Une photo (tristement) éloquente


juste pour faire réfléchir: au Japon, les membres du G7 adorent une déesse Shinto, en plantant un arbre (27/5/2016)



Aux extrémités latérales de la photo, les seconds rôles Hollande et Renzi encadrent l'hôte japonais et les deux "vedettes" Obama et Merckel.
Ridicule, ou odieux?

(Photo www.epa.eu)


On peut le prendre sur le mode ironique (comme le faisait hier Antonio Socci sur sa page Facebook, soulignant malicieusement que s'ils s'adonnaient davantage au jardinage, ils feraient moins de dégâts...) ou bien, comme Robi Ronza sur la Bussola aujourd'hui, relever le caractère symbolique très inquiétant de la démarche.
Mais on a compris: pour les puissants qui nous gouvernent, n'importe quel culte de substitution (de la "mère terre", honorée jusqu'au Vatican, à la déesse shinto adorée hier au Japon) fait l'affaire, quand il s'agit d'occulter le Dieu des Chrétiens.

Les "grands" de la terre se prosternent devant le culte païen Shintoïste


Robi Ronza
www.lanuovabq.it
27 mai 2016
Ma traduction

* * *

Avec la session qui a commencé hier au Japon, c'est le retour en force au premier plan du groupe des sept premières économies industrielles d'Occident (et du monde), ou G7. La rencontre consacre son retour au terme de la période où d'abord avec l'ajout de la Russie, il était devenu G8, et après qu'Obama ait essayé de le mettre de côté, lui préférant un G20 sous l'égide conjointe des Etats-Unis et la Chine. L'événement marque en somme un tournant tout sauf secondaire dans la politique étrangère américaine, au terme de la présidence Obama: il s'agit en substance d'une marche arrière, comme toujours très habilement déguisée, par rapport à la politique dans laquelle le président des États-Unis aujourd'hui en fin de mandat, s'est engagé depuis longtemps, de recherche de nouveaux équilibres stratégiques alternatifs au rapport privilégié historique de Washington avec les autres grandes puissances industrielles du monde.

Mais avant de venir à la signification géopolitique de la rencontre, il faut insister sur la forte (et inquiétante) signification symbolique de sa cérémonie inaugurale. Non seulement le Premier ministre japonais Abe, le maître de maison, a choisi comme lieu de la rencontre la presqu'île de Ise-Shima, le lieu saint de la religion Shinto, mais il a demandé et obtenu que les dirigeants des six autres membres du G7, ainsi que Donald Tusk et Jean-Claude Junker, les deux plus hautes autorités de l'Union européenne, non seulement assistent mais aussi participent à une liturgie inaugurale qui a eu lieu dans le temple dédié à la déesse du soleil Amaterasu Omikami. Le temple est l' un des principaux lieux de culte shinto, la religion officielle du Japon, dont l'empereur est le Souverain Pontife. Au Japon, en fait, la plus haute autorité politique et la plus haute autorité religieuse s'entrecroisent, ce qui confirme le fait qu'en dehors des pays de tradition chrétienne, le principe de laïcité (qui est en fait typiquement chrétien) ne trouve pas de place.

Selon le Shinto, une religion à bien des égards similaire à l'ancien paganisme de notre monde antique, dans chaque réalité visible, que ce soit un rocher ou un arbre ou toute autre chose, vit un esprit, un dieu mineur. Dans ce contexte, planter un arbre dans le périmètre d'un temple, comme l'ont fait docilement hier les dirigeants du G7 et de l'Union européenne, a un sens beaucoup plus fort et plus précis que celui qu'il aurait dans le monde de tradition chrétienne. Il s'agit en effet d'un acte de culte, et non d'un simple geste augural. Disons, pour utiliser seulement une analogie, que c'est comme si, à l'ouverture d'une réunion du G7 à Rome, Matteo Renzi avait appelé ses collègues à faire un pèlerinage dans la basilique de saint Pierre, à s'agenouiller devant le sanctuaire qui abrite ses reliques et à faire un signe de la croix avec la main droite aspergée d'eau bénite (ndt: il serait plus difficile d'imaginer une analogie pour "notre" président). Pas difficile d'imaginer le malaise justifié que beaucoup auraient ressenti face à une telle initiative, et les commentaires qu'elle aurait inspirés).

Hier en revanche, au Japon, huit personnalités, toutes, sinon de foi, au moins de tradition chrétienne, n'ont pas hésité à faire un geste à cause duquel des milliers au cours des trois premiers siècles de l'histoire de l'Église choisirent d'affronter le martyre pour ne pas avoir à s'y plier. Un geste dont ils auraient pu s'abstenir sans risquer quoi que ce soit. Ignoraient-ils ce qu'ils faisaient, ou bien l'ont-ils fait en se fichant complètement de sa signification? Difficile de dire laquelle des deux hypothèses est la pire. Que ce soit de l'incompétence, ou de l'insensibilité aux valeurs fondatrices de sa propre tradition, il y a vraiment de quoi s'inquiéter.
Dans un tel vide, comment peut-on espérer que ces gens affrontent avec efficacité les grands problèmes économiques et politiques d'aujourd'hui, dans lesquels les éléments techniques et les éléments culturels s'entremêlent étroitement? La crise de l'économie mondiale, les grands flux migratoires incontrôlés, la lutte contre le terrorisme et la piraterie sur les mers, et contre le piratage informatique occupent la première place de l'agenda des entretiens d'Ise-Shima.
On frissonne à l'idée que ce sont ceux que nous avons vu planter joyeusement des arbres en acte d'adoration à la déesse Amaterasu Omikami - sans savoir ce qu'ils faisaient, ou en faisant semblant de ne pas savoir -, qui s'en occupent.