoris" et peut-être encore plus d'avoir signé la fameuse lettre des treize cardinaux qui avait exaspéré François au début du dernier synode.

En danger aussi, les membres les plus engagés dans les mouvements pour la vie, à commencer par la combative américano-guatemaltèque Maria Mercedes Arzu de Wilson, dont on se souvient de l'âpre controverse avec Mgr Rino Fisichella, alors président de l'Académie pontificale pour la Vie pour un article de ce dernier écrit dans "l'Osservatore Romano", très compréhensif à l'égard de l'avortement de l'enfant-mère brésilienne [en mars 2009: dossier ici: benoit-et-moi.fr/2009-I; voir aussi l'analyse du Père Scalese].

Un sort différent, de reconfirmation, est prévu pour les autres membres de l'académie, certes scientifiquement qualifiés, mais dont les positions - sur la bioéthique - ne sont pas exactement conformes à l'enseignement de l'Eglise, au moins précédemment.

L'un d'eux est par exemple le Siennois Felice Petraglia, gynécologue et rédacteur en chef de la revue internationale "Human Reproduction Update", fondée par Robert Edwards, l'un des pères de la fécondation in vitro, et organe officiel de la European Society of Human Reproduction and Embryology qui soutient la FIV, le diagnostic et la sélection génétique des embryons, les pilules abortives et d'autres choses semblables.

Et un autre est le gynécologue français Charles Chapron, un ami de Petraglia, membre de plusieurs sociétés internationales d'obstétrique et de gynécologie elles aussi favorables à ce qui précède, et pourtant admis comme membre correspondant de l'Académie.

Un stratagème auquel travaille Paglia, pour associer des membres de ce genre à l'Académie pontificale pour la vie et pour en inclure d'autres dans les années à venir, serait de retirer de la loi les dispositions de l'art. 5 § 4, lettre b:

«Les nouveaux académiciens sont invités à signer l'Attestation des Serviteurs de la Vie, par laquelle ils s'engagent à promouvoir et à défendre les principes de la valeur de la vie et de la dignité de la personne humaine, interprétés d'une manière conforme au Magistère de l'Église».

Ainsi se verrait ouverte la voie pour nommer à l'Académie pontificale pour la vie Angelo Vescovi, très proche de Paglia depuis qu'il était évêque de Terni et qui l'a aidé à installer da sa ville le siège central de sa créature, la Fondation Cellules souches. Vescovi n'est pas catholique et a participé à la campagne référendaire de 2005, pour défendre la loi 40, fortement voulue par le cardinal Camillo Ruini [loi généralement considérée comme très restrictive sur la PMA]. Mais, à part cela, il n'a jamais brillé pour la défense publique de la vie humaine dans les milieux scientifiques dont il est membre, où l'on connaît sa position ambiguë sur la question des cellules souches embryonnaires.

Purge sans précédent au Culte Divin.
Une torpille pour le Cardinal Sarah et d'autres ...


29 octobre 2016
Marco Tosatti
www.marcotosatti.com
Ma traduction

* * *

Une authentique purge, à la Congrégation pour le Culte Divin et une torpille au Préfet de la Congrégation, le cardinal Robert Sarah. Qui, en plus d'être critique, comme beaucoup de cardinaux africains, des interprétations libérales d'Amoris Laetitia au sujet de l'Eucharistie aux divorcés remariés, s'est également permis il y a quelques mois [en juillet 2016, cf. san-pietro-e-dintorni et aussi www.la-croix.com] de suggérer que la messe soit célébrée tournée vers l'Orient: «Il est très important que nous revenions , le plus tôt possible, à une orientation commune, des prêtres et les fidèles tournés ensemble vers la même direction, vers l'Orient, ou au moins vers l'abside, vers le Seigneur qui vient». Et il ajoutait: «Je vous demande d'appliquer cette pratique chaque fois que c'est possible»
Or, depuis l'époque du post-concile, ce thème - la messe face au peuple ou à Dieu - est une question explosive. Liée aux batailles liturgiques qui, comme les querelles d'autrefois, ne finissent jamais. Et elles passent de père en fils (ecclésiastiques - façon de parler!). En fait, depuis l'archevêque Annibale Bugnini, l'auteur de la réforme de la messe, trop poussée selon Paul VI, qui l'envoya comme nonce en Iran, ce qui n'était certes pas une promotion.

