Une rencontre inespérée avec Benoît XVI


Un prêtre canadien, le Père Raymond de Souza raconte comment en janvier 2015 il a rencontré Benoît XVI dans les jardins du Vatican, pour lui demander de bénir un portrait de lui avec JP II réalisé par un artiste canadien (30/6/2016)


Cet article a été reproduit par Teresa, qui a même trouvé le beau dessin au fusain que Benoît a béni.
Le récit, issu du National Catholic Register, est l'hommage du Père de Souza pour le 65e anniversaire de l'ordination de Benoît XVI.

Le Pape émérite Benoît: 65 ans comme prêtre
Réflexions sur une rencontre inespérée avec le Pape émérite.



Raymond J. De Souza
28 juin 2016
CNA / Mary Shovlain
www.ncregister.com
(Ma traduction)

* * *

Le 29 Juin, la fête des saints Pierre et Paul, le Pape émérite Benoît XVI célèbre le 65e anniversaire de son ordination sacerdotale. Ce sera un jour de paires: les princes jumeaux des apôtres - Pierre et Paul; les 65 ans de sacerdoce de deux prêtres, puisque Benoît XVI sera rejoint par son frère aîné, Mgr Georg Ratzinger, également ordonné le même jour (ndt: en fait, non); et la célébration au Vatican la veille de la fête, le 28 Juin, incluant pour ainsi dire deux «papes», le pape et le pape émérite, puique François rendra hommage à son prédécesseur.

Qu'y a-t-il à dire sur une telle occasion? Trop, vraiment, pour une brève réflexion, Joseph Ratzinger étant le plus grand théologien catholique de sa génération et peut-être le seul homme qui pouvait succéder immédiatement au grand Jean-Paul II. Alors, à la place, je pourrais peut-être partager un souvenir qui implique une autre paire - les protagonistes de cet extraordinaire pontificat de 35 ans en deux actes, Jean-Paul et Benoît.

En 2015, pour notre dîner annuel de saint John Fisher à Kingston (Canada) , je voulais marquer le 10e anniversaire de la mort de Jean-Paul II et de l'élection de Benoît. J'ai commandé un portrait original par un artiste portraitiste canadien renommé, Cyril Leeper, qui peint souvent des cardinaux et des évêques, ainsi que des recteurs d'université et, récemment, le juge en chef de la Cour suprême du Canada. Je lui ai demandé de décrire le moment pendant la messe inaugurale de Jean-Paul II le 22 octobre 1978, où le cardinal Joseph Ratzinger a présenté son hommage au nouveau pape. Pour notre portrait, Leeper a utilisé le dessin au crayon, plutôt que la peinture à l'huile.

La scène que dépeint Leeper marqua un moment historique dans la vie de l'Eglise - la date qui allait devenir le jour de la fête de saint Jean-Paul II et où il nous a exhortés: «N'ayez pas peur!». À son tour, Benoît XVI interpréta ces paroles dans sa propre homélie inaugurale du 24 Avril 2005, les adressant aux jeunes. Dans notre mission sur le campus, nous ne cessons de citer l'assurance de Benoît que «rien, rien, absolument rien» n'est perdu lorsque nous permettons au Christ d'entrer dans nos vies.

J'avais été invité à faire un exposé lors d'une conférence du clergé à Rome en Janvier 2015 et j'eus l'idée de montrer le portrait au pape émérite, lui demandant de le bénir. J'écrivis à l'avance, mais je fus informé qu'il ne serait pas possible de rencontrer Benoît XVI. Alors, qui allait le bénir?

Le Cardinal Raymond Burke avait assisté à l'exposé que j'avais donné au cours de la conférence, et je lui demandai s'il serait disposé à le faire, ce qu'il accepta gentiment de faire après la messe conclusive de la conférence, dans la basilique Saint-Pierre. Il le fit avec une grande amabilité, dans une jolie petite "chapelle des chanoines" juste à côté de la sacristie principale de Saint-Pierre.

Ni le cardinal Burke, ni moi ne l'avions vu auparavant, de sorte que cela ajouta une grâce spéciale à la bénédiction du portrait. L'ambassadeur du Canada au Saint-Siège, Dennis Savoie, et sa femme étaient venus pour la messe, ils purent se joindre à nous pour la bénédiction, ce qui convenait, puisqu'il avait reçu une copie du portrait, qui se trouve maintenant dans sa résidence. Je fus très heureux de la façon dont tout s'était passé.

