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La Laudatio de François

Roberto de Mattei

Un groupe de prêtres et d'intellectuels signe un appel en faveur d'Amoris Laetitia. Les précisions de Roberto de Mattei (18/10/2017, mise à jour le 20 octobre)

Cet article, que m'a envoyé le Professeur de Mattei sera publié demain sur <Corrispondenza Romana>.
Ma traduction.

La Correctio filialis et la Laudatio du Pape François

Dans la nuit dans laquelle les âmes sont immergées, la Correctio filialis du 24 octobre 2017 a été comme un rayon de lumière qui a déchiré l'obscurité. La dénonciation des hérésies soutenues et propagées par le Pape François a résonné d'un bout à l'autre de la terre, rebondissant sur les médias et constituant le thème dominant des conversations privées de nombreux catholiques.
(...)
Ceux qui pratiquent la double vérité ne manquent pas: critique en privé et hommage rendu en public à ceux qui conduisent l'Église vers le désastre.

Trois semaines après la Correctio filialis (www.correctiofilialis.org ), la première réponse organisée est apparue: une Laudatio publiée sur le web, signée par un groupe de prêtres et d'intellectuels pour la plupart de l'aire austro-allemande (www.pro-pope-francis.com ) [1].
Qui sont les signataires de la Laudatio?

L'un d'entre eux, l'allemand Mgr Fritz Lobinger, évêque émérite d'Aliwal (Afrique du Sud), est le "père" de l'expression "prêtres de communauté" qu'il a exposée dans le livre Teams of Elders. Moving beyond Viri probati (2007) dans lequel il souhaite l'introduction dans l'Église de deux types de prêtres: les prêtres diocésains les prêtres de communauté, les premiers célibataires, à temps plein, les seconds mariés, avec une famille, à la disposition de la communauté dans laquelle ils vivent et travaillent.

Un autre signataire, le Père Paul Zulehner, disciple de Karl Rahner, est également connu pour sa fantaisiste "Futurologie pastorale" (Pastorale Futurologie, 1990). En 2011, il appuya l'"appel à la désobéissance" lancé par 329 prêtres autrichiens en faveur du mariage des prêtres, de l'ordination sacerdotale des femmes, du droit pour les protestants et les personnes mariées divorcées de recevoir la communion et du droit des laïcs de prêcher et diriger les paroisses.

Martin Lintner est un religieux servite de Bolzano, professeur à Bressanone et président de l'Insect (International Network of Societies for Catholic Theology). Il est connu pour son livre "La redécouverte d'eros. Église, sexualité et relations humaines" (2015), dans lequel il ouvre à l'homosexualité et aux relations extraconjugales, et pour son accueil enthousiaste d'Amoris laetitia, qui marque à son avis «un point de non-retour» dans l'Église. En effet, «nous ne pouvons plus affirmer qu'il y a aujourd'hui une exclusion catégorique des sacrements de l'Eucharistie et de la réconciliation pour ceux qui, dans la nouvelle union, ne s'abstiennent pas de rapports sexuels. Il n'y a aucun doute là-dessus, à partir du texte même d'AL» (www.settimananews.it , 5 décembre 2016).

Il est clair à ce stade que la division profonde qui traverse l'Église n'est pas entre les détracteurs et les fan du Pape François. La ligne de fracture sépare ceux qui sont fidèles au Magistère immuable des Papes et ceux qui s'en remettent au Pape Bergoglio pour poursuivre le "rêve" d'une nouvelle église, différente de celle fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il n'est pas nécessaire d'être historiens pour comprendre que nous vivons une page absolument inédite dans la vie de l'Église. Nous ne nous trouvons pas à la fin du monde, mais à notre époque, nous pouvons appliquer les paroles de Notre Seigneur qui, parlant de son retour à la fin des temps, a dit avec tristesse: «Quand je reviendrai, trouverai-je encore la foi sur la terre?»(Lc 18,8).

