Tel père, tel fils


"Fray Gerundio", notre vieux moine espagnol bougon... et tradi commente l'élection du nouveau "Pape noir". (30/10/2016)

>>>
Qui est le nouveau "Pape noir"?

 

Précision:
Il est particulièrement sévère avec les jésuites.
Bien entendu, toute généralisation est abusive. Ou plutôt: il y a des exceptions, et j'en connais personnellement au moins une!

Tel père, tel fils


Fray Gerundio
24 octobre 2014
Traduction de Carlota

Arturo Sosa, le nouveau Supérieur Général des Jésuites



Cela fait de nombreuses années que la Compagnie de Jésus autrement dit, dans le langage courant, les Jésuites, s’est hissée sur le piédestal du progressisme et s’est plongée à fond dans une multitude d’attitudes et de comportements hérétiques. Il n’y en a eu quelques-uns, peu, très peu, vraiment très peu, de bons et de saints prêtres qui ont du abandonner la Compagnie, sans l’abandonner. Ou dit autrement, qui ont dû former des groupes de fidèles à qui ils fournissaient une authentique doctrine chrétienne, en se faisant Fondateurs soudains de petites associations (pour survivre au milieu de l’Église et de la Compagnie postmodernes), ou simplement prédicateurs d’Exercices de Saint Ignace par ci, par là comme une versification libre d’une poésie et comme de vieux tradis isolés (1). Ils furent bien peu, j’insiste, et devenus vieux, ils moururent, sans le moindre soutien de leurs Supérieurs.

Pendant ce temps-là, les autres fils du saint de Loyola, se sont embarqués dans des doctrines psychologiques et pédagogiques, se sont empêtrés dans la méditation transcendantale, dans le yoga eucharistique, dans des attitudes bouddhistico-zens, se sont immergés dans des cours de prière à la mode orientale et ont proposé différentes anthropologiques culturelles, en étant de possibles marxistes. Bien qu’avec aussi des noms de structuralistes, existentialistes et freudiens. Tout cela a été immédiatement assaisonné de théologie de la libération, les jésuites guérilleros, les clairement apostats et les obscurément catholiques. Il semble qu’ils aient suivi les consignes de Saint Paul avec une variante : Essayez tout ce qui est mauvais et vous ne resterez avec rien de bon.

Dans ces années-là, Dieu leur envoya Pedro Arrupe, médiateur officiel de la Société de Jésus à l’époque du post concile, et complice de la Hiérarchie également postconciliaire, parfaitement apte à donner le coup fatal à la Compagnie dont les effectifs et les statistiques descendaient dangereusement, au moment où montaient les Universités de l’Ordre, elles aussi parfaitement aptes à donner un nouveau tour de vis avec leurs congrès et leurs cours sur les fiertés « gays » et les soutiens explicites aux homosexualités de tout type, la Compagnie étant aussi pionnière dans l’exigence de la part de l’Église de changements dans la doctrine morale de l’avortement aux contraceptifs, en passant pas les socialismes de base, les théologies populaires et les théologies anthropocentriques dans lesquelles Karl Rahner (2), Grand Maître du Concile Vatican II, a travaillé le futur de l’Église dont nous souffrons aujourd’hui.

Notre toujours bien pondéré Bergoglio, est l’un des produits résultant de tout cet amalgame, mais sans doctorat. Sans cette diplomatie jésuitique, ce tact et cette habilité que possédaient ceux d’antan. J’ai déjà dit, il y a des années, qu’il est comme un rouleau compresseur qui sent tout ce qui est Tradition et qui va droit sur elle. Si nous lui faisions une analyse ADN, il serait très possible que l’on y trouve des influences chromosomiques de tout ce monde jésuitique tellement chargé d’anti-catholiques, tellement gorgé du virus du XXème siècle. Tellement formé et tellement recuit durant ses jeunes années alors qu’il grimpait les échelons. Et cela avec en plus, beaucoup de rancœur et sans aucune élégance.

Quand Bergoglio est enfin arrivé au Pouvoir en toute humilité et sans s’y attendre (ndt c’est ironique, bien sûr !), - c’est pour cela qu’il insiste tant sur le fait qu’il ne faut pas aspirer aux charges ecclésiastiques par ambition, il y avait déjà un pape noir. Il y avait de la concurrence avec le nouveau Pape Blanc, mais avec certaines limitations laissées cachées. Le P. Nicolás (3) connaissait bien ces rapports internes de la Compagnie, aujourd’hui jalousement gardés dans les arcanes secrets de l’Ordre, dans lesquels il était recommandé de ne pas consacrer comme évêque le P. Jorge Mario [Bergoglio] (4). Finalement le P. Nicolás a pu prendre sa retraite dans son Japon chéri et échapper à la Nouvelle Cour, comme s’en est échappé il y a peu le porte-parole Lombardi, épuisé par l’Hydre.

