Grands thèmes du pontificat de Benoît XVI (IV)



Suite et fin de l'article d'Aldo Maria Valli (25/7/2016)

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Benoît XVI. Une proposition qui ne passe jamais

Dernière partie


www.aldomariavalli.it
26 juin 2016
Ma traduction

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Mais comment la vérité se rapporte-t-elle à la liberté humaine?
Ceci est une autre question centrale dans son enseignement.
«Dans quel but la liberté est-elle exercée?» s'est demandé le pape dans son discours aux autorités de la République tchèque et au corps diplomatique le 26 septembre 2009 , lors de la visite à Prague. «Quels sont ses véritables traits distinctifs?» De là part sa réflexion sur «l'usage correct de la liberté». Et, en donnant la réponse, Ratzinger introduit immédiatement l'idée de vérité. «La vraie liberté présuppose la recherche de la vérité – du vrai bien – et, de là, trouve précisément son accomplissement en connaissant et en faisant ce qui est opportun et juste».

«La vérité, en d'autres terme, est le principe directeur pour la liberté, et la bonté en est la perfection». C'est pourquoi, a-t-il souligné, «la haute responsabilité d’éveiller la réceptivité à la vérité et à la bonté incombe à tous les responsables – religieux, politique et culturel, chacun dans son domaine».
D'où l'exhortation: «Conjointement, nous devons nous engager dans la lutte pour la liberté et la recherche de la vérité, qui soit vont ensemble main dans la main, soit périssent ensemble misérablement».
Pour les chrétiens, a enseigné constamment le Pape Benoît, la vérité a un nom et le bien a un visage. Le nom est celui de Dieu, le visage est celui de Jésus. Tenir fermement les racines chrétiennes, pour l'individu comme pour la communauté sociale, signifie, par conséquent, utiliser la liberté pour s'ancrer à la vérité et à la bonté.

Saint Paul, dans la Lettre Galates, dit: «Vous avez été appelés à la liberté». Mais que signifie être appelé à la liberté? L'une des leçons les plus complètes données par le pape sur le sujet se trouve dans un discours prononcé au Grand Séminaire romain le 20 Février 2009. Expliquant que la liberté a toujours été l'une des principales aspirations de l'humanité et citant le cas de Luther, qui pour mettre en pratique le message de Paul est allé jusqu'à voir dans la règle monastique, la hiérarchie et le magistère un joug de servitude, le pape affirma que c'est justement chez Paul qu'on trouve la réponse, quand il met en garde contre l'identification de la liberté avec le Moi absolu, avec sa propre volonté, mais en la faisant coïncider avec le service aux autres. Il ne s'agit pas de vivre selon la chair, mais de vivre, à travers la charité, pour le prochain. Au fond, dit Benoît, quel était le but des Lumières et du marxisme? Il s'agit toujours de la liberté humaine comme revendication du Moi contre toutes les formes de dépendance extérieure. Mais ce dans quoi tombent les idéologies, dit Ratzinger, est une erreur. Le Moi absolu, qui a comme point de référence et comme seul horizon soi-même, semble posséder la liberté, mais il réalise seulement la dégradation de l'homme. Voilà ce qui arrive quand on confond la liberté avec l'autonomie et le libertinisme.
Le pape reconnaît que celui proposé par Paul est un paradoxe difficile à digérer pour la mentalité contemporaine, habituée à voir dans la liberté tout simplement un manque de contraintes et de devoirs. Paul va jusqu'à dire que la liberté se manifeste dans le service: plus nous sommes libres, plus nous sommes serviteurs les uns des autres. Se réduire à la seule chair, c'est-à-dire à l'idée d'une autonomie absolue, cela signifie embrasser un mensonge. Parce qu'en réalité «l'homme n'est pas un absolu, presque comme si le Moi pouvait s'isoler et se comporter uniquement selon sa propre volonté». Penser cela «est contraire à la vérité de notre être». «Notre vérité est que, avant tout, nous sommes des créatures, des créatures de Dieu, et nous vivons dans une relation avec le Créateur. Nous sommes des êtres relationnels. Et ce n'est qu'en acceptant notre relationnalité que nous entrons dans la vérité, sinon nous tombons dans le mensonge et en lui, à la fin, nous nous détruisons».
La relation avec le Créateur serait une dépendance néfaste si Dieu était un tyran, mais le Dieu chrétien est bon, c'est un Dieu qui nous aime. Être dans son espace est certainement une dépendance, mais puisque c'est un espace d'amour, c'est une dépendance positive, pour notre propre bien. Elle correspond à notre liberté. «Donc, ceci est le premier point: être une créature signifie être aimé par le Créateur, être dans cette relation d'amour qu'Il nous donne».

