Seule une Présence peut nous sauver


Reconstruisons une "socialité" chrétienne. Quelques mots, vraiment chrétiens, de Mgr Luigi Negri, au lendemain du massacre de Nice (18/7/2016)

 

L'horreur de Nice:
seule une Présence peut nous sauver


Luigi Negri (*)
17/07/2016
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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J'interviens brièvement sur cet horrible évènement de Nice, pour dire, en même temps que ma plus grande proximité à toutes les victimes et à leurs familles, quelques mots que je ressens profondément. Je me rends compte que beaucoup sera tout dit en ces heures et ces jours, beaucoup de discours de circonstance de ceux qui ont la garde de ce système social qui se délite sous l'effet de pressions qui semblent vraiment irrésistibles.

Pour ma part, je voudrais simplement et brièvement m'adresser aux gens, aux vrais gens, ceux qui ont les visages que j'ai vus dans les reportages à la télévision, les gens qui se sentent profondément perdus et abandonnés.

Pendant des siècles, en effet, on avait dit aux différentes générations qu'il y avait une Présence dans nos vies, une Présence qui ne manquerait jamais, la Présence aimante de notre Seigneur Jésus-Christ, à la lumière de laquelle toutes les circonstances - même les plus terribles qui ont marqué la vie de nos peuples dans les derniers siècles - ont pu être vécues avec une dignité exemplaire, une dignité qui a rendu grandes les générations passées, même dans la tragédie.

Aujourd'hui, pourtant, ayant nié cette présence pour affirmer l'homme comme absolu, et ayant nié l'Eglise pour affirmer l'autonomie de la raison humaine et du progrès scientifique - culminant dans les horribles manipulations génétiques qui sont constamment sous nos yeux - il nous faut bien constater que l'homme est resté seul, qu'il n'y a vraiment plus personne à côté de lui, et à la douleur incommensurable pour les pertes humaines et familiales, il rest seulement la compagnie de la solitude et du silence.

Alors, que devons-nous faire? Personnellement, je ne peux parler que pour ceux qui croient en Dieu, ou du moins ceux qui l'attendent. Je leur dis que nous devons revenir à ce qu'affirmait dans une étude lucide sur l'église primitive le Bienheureux Cardinal JH Newman, et ce qui a été répété par le cardinal Ratzinger: il faut tout simplement FAIRE le christianisme. Dans ce monde où tout se dissout et où la solitude domine la vie des individus et de la société, la condamnant à un processus marqué par diverses maladies - la plus terrible étant la violence - il nous faut décider de ne pas appuyer l'empire. Les premiers chrétiens n'ont pas appuyé l'empire, mais ils ont simplement fait une autre chose: ils ont FAIT le christianisme.

Ils ont affirmé que le Christ, vivant parmi eux dans le mystère de l'Eglise, était la seule vraie réponse sur la vie de l'homme et du monde. Forts de cette certitude, ils l'ont témoignée avec leur vie, et donc pas simplement en parlant de Dieu, parce que les athées aussi parlent de Dieu, pas non plus en parlant de façon générique du transcendant, mais du Dieu de Jésus-Christ, qui, en Jésus-Christ s'est fait chair et histoire .

Reconstruisons donc nos communautés autour de Jésus-Christ, faisant naître de Sa Présence cette nouvelle socialité à laquelle fait référence la "Lettre à Diognète" (cf. Annexe) , et investissons le monde de cette Présence forte et douce. Forte par la certitude que Dieu a vaincu, qu'il a déjà vaincu en Jésus-Christ - et cette victoire ne sera effacée par aucune force maléfique - mais aussi douce, parce que cette nouvelle vie est une proposition de liberté que nous adressons à la liberté de chaque homme qui vit à côté de nous.
Je ne sais pas ce qui se passera dans l'avenir, mais je sais que plus l'expérience authentique de l'Église dans sa nature la plus spécifique se dilatera, plus l'espoir et le sourire grandiront chez les hommes, car ils auront reconnu la Présence qui ne se dérobe jamais.

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(*) Archevêque de Ferrare-Comacchio et abbé de Pomposa

Annexe


Extrait, sur le site du Saint-Siège:

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Les chrétiens dans le monde
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Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine n’a pas été découverte par l’imagination ou par les rêveries d’esprits inquiets; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine d’origine humaine.

Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire.

Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et ils tout en abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers, et les Grecs les persécutent ; ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur hostilité.

En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais n’appartiennent pas au monde. L’âme invisible est retenue prisonnière dans le corps visible; ainsi les chrétiens : on les voit vivre dans le monde, mais le culte qu’ils rendent à Dieu demeure invisible. La chair déteste l’âme et lui fait la guerre, sans que celle-ci lui ai fait de tort, mais parce qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs ; de même que le monde déteste les chrétiens, sans que ceux-ci lui aient fait de tort, mais parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs.

L’âme aime cette chair qui la déteste, ainsi que ses membres, comme les chrétiens aiment ceux qui les déteste. L’âme est enfermée dans le corps, mais c’est elle qui maintient le corps; et les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. L’âme immortelle campe dans une tente mortelle: ainsi les chrétiens campent-ils dans le monde corruptible, en attendant l’incorruptibilité du ciel. L’âme devient meilleure en se mortifiant par la faim et la soif; et les chrétiens, persécutés, se multiplient de jour en jour. Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter."

(De la Lettre à Diognète, nn. 5-6 )