Un prélat qui ne manie pas la langue de bois


Mgr Heiner Wachter, doyen du chapitre de la cathédrale de Ratisbonne s’exprime dans un hebdo régional, avec un franc-parler rafraîchissant – et très inhabituel dans le milieu ecclésiastique – sur l’Eglise en Allemagne et surtout sur François… qu’il ne ménage pas (17/1/2016)

Espérons que dans l'Eglise de la miséricorde, il n'aura pas à payer cette franchise...


Un ecclésiastique de Ratisbonne :
« Le pape François ne cesse de désavouer notre pape Benoît ! »

www.wochenblatt.de
14 janvier 2016

Traduction d'Isabelle

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C'est dans son bureau de la Viereimergasse que nous rencontrons Heiner Wachter, doyen du chapitre et prélat, qui a récemment rencontré le pape Benoît. Avec lui, nous avons évoqué la marche de l’Église universelle – et le pape François.



Monseigneur, quelle est, pour vous, la plus grande différence entre le pape Benoît et le pape François ?
Mgr Wachter : Il y a d'énormes différences. Pour le dire en bref : François fait tout autrement. Ce n'est pourtant pas un fait exprès – il ne faut pas lui prêter cette intention – mais par beaucoup des actes qu'il pose, il désavoue son prédécesseur. Vis-à-vis de certains comportements, il prend une position radicalement différente de celle de notre Benoît. D'un point de vue théologique, il n'a pas les mêmes connaissances. Il parle énormément mais prend rarement une position claire. Même le cardinal Meisner a dû lui dire que ses déclarations sont toujours très problématiques.

D'où cela vient-il ?
François prend ses décisions à l'instinct et les gens qui réclament sans cesse des changements dans l’Église catholique les interprètent en leur propre faveur. Cela s'est fort aggravé.

Qu'est-ce que cela provoque à l'intérieur de l'Eglise ?
Le cardinal Brandmüller a déjà fait à son collègue, le cardinal Kasper, un reproche d'hérésie. Cela dit tout, n'est-ce pas ? Beaucoup, en Allemagne, ont le sentiment qu'enfin des choses bougent, par exemple pour les divorcés remariés.

D'après vous, y a-t-il des lignes claires ?
Justement pas ! Qu'un questionnaire ait circulé avant le synode posait déjà question. Comme si tout le monde ne connaissait pas l'opinion des gens sur ces thèmes. On n'a pas besoin de questionnaire pour cela ! Avant, les évêques avaient tout de même des contacts avec les gens !

Est-ce là du populisme ?
Oui, c'est ainsi que je le vois. Cela a certes conduit à ce que Rome entre en dialogue avec les évêques. Mais ce dialogue a tourné court sans faire de bruit. L'objectif a été raté parce que le résultat n'est pas conforme aux souhaits de ceux qui veulent des réformes. Cela s'est reproduit avec le second synode : par deux fois ils n'ont pu se mettre d'accord.

Et maintenant, c'est au pape de tirer les conclusions ?
Oui, mais il temporise toujours ! C'est là le danger avec lui : qu'à la fin il ne prenne aucune décision. C'est très bien qu'il aborde tous les problèmes, parle de tout et soit, pour cela, très populaire. Mais il laisse ouvertes trop de possibilités d'interprétation.

De Benoît, on a dit qu'il se retirait parce qu'il avait échoué avec la curie. François, dans ce domaine, a mis en place deux pôles : d'un côté, le nouveau conseil des cardinaux dont est membre le cardinal Marx de Münich et, de l'autre, le cardinal Müller qui devient son antagoniste. Une concurrence ?
Cette concurrence a toujours existé : déjà lorsque Müller était évêque de Ratisbonne, Marx était son adversaire. Mais on ne sait pas avec certitude de quel côté est vraiment le pape. Il était tout de même étrange que François ait invité une nouvelle fois Kasper. Et le cardinal Marx à Münich est gagné à la décentralisation de l’Église que souhaite François. Il appâte les évêques du monde entier avec une autonomie renforcée et, de cette manière, évite de prendre ses propres décisions.

Quelles devraient être celles-ci ?
Il devrait dire ce qu'il en est vraiment des divorcés remariés, du mariage homo et de ces problématiques. Le plus grand danger avec le pape, c'est que chacun l'instrumentalise à son profit. Nous en avons eu un exemple récent avec l'œcuménisme : il visite la communauté évangélique de Rome et leur offre un calice. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que doivent-ils faire avec ce calice ? Naturellement, Mme Kässmann a expliqué que le pape est favorable à l'intercommunion. Par son imprudence, il permet par ex. que le Comité central des catholiques allemands s'approprie ce genre de choses. C'est une vraie maladie chez nous !

Voyez-vous cela aussi dans les autres pays ?
Non, seuls les communistes jadis avaient un Comité central et nous aussi. Les différences avec les évêques conservateurs d'Allemagne du Sud, comme Voderholzer à Ratisbonne et Oster à Passau, sont frappantes. Pourquoi se distinguent-ils tellement de ceux d'Allemagne du Nord ? La composition des diocèses exerce sûrement une influence. Mais cela n'explique pas que les évêques allemands ne soient plus du tout en union.

Récemment, l'archevêque Gänswein a pris la défense de l'ancien évêque de Limbourg, Franz-Peter Tebart-van Elst et demandé le départ du chapitre. Comment voyez-vous cela ?
Un chapitre peut parfaitement mettre dans l'embarras et isoler un évêque. Gänswein a demandé aux diocésains de Limbourg si en fin de compte ils voulaient ou non faire encore partie de l'Eglise universelle (rires).

Croyez-vous que cela n'importe pas aux Limbourgeois ?
Je ne le crois pas. Les choses vont déjà changer avec un nouvel évêque. Il est vrai que certains envisagent que Georg Gänswein lui-même pourrait occuper le siège, mais je n'y crois pas !

Le pouvoir de la CDF a-t-il diminué sous Gerhard Ludwig Müller ?
Le fait qu'une partie des évêques croie que le pape ne soutient pas Müller a créé une situation dangereuse. Le pape a limité toutes les nominations à cinq ans et il est à craindre que Müller ne reste plus que trois années en poste. Dans l'exercice de sa fonction, le préfet de la CDF est au-dessus du pape, car il contrôle si le pape est encore catholique.