L'offrande de la souffrance et de la prière


A l'intention de ceux qui doutent de Benoît XVI et critiquent sa décision de renoncer au pontificat: relisez ce qu'écrivait Vittorio Messori le 12 février 2013 (11/6/2016)


Il est certainement l'un des hommes qui connaît le mieux Benoît XVI. Sa parole, sur ce sujet au moins, est rare, et donc précieuse.
La dernière fois que Vittorio Messori s'était exprimé, en tout cas à ma connaissance, c'était en septembre 2015, il venait de rendre visite au Pape devenu émérite dans son "ermitage", et dans le récit pudique qu'il avait confié à la Bussola, respectant "la juste discrétion qui s'impose", il avait eu ces mots énigmatiques et qui avec le recul prennent un sens particulier:

Il m'a écouté avec attention quand, à sa demande, j'ai essayé de lui faire une synthèse de la situation ecclésiale, au moins comme je la ressens. A la fin, il a dit seulement «Je ne peux que prier».


Et il concluait avec ces mots:

Si j'ai eu l'idée d'en parler, c'est pour réconforter les lecteurs: juste à côté de la tombe de Pierre, il y a un vieillard admirable qui pendant huit ans a conduit l'Église et qui aujourd'hui n'a pas d'autre préoccupation que de prier pour elle. Avec engagement, mais sans aucune anxiété. Autrement dit sans jamais oublier que les papes passent, mais que l'Église reste, et que jusqu'à la fin de l'histoire résonnera l'exhortation de sa vraie Tête et son vrai Corps à nous, pusillanimes: «Ne crains pas, petit troupeau, ce bateau ne coulera pas, et, malgré les tempêtes, flottera jusqu'à ce que je sois de retour».



Au hasard d'une recherche dans les archives de mon site, j'ai retrouvé ce qu'il avait écrit le 12 février 2013, soit exactement le lendemain du jour fatidique où Benoît XVI annonçait au monde son intention de renoncer à la papauté.
Rien ne "date", dans son analyse (à la réserve près, naturellemnt qu'on ne savait pas à l'époque qui allait lui succéder... et vers quelle crise on se dirigeait), et je ne trouve pas de meilleure réponse à donner à ceux qui en ce moment doutent de Benoît XVI et critiquent sa décision:

(...) Pour quelle raison, après un court séjour à Castel Gandolfo l'ex-Benoît XVI prendra-t-il sa retraite dans ce qui a été un monastère de clôture, dans les murs du Vatican? C'est, du moins, le programme annoncé par le porte-parole, le père Lombardi. Nous ne savons pas si cette installation sera définitive, mais, en tout cas, cela non plus n'est pas un choix aléatoire. Les derniers mots de l'annonce faite hier disent: «Quant à moi, puissé-je servir de tout cœur, aussi dans l’avenir, la Sainte Eglise de Dieu par une vie consacrée à la prière». Dans les années de son pontificat, il a souvent répété: «Le cœur de l'Église n'est pas là où l'on conçoit, administre, gouverne, mais il est là où l'on prie».

Ainsi, son service à la Catholica non seulement se poursuit, mais dans la perspective de la foi, il devient encore plus important: s'il n'a pas choisi un ermitage lointain - peut-être dans sa Bavière natale ou dans ce Mont-Cassin auquel pensait Papa Wojtyla comme ultime refuge - c'est peut-être pour témoigner, même avec la proximité physique de la tombe de Pierre, combien il veut rester proche de l'Eglise à laquelle il veut se donner jusqu'au bout. Ce n'est pas non plus un hasard , bien sûr, d'avoir privilégié des murs imprégnés de prière comme ceux d'un monastère de clôture.
Toutefois, si l'installation au Vatican s'avérait stable, la discrétion proverbiale de Joseph Ratzinger assure qu'il n'y aura aucune interférence avec le gouvernement de son successeur. Nous sommes tout à fait certains qu'il rejetera le rôle d'un «conseiller», chargé d'années mais aussi d'expérience et de sagesse, même s'il devait y avoir des demandes explicites du nouveau pape régnant. Dans sa vision de la foi, le seule vrai «conseiller» du pape, c'est cet Esprit Saint qui, sous les voûtes de la chapelle Sixtine, il a pointé son doigt sur lui.

Et c'est justement dans cette perspective religieuse qu'il y a peut-être une réponse à une autre question: n'aurait-il pas été plus "chrétien" de suivre l'exemple du bienheureux Jean-Paul II, c'est-à-dire la résistance héroïque jusqu'à la fin, plutôt que celui du saint Célestin V?
Grâce à Dieu, il y a beaucoup d'histoires personnelles, beaucoup de tempéraments, de destins, de charismes, de façons d'interpréter et de vivre l'Évangile. Grande, quoi qu'en pensent ceux qui ne la connaissent pas de l'intérieur, grande est la liberté catholique. Plusieurs fois, le Cardinal m'a répété, dans les conversations que nous avons eues au fil des ans, que ceux qui s'inquiètent trop de la situation difficile de l'Eglise (et quand ne l'a-t-elle pas été?) montrent qu'ils n'ont pas compris qu'elle est au Christ, que c'est le corps même du Christ. A Lui, il revient de la diriger et, si nécessaire, de la sauver. «Nous - me disait-il - nous sommes seulement, parole d'Evangile, des serviteurs, parfois inutiles. Il ne faut pas trop nous prendre au sérieux, nous ne sommes que des instruments et, en outre, souvent inefficaces. Ne nous tourmentons pas, par conséquent, pour l'avenir de l'Église: faisons notre devoir jusqu'au bout, le reste c'est à Lui d'y penser».

Il y a aussi, peut-être plus important encore, cette humilité, dans la décision de passer la main: l'instrument est épuisé, le Seigneur de la moisson (comme il aime à l'appeler, selon le mot de l'Evangile) a besoin de nouveaux travailleurs, qui sont là, tant qu'ils sont conscients bien être de simples subordonnés. Quant aux vieux, une fois épuisés, ils donnent leur travail le plus précieux: l'offrande de la souffrance et l'engagement plus efficace. Celui de la prière inépuisable, en attendant l'appel à la maison définitive.

(L'intégralité du récit est à lire ici: benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/demission-la-reflexion-de-vittorio-messori)