Puis - l'extraordinaire: un appel de dernière minute vint de la Maison pontificale, m'invitant à rencontrer le pape émérite Benoît l'après-midi même.

J'invitai le Père Anthony Denton, mon ami australien depuis nos jours communs de séminaristes à Rome, à se joindre à moi, puisque son italien était meilleur que le mien, et qu'il était également présent à la conférence du clergé.

Nous fûmes conduits jusqu'à la Grotte de Lourdes dans les jardins du Vatican à 16 heures, et après une courte attente, Benoît arriva, à la fin de sa promenade quotidienne de l'après-midi. Il était très fragile, s'aidait d'un déambulateur et était enveloppé dans une chaude veste blanche, un écharpe blanche autour du cou et une casquette blanche à large visière et des rabats vers le bas sur les oreilles. Nous avons parlé en italien, et il a parlé très calmement. J'étais plutôt nerveux, vous pouvez l'imaginer, à cause de mon italien dans un tel contexte, mais je réussis à m'exprimer de manière adéquate, sinon bien! L'italien d'Anthony est bien meilleur que le mien, et une ou deux fois, il put clarifier une question que je n'avais pas comprise correctement.

Benoît était accompagné par l'archevêque Georg Gänswein, son secrétaire, et son frère aîné, Mgr Georg, qui était dans un fauteuil roulant motorisé. Nous avons salué le pape émérite et nous sommes présentés, et le Saint-Père a interrogé le Père Denton sur ses études universitaires.

En temps voulu, je lui dis que j'étais aumônier universitaire au Canada et lui montrai le portrait de saint Jean-Paul II et lui. Il reconnut immédiatement leur accolade du 22 octobre 1978, lors de la messe au cours de laquelle le saint pape commença son pontificat avec la célèbre homélie du «N'ayez pas peur - Ouvrez les portes au Christ».

Il prononça "molto bello" , puis je lui expliquai les différents symboles. Quand je lui dis que la fenêtre du palais apostolique était une référence à la «fenêtre de la maison du Père» de son homélie funèbre pour saint Jean-Paul II, il me regarda avec un petit sourire, se rappelant ce qui doit avoir été l'un des les moments les plus profonds de sa propre vie. Il s'enquit de l'artiste. Je lui dis que l'image allait être accrochée dans notre chapelle, et il bénit l'image avec un Signe de Croix discret, typique des gestes réservés qui ont marqué son style liturgique.

Je le remerciai alors pour tout son service à l'Eglise et lui promis nos prières pour son service qui continuait, à quoi il répondit assez fermement «Si, in un'altra forma» (Oui, sous une autre forme), afin qu'il n'y ait aucune confusion sur la façon dont il servait l'Eglise.

«Merci pour tout ce que vous nous avez donné - dans vos enseignements, dans la liturgie ...» dit le père Denton. Benoît l'interrompit et répondit immédiatement, “Il Signore ha dato; il Signore ha dato. … Tutto ha dato” (Le Seigneur a donné, le Seigneur a donné ... Il a tout donné ".).

Ce fut une rencontre très belle et émouvante, à la fois pour le Père Anthony et pour moi. Nous avons passé environ 10 minutes avec Benoît. Nous avons ensuite salué Mgr Georg, mais il n'a pas répondu - peut-être qu'il ne pouvait pas nous entendre, étant lui aussi bien emmitouflé. Les frères Ratzinger ressentaient le froid de Janvier.

Après quoi Benoît s'en alla - dans une très élégante voiture de golfe blanche, avec des sièges en cuir beige, recouverte d'un toit en verre comme une papamobile miniature - le gardien nous dit que nous pouvions rester, alors nous avons récité le chapelet à la Grotte à la fois pour le pape Benoît et pour le pape François, les recommandant tous deux à l'intercession de la Sainte Vierge et de saint Jean-Paul.

Ce fut une belle rencontre avec une belle et grande âme - une âme sacerdotale vivant le soir d'une vie dans laquelle de grandes choses ont été accomplies pour Dieu et son Église.

Père Raymond J. De Souza est rédacteur en chef de "Convivium magazine".