Et ainsi vont les choses, et le Saint Esprit doit choisir un nouveau Pape Noir, en bougeant la main des votants, vêtus en « clergyman » pour l’occasion. Comme le choix ne pouvait être autrement, il est tombé sur un Latino-américain (comme ils aiment s’appeler), un théologo-libérationniste, sociologue et politologue, révolutionnaire (5), chaviste (6), philo-marxiste le matin, et marxiste philo-chaviste l’après midi. Et comme quelqu’un l’a signalé avec talent, avec des moustaches (7), la chemise à carreaux et une allure très style syndicaliste dur-à-cuire de ceux des grosses crevettes et du bouquet de crustacés (8). Bien que, je suppose, que celui-là, désormais, va se mettre à boire du maté (ndt boisson ressemblant au thé très consommée en Argentine, bien sûr !).
Mes novices disent que je dis tout cela, à cause de cette jalousie traditionnelle existant entre les différents Ordres Religieux. Ce serait possible, bien que dans mon monastère nous n’en sommes pas encore arrivés là, grâce à Dieu et à notre Saint Patron. Et je ne veux pas donner aujourd’hui l’impression que je fonce avec une impétuosité démesurée sur le nouveau Successeur de Saint Ignace (bien que très détérioré).

J’ai dû expliquer à mes jeunes le sens du titre de ma réflexion, parce qu’ils ne connaissent pas les dictons. « Tel père, tel fils » veut dire que l’on voit le plumage du père dans le fils, et que le plumage est issu de l’héritage, en fonction de celui qui fait le testament. Et dans le cas de notre Église Francisquinienne (9), ne pouvait être élu que ce jésuite comme Préposé Général, un élu qui est plus qu’il n’en faut en matière de coordination, d’harmonisation et de compatibilité avec la Nouvelle Cour Pontificale. Étant donnée la capacité synodale de François et celle de sa renommée à ne pas s’interposer dans les Conférences Épiscopales, les Élections des Évêques et les affaires éminemment démocratiques (comme le sèment à tous vents ses coryphées), certains disent que le Saint Esprit, avec l’aide de Saint Ignace et de Saint François Borgia, ses dignes prédécesseurs, a choisi le Vénézuélien pour donner le dernier tour de vis à la Compagnie (ndt humour !). Vulgaire et commun, dynamiteur et bolchévique, il a un mandat de par devant lui pour se comparer à l’Autre Jésuite et qu’il ne lui ordonne pas de couper une tête trop tôt.

Étant donné que l’on ne fait plus cas de la norme du Fondateur par laquelle aucun jésuite ne peut être pape et que finalement nous avons eu le premier jésuite de l’histoire, - et le dernier, selon Frère Malachie (ndt religieux du même couvent, ami et contemporain de l’auteur, prénom qui n’a sans doute pas été choisi au hasard), il n’y a rien qui empêche qu’il y ait un Pape Noir (10) qui soit Président chaviste de la Grande Colombie (11). Les Jésuites peuvent maintenant entonner le Nunc Dimitis et que Dieu répartissent les chances. Le Pape Noir, il est déjà mûr. Il est choisi à la mesure de Bergoglio. Il n’y aurait pas pu en avoir un autre. Tout comme pour le reste des Ordres Religieux, tout comme pour les néo-cardinaux, tout comme pour les néo-évêques et en particulier les néo-nonces. Tous en harmonie avec les nouveaux airs et les nouveaux temps. Et si possible, avec un curriculum révolutionnaire. Rien à voir avec les princes de l’Église. Si, peut-être, avec les présidents des Soviets, comme désormais la Sainte Mère l’Église le commande. (12)

Notes de Carlota



(1) Tradis : le mot original en espagnol vient de la désignation péjorative des monarchistes légitimistes espagnols et évidemment catholiques, les Carlistes, et s’emploie aujourd’hui aussi pour tout ce que le politiquement correct de la modernité considère comme contraire à son idéologie, de par son respect de ce qui était avant.

(2) Karl Rahner (1904-1984), jésuite allemand.

(3) Le Père Adolfo Nicolás Pachón est un Jésuite espagnol qui fut à la tête de la Compagnie de 2008 à 2016. Il succédait au Jésuite hollandais Peter Hans Kolvenbach qui avait remplacé le Père Arrupe. Le P. Nicolás a donc eu pour successeur le Jésuite vénézuélien Arturo Sosa Abascal, récemment élu.