Nous sommes ici au cœur de l'enseignement de Benoît XVI, mais c'est un cœur difficile à accepter pour la mentalité moderne et aussi pour le chrétien lui-même, aujourd'hui sans cesse soumis à des sollicitations qui le poussent à identifier de plus en plus la liberté avec l'autodétermination.
Notre condition d'êtres en relation, a expliqué le pape dans son discours aux séminaristes, implique non seulement ce lien direct et fondamental avec le Dieu Créateur. En tant qu'enfants de Dieu, nous formons une famille, et donc, comme une famille, nous sommes également en relation l'un avec l'autre. «En d'autres termes, la liberté humaine signifie, d'une part, être dans la joie et dans le vaste espace de l'amour de Dieu, mais elle implique également être un avec l'autre et pour l'autre. Il n'existe pas de liberté contre l'autre. Si je me rends absolu, je deviens l'ennemi de l'autre, nous ne pouvons plus coexister et toute la vie se fait cruauté, devient un échec. Seule une liberté partagée est une liberté humaine; c'est en étant ensemble que nous pouvons entrer dans la symphonie de la liberté».

Ce sont des expressions qui montrent, même d'un point de vue stylistique, la tension présente dans le pape et son désir de faire comprendre de la façon la plus limpide ce qu'est la liberté pour le chrétien. Une liberté qui n'a de sens que si elle est vécue en commun, non pas comme un fait individualiste. Précisément parce qu'elle est un bien commun, la liberté ainsi entendue a besoin, pour être vraiment telle, d'un terrain valide pour tous, d'un «ordre juste», comme l'appelle Benoît.

Comme prémisses de cet ordre, il y a une vérité dans laquelle toute la communauté peut se reconnaître. Cette vérité est précisément Dieu, mais si Dieu n'est pas reconnu, si Dieu est refusé, il n'y a pas de vérité commune et il n'y a pas d'ordre. C'est ainsi que l'ordre, avec la loi qui en dérive, devient un instrument de liberté contre l'esclavage de l'égoïsme.
Le pape cite les célèbres paroles de saint Augustin: «Dilige et fac quod vis» - aime et fais ce que tu veux. Ce n'est pas, dit-il, une invitation à l'absolutisation du Moi. Tout dépend du sens que nous donnons au verbe aimer. Si nous sommes en communion avec le Christ, si nous somme 'compénétrés' de Lui, avec sa mort sur la croix et sa résurrection, alors nous pouvons dire que la loi divine entre dans notre volonté et notre volonté s'identifie à celle de Dieu. «Et ainsi, nous sommes vraiment libres, nous pouvons vraiment faire ce que nous voulons, parce que nous voulons avec le Christ, nous voulons dans la vérité et avec la vérité».

Ce que nous venons de rappeler, ce sont les points cardinaux (punti fermi) du magistère de Benoît XVI, à souligner pour comprendre quelles ont été les présupposés de son enseignement, ses principales préoccupations, les questions affrontées d'un côté dans le débat avec la culture contemporaine, de l'autre dans la confrontation au sein de l'Eglise.
C'est de cette façon que le pape Ratzinger s'est proposé à l'attention des personnes - pas seulement les croyants, pas seulement catholiques, pas seulement chrétienne - de notre temps.
Voilà comment il a formulé ses pensées. A ne pas oublier.

à suivre ...