Le prêtre doit croire, avant tout


Une homélie inédite de Joseph Ratzinger, prononcée en 1979 à Münich (1/7/2016)


Voici un extrait du livre "Enseigner et apprendre l'amour de Dieu", qui vient d'être publié en 5 langues, et qui rassemble 43 homélies données par Joseph Ratzinger sur le sujet de la prêtrise. Il s'agit d'un passage d'une homélie de 1979 prononcée à Münich
(www.lanuovabq.it , ma traduction)

Le Pape doit croire avant tout


Joseph Ratzinger
(ma traduction)

Une messe près du ciel (*)

Dans la lettre écrite aux prêtres du monde entier à l'occasion du Jeudi Saint, le Saint-Père (Jean Paul II, ndt) parle d'un usage répandu dans de nombreux endroits au-delà du rideau de fer, là où la persécution a pratiquement éliminé la présence de prêtres. Par des amis, j'ai eu connaissance il y a déjà plusieurs années de faits similaires. Là, il arrive parfois que des personnes se réunissent dans une église abandonnée, ou, s'il n'en reste aucune, dans un cimetière, dans le lieu où est enterré un prêtre.

Ils mettent sur l'autel, ou sur la tombe, l'étole et récitent ensemble les prières de la liturgie eucharistique. Au moment qui correspond à la transsubstantiation, un profond silence descend, interrompu parfois par des pleurs.

Le pape, s'adressant à nous, prêtres, ajoute: «Chers frères, si parfois quelqu'un parmi vous a des doute au sujet de son propre ministère, s'il a des incertitude sur la signification de celui-ci, s'il pense qu'il est socialement infructueux, voire inutile, qu'il réfléchisse à cela, qu'il réfléchisse à l'ardeur avec laquelle ces hommes veulent entendre les paroles que seules les lèvres d'un prêtre peuvent efficacement prononcer.

A l'intensité avec laquelle ils veulent recevoir le corps du Seigneur; à l'anxiété avec laquelle ils attendent que quelqu'un puisse leur dire: "Je t'absous de tes péchés!". Dans cette "Eucharistie de désir" - dans laquelles les hommes, dans leur solitude, se tendent dans la prière vers le Seigneur à la rencontre duquel, dans leur désir ils vont, étant ainsi en communion avec la Sainte Eglise et, par conséquent avec lui-même - dans cette "Eucharistie de désir" advient le témoignage de l'Eglise vivante, le témoignage de la proximité cachée du Seigneur et le témoignage de ce que signifie le sacerdoce.

Devant cette humilité de la foi , comme elle semble étriquée la solution de certains théologiens selon lesquels, en cas de nécessité, tout le monde pourrait prononcer les paroles de la consécration. Dans une telle "Eucharistie de désir" il y a certainement beaucoup plus de présence du Seigneur que dans un arbitraire qui prétend faire même du Christ et de l'Eglise un produit pour nous. Aucun homme ne peut avoir l'audace d'utiliser à sa convenance le "je" du Christ comme si c'était son propre "je" sans blasphémer. Personne, par lui-même, ne peut dire: «Ceci est mon corps»; «Ceci est mon sang»; «Je t'absous de tes péchés».

Et pourtant, nous avons besoin de ces mots, comme du pain quotidien. Et là où ils ne sont plus prononcés, le pain quotidien devient insipide et les conquêtes sociales vides. Ceci est le don le plus profond et en même temps le plus enthousiasmant du ministère sacerdotal, celui que seul le Seigneur Lui- même peut donner: le don de répéter ses paroles, non seulement comme des paroles du passé, mais pour parler en son "je" ici et maintenant, d'agir in persona Christi; de représenter la personne du Christ, comme il est dit dans la liturgie. En fin de compte, de là il est possible de déduire toute l'essence de l'agir sacerdotal et la tâche de la vie sacerdotale.

Et il ne fait aucun doute que ces mots restent efficaces même quand un prêtre les contredit avec sa vie, justement parce qu'ils dépendent du "je" de Jésus-Christ et non pas de celui de l' homme. Ce n'est pas l'homme qui pardonne les péchés, mais Lui. Ce n'est pas le corps de tel ou tel qui s'est rendu présent mais le Sien. Mais en même temps, il est clair que nous ne pouvons pas prononcer ces mots sans qu'ils réclament notre propre vie, sans qu'ils exigent notre profonde correspondance à ce que nous disons.

Parce que si intérieurement nous vivons d'une manière contraire à ce que nous représentons, nous devons être condamnés. Celui qui peut prononcer avec sa bouche le "je" de Jésus-Christ, pour cela avant tout, doit y croire. Le prêtre doit être en premier lieu un croyant. C'est le cœur de tout son agir, et si cela manque, plus rien n'est vrai. Bien sûr, il peut continuer une certaine activité de routine, mais il lui manque l'essentiel, l'Eglise se transforme en une association pour le temps libre, et elle devient superflue.

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(*) Pour l'histoire de cette photo, cf. benoit-et-moi.fr/2014-II)