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Ce désastreux pontificat

Phil Lawler revient sur une homélie de Sainte Marthe où le Pape retourne littéralement l'enseignement de Jésus sur le mariage (3/3/2017)

>>> Antonio Socci avait déjà évoqué l'incroyable exégèse papale du 24 février, où François a relu à sa façon l'évangile du jour (Mc 10,1-12): cf. Double jeu .
>>> Articles précédents de Phil Lawler, canoniste, directeur du site <Catholic Culture>:
¤ Chasse aux sorcières(14/2)
¤ Le Pape, source de division (30/1)

Il n'y a pas un mot à retrancher à cet argumentaire qui peut sembler impitoyable (tout en restant correct dans le ton) mais qui n'est que lucide...

Ce désastreux pontificat

Phil Lawler
1er mars 2017
www.catholicculture.org

* * *

Quelque chose s'est cassé vendredi dernier, quand le pape François a utilisé la lecture de l'Évangile du jour comme une occasion de plus pour promouvoir son propre point de vue sur le divorce et le remariage. Condamnant l'hypocrisie et la «logique de la casuistique», le Pontife a dit que Jésus rejette l'approche des docteurs de la loi.
C'est assez vrai. Mais dans son reproche aux Pharisiens, qu'a dit Jésus au sujet du mariage?

«Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas!»

... et...

«Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère contre elle; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère».

Jour après jour, dans ses homélies à la messe du matin dans la résidence Sainte-Marthe au Vatican, François dénonce les «docteurs de la loi» et l'application «rigide» de la doctrine morale catholique. Parfois, son interprétation des lectures bibliques du jour est forcée; souvent sa description des catholiques de sensibilité traditionelle est insultante. Mais cette fois, le Pape a retourné la lecture de l'Evangile totalement à l'envers. En lisant le compte-rendu par Radio Vatican de cette stupéfiante homélie, je ne pouvais plus prétendre que François est simplement en train d'offrir une nouvelle interprétation de la doctrine catholique. Non; c'est plus que cela. Il est engagé dans un effort délibéré pour changer ce que l'Église enseigne.

Depuis plus de 20 ans maintenant que j'écris quotidiennement sur l'actualité du Vatican, j'ai essayé d'être honnête dans mon évaluation des déclarations et des gestes du pape. J'ai parfois critiqué saint Jean Paul II et le pape Benoît XVI, quand je pensais que leurs actions étaient imprudentes. Mais jamais il ne m'a traversé l'esprit que l'un de ces papes posait le moindre danger pour l'intégrité de la foi catholique. En regardant en arrière beaucoup plus loin dans l'histoire de l'Église, je réalise qu'il y a eu de mauvais papes: des hommes dont les actions personnelles étaient motivées par la cupidité et la jalousie ou la soif de pouvoir ou tout bonnement la luxure. Mais y a-t-il jamais eu un pontife romain qui ait montré un tel mépris pour ce que l'Église a toujours enseigné et cru et pratiqué sur ces questions fondamentales que sont la nature du mariage et l'Eucharistie?

François a suscité la controverse du jour où il a été élu comme successeur de saint Pierre. Mais au cours des derniers mois, la controverse est devenue si intense, la confusion parmi les fidèles si répandue, l'administration au Vatican si arbitraire - et les diatribes du pape contre ses ennemis (réels ou imaginaires) si frénétiques - qu'aujourd'hui l'Eglise universelle se précipite vers une crise.

Dans une grande famille, comment un fils se comporte-t-il quand il se rend compte que le comportement pathologique de son père menace le bien-être de l'ensemble du foyer? Il doit certainement continuer à faire preuve de respect pour son père, mais il ne peut pas indéfiniment nier le danger. Un jour ou l'autre, une famille dysfonctionnelle a besoin d'une intervention.

Dans la famille de dimension planétaire qu'est l'Eglise catholique, le meilleur moyen d'intervention est toujours la prière. La prière intense pour le Saint-Père serait un projet particulièrement opportun pour la saison du Carême. Mais l'intervention exige également l'honnêteté: une reconnaissance franche que nous avons un sérieux problème.

Reconnaître le problème peut également fournir une sorte de soulagement, un relâchement de l'accumulation de tensions. Quand je dis à des amis que je considère cette papauté comme un désastre, je remarque que le plus souvent, ils se sentent étrangement rassurés. Ils peuvent se détendre un peu, sachant que leurs propres appréhensions ne sont pas irrationnelles, que d'autres partagent leurs craintes quant à l'avenir de la foi, qu'ils n'ont pas besoin de poursuivre une recherche infructueuse des moyens de concilier l'inconciliable. En outre, après avoir donné un nom au problème, ils peuvent identifier ce que cette crise du catholicisme N'EST PAS. François N'EST PAS un antipape, encore moins l'Antéchrist. Le Siège de Pierre N'EST PAS vacant, et Benoît N'EST PAS le «vrai» Pontife.

François est notre pape, pour le meilleur ou pour le pire. Et si c'est pour le pire - comme malheureusement je conclus ici - l'Église a dans le passé survécu à de mauvais papes. Nous, catholiques, avons été gâtés pendant des décennies, jouissant d'une succession de dirigeants du Vatican remarquables: des Pontifes qui étaient des enseignants doués et des hommes saints. Nous avons pris l'habitude de regarder vers Rome pour avoir une orientation. Aujourd'hui, nous ne le pouvons plus.

(Je ne veux pas dire que François a perdu le charisme de l'infaillibilité. S'il émet une déclaration ex cathedra, en union avec les évêques du monde entier, nous pouvons être sûrs qu'il remplit son devoir de transmettre ce que le Seigneur a donné à saint Pierre: le dépôt de la foi. Mais ce pape a choisi ne pas parler avec autorité, au contraire, il a catégoriquement refusé de clarifier son document d'enseignement le plus provocateur).

Mais si nous ne pouvons pas compter sur des directives claires de Rome, où peut-on se tourner? Tout d'abord, les catholiques peuvent compter sur l'enseignement constant de l'Eglise, les doctrines qui sont maintenant trop souvent remises en question. Si le pape est source de confusion, le Catéchisme de l'Église catholique ne l'est pas. Deuxièmement, nous pouvons et devons demander à nos propres évêques diocésains d'intensifier et d'assumer leurs propres responsabilités. Les évêques, eux aussi, se sont pendant des années référés à Rome pour les questions difficiles. Maintenant, par nécessité, ils doivent fournir leurs propres affirmations claires et décisives de la doctrine catholique.

Il se peut que François me prouve que j'ai tort, et qu'il va émerger comme un grand Maître catholique. J'espère et je prie pour qu'il le fasse. Il se peut que tout mon argument soit mal avisé. Je me suis trompé avant, et je ne doute pas que je me tromperai encore; une erreur de plus est sans grande conséquence. Mais si j'ai raison, et si la direction du Pape actuel est devenue un danger pour la foi, alors d'autres catholiques, et en particulier des leaders de l'Eglise ordonnés, doivent décider comment réagir. Et si j'ai raison - comme c'est sûrement le cas - [en affirmant] que la confusion au sujet des enseignements fondamentaux de l'Eglise est devenue trop répandue, les évêques, en tant que premiers Maîtres de la foi, ne peuvent pas négliger leur devoir d'intervenir.