(4) Le P. Nicolás a six mois de plus que le Pape François, tous les deux étant nés en 1936. L’auteur veut-il dire, d’une façon quelque peu ambiguë que, sans ce rapport qui conseillait de ne pas nommer le P. Jorge Mario Bergoglio évêque, il aurait pu être désigné comme supérieur de la Compagnie en 2008, et donc n’aurait pas été nommé Pape en 2013? (!)

(5) L’auteur met en lien un article en anglais du blog conservateur étatsunien Rorate Caeli citant une source vénézuélienne écrivant anonymement sous le nom de plume d’Antonio Francés et qui explique qui est le nouveau Pape Noir. Voir ici en anglais repris ici en français
Cette « élection » peut paraître d’autant plus étonnante que l’on sait combien l’Église au Venezuela a souffert et souffre du régime marxisant imposé par Hugo Chávez et son successeur ; et que côté Colombie, rien n’est vraiment réglé avec les Forces Armées Révolutionnaires en guerre contre le Gouvernement depuis 1964 malgré le dernier accord de paix de 2016, d’ailleurs majoritairement refusé par les Colombiens qui ne sont pas dupes.

(6) Chaviste : partisan d’Hugo Chávez, président du Venezuela de 1999 à 2013, héraut moderne d’un mythe bolivarien particulièrement lié au régime castriste, a ruiné son pays pourtant immensément riche en pétrole.

(7) L’auteur met en lien un texte du site conservateur « ex Orbe » où est racontée une histoire intitulée « La moustache » écrite (fin XIX-début XX) par un jésuite dont le blogueur ne se rappelle plus s’il s’agit d’un jésuite mexicain ou du jésuite espagnol, le P. Coloma aux contes très célèbres (cf. benoit-et-moi.fr/2011-III) : « Un fier officier d’un des plus illustres Régiments du Roi des Espagnes, postulant comme jésuite, se fit dire par le Supérieur qui l’accueillait, qu’il devait se raser la moustache, pour commencer son noviciat. L’officier refusa et repartit dans le monde. Il se retrouva assis à la table d’une auberge, s’endormit, sa tête tombant sur une chandelle qui lui brûla une partie de la dite moustache dont il était si fier. Il comprit alors sa vanité et s’en retourna voir le Supérieur

(8) Est-ce une allusion à ces syndicalistes bien entretenus qui fomentent les grèves et qui tranquillement dégustent des fruits de mer, bien peu intéressés dans la réalité au sort des plus pauvres ? Le triste état du Venezuela affamé, littéralement parlant, d’aujourd’hui en est une terrible illustration.

(9) Église Francisquinienne : admettons que ce néologisme de traduction pour cet adjectif permette en français de transcrire celui de l’auteur qui différencie bien l’adjectif tiré du prénom François quand il s’agit du Pape, de celui utilisé pour St François d’Assise ou St François de Borgia, par exemple.

(10) En lien un texte intitulé « Pape rouge au lieu de Pape noir » d’un blogueur argentin qui rappelle encore le passé « très à gauche » du nouvel Supérieur des jésuites (voir ici en vo) et qui montre un article intitulé «La mediación marxista de la fe cristiana» signé Arturo Sosa A. Cet article est disponible sur la bibliothèque virtuelle du centre Gumilla, centre de Recherche et d’Action Sociale de la Compagnie de Jésus au Venezuela. Sur le portail de présentation du centre Gumilla l’on peut lire: « actuellement, c’est un centre où confluent des religieux jésuites, des laïcs formés dans différentes disciplines et des responsables d’organisations populaires et de la société civile en général qui recherchent l’intégration des différents apports de chacun dans un courant qui impulse des horizons éclairants pour la société vénézuélienne ».
Ce centre porte le nom d’un jésuite espagnol Joseph Gumilla (1686-1750), notamment savant, explorateur du fleuve Orénoque, linguiste des langues amérindiennes, et qui aurait lancé bien avant Rousseau, le mythe du bon sauvage perverti par la Société (mais son discours devait être plus complexe et nuancé que celui de Rousseau, face aux réalités de ses explorations !).

(11) La Grande Colombie constitua dans les années 1820 et après la guerre civile qui aboutit au démembrement de cette partie de l’Empire espagnol en Amérique, une république placée sous le mandat de Simon Bolivar et qui regroupait les actuels Panama, Venezuela, Colombie et Équateur. Chávez se revendiquait de la révolution bolivarienne.

(12) La Compagnie de Jésus qui était réputée en outre pour l’excellence de ses établissements d’Enseignement Secondaire et Universitaire, compte aujourd’hui environ 17 000 membres, comme en 1900 (mais population mondiale de l’époque estimée à environ 1,5 milliards), mais elle a deux fois moins de membres qu’il y a cinquante ans. Elle est désormais surtout implantée en Asie et notamment l’Inde, en Amérique et en Afrique. Les Jésuites sont environ 1500 en Espagne (400 en France).