Le pape Benoît, très sensible à la liturgie, et à la façon de prier, a corrigé ce qui semblait être une tendance dominante "politiquement correcte", redonnant de la dignité à des formes de célébration de la messe qui ont nourri la foi et la piété chrétienne pendant des siècles [il en a même parlé tout récemment dans l'hommage au patriarche Bartholomée].

Immédiatement après sa déclaration, le cardinal Sarah avait été corrigé par l' archevêque Vincent Nichols, dauphin et protégé du cardinal Murphy O'Connor, l'un des conseillers discrets du "gouvernement de l'ombre du pape". Nichols avait écrit aux prêtres leur ordonnant de célébrer face au peuple.

On ne sait pas bien si le pontife, comme l'a déclaré le cardinal Sarah, avait donné son approbation à l'invitation à célébrer ad orientem; ou non. Un autre des nombreux moments d'ambiguïté de ce gouvernement. Mais la purge décidée hier laisse peu de place au doute.

Dans la pratique, tous les membres actuels de la Congrégation pour le Culte Divin, c'est-à-dire ceux qui participent à l'assemblée de cet organisme, ont été destitués et remplacés par d'autres. Disparaissent ainsi George Pell et Malcolm Ranjith, Angelo Bagnasco et Marc Ouellet (préfet des évêques), en plus de l'archevêque de Milan, Angelo Scola et du cardinal Raymond Leo Burke, ancien préfet de la Signature apostolique, l'une des premières victimes décapitées sans raison apparente par le nouveau Pontife peu de temps après l'élection.

Parmi les nouveaux promus, on compte le secrétaire d'État Parolin, le Préfet de la Congrégation pour le Clergé, le cardinal Stella, que beaucoup au Vatican considèrent comme la véritable éminence grise derrière le pontife, et le cardinal Gianfranco Ravasi, Président du Conseil Pontifical de la Culture, qui avait été immortalisé alors qu'il participait à une danse pour la «Pacha Mama», à San Marco Sierras, en Argentine.

Ensuite, il y a des nominations qui sentent clairement la revanche contre Benoît XVI. Il y a l'archevêque de Wellington (Nlle Zélande) Dew , qui s'est fait remarqué au Synode sur la famille par sa requête de modifier la position de l'Eglise qui définit les actes homosexuels comme "intrinsèquement désordonnés".
Mais surtout, il y a l'archevêque Piero Marini, le bras droit d'Annibale Bugnini, qui avait été remplacé par Mgr Guido Marini à la tête de l'Office des Célébrations liturgiques du pape Ratzinger. Et en outre Mgr Domenico Sorrentino, deux ans durant Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin. A l'époque, il était question de sa sortie et de sa nomination à Assise pour contraste avec la vision liturgique de Benoît XVI.

Avec cette purge extraordinaire (des destitutions et remplacements de cette ampleur sont une exception absolue dans la pratique du gouvernement romain) le cardinal Sarah semble très isolé, et il ne semble pas y avoir de voix qui puissent être liturgiquement discordantes par rapport au politiquement correct liturgique dominant.
Après avoir ri des liturgistes avec le primat Welby [ndt: allusion à une "franche rigolade" de François recevant le primat anglican le 6 octobre dernier: ce dernier lui aurait demandé "Savez-vous quelle est la différence entre un liturgiste et un terroriste? Avec un terroriste, au moins, on peut négocier..."], le pape a décidé d'en faire pleurer quelques-uns.