La perte de la foi, y compris de la part des hommes d'Église, est désormais une évidence.
Le 27 janvier 2012, s'adressant à l'Assemblée plénière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Benoît XVI affirma: «Nous nous trouvons face à une profonde crise de la foi, à une perte du sens religieux qui constitue le plus grand défi pour l’Eglise d’aujourd’hui. De nos jours, le renouveau de la foi doit donc être la priorité de l’engagement de l’Eglise tout entière».
Cette perte de foi a aujourd'hui les caractéristiques d'une apostasie générale.
Le cardinal Robert Sarah, intervenant lors d'une rencontre des Conférences épiscopales européennes qui s'est tenue à Trieste le 4 novembre 2013, a déclaré que «même parmi les baptisés et les disciples du Christ, il y a aujourd'hui une sorte d' "apostasie silencieuse", un rejet de Dieu et de la foi chrétienne dans la politique, dans l'économie, dans la dimension éthique et morale et dans la culture post-moderne occidentale».
Le cardinal Raymond Leo Burke, pour sa part, dans une homélie tenue le 13 octobre 2017 à l'abbaye de Buckfast, a rappelé comment le message de Fatima «traite des forces diaboliques qui se sont déchaînées de nos jours sur le monde, entrant dans la vie même de l'Église, conduisant les âmes loin des vérités de la foi et, par conséquent, de l'amour divin qui jaillit du glorieux Cœur transpercé de Jésus».

Les âmes se perdent parce que le langage est fumeux et trompeur et les erreurs et les hérésies sont disséminées chaque jour dans le peuple fidèle. Le pontificat du Pape François représente l'aboutissement et le point culminant d'un processus d'auto-démolition de l'Eglise qui a ses origines dans des temps reculés mais qui a aujourd'hui atteint une vitesse vertigineuse.
Dans la nuit dans laquelle les âmes sont immergées, la Correctio filialis du 24 octobre 2017 a été comme un rayon de lumière qui a déchiré l'obscurité. La dénonciation des hérésies soutenues et propagées par le Pape François a résonné d'un bout à l'autre de la terre, rebondissant sur les médias et constituant le thème dominant des conversations privées de nombreux catholiques. Dans ces conversations, peu nient la véracité des faits dénoncés par la Correctio. Les divergences portent plutôt sur "ce qu'il faut faire" face à une situation sans précédent dans l'histoire.

Ceux qui pratiquent la double vérité ne manquent pas: critique en privé et hommage rendu en public à ceux qui conduisent l'Église vers le désastre. Cette attitude a été définie par Calvin comme "nicodémite" pour désigner les protestants qui ont dissimulé leur doctrine, rendant un hommage public à la foi et aux rites catholiques. Mais même l'Église catholique a toujours condamné la dissimulation, indiquant comme modèle de vie la confession publique de la foi, jusqu'au martyre.
Confesser la foi signifie dénoncer les erreurs qui s'opposent à elle, même si elles sont proposées par les évêques, et même par un pape, comme cela s'est produit pour Honorius Ier (625-638). Peu importe de savoir si Honorius était hérétique ou favens haeresim [2]. Le fait qu'il ait été condamné solennellement par le VIe Concile de Constantinople (681), présidé par le Pape Léon II, et que sa condamnation ait été confirmée par deux Concile œcuméniques successifs montre que la possibilité d'un Pape hérétique, admise par tous les canonistes médiévaux, est possible, indépendamment du fait qu'elle ait été vérifiée historiquement.

Mais qui a l'autorité de résister et de corriger un Pape? Ce devoir revient d'abord aux cardinaux qui sont les conseillers du Pape dans la gouvernance de l'Église; puis aux évêques qui, en union avec le Pape, constituent l'Église enseignante; et enfin aux simples fidèles, prêtres, religieux et religieux et même laïcs qui, en tant que baptisés, ont ce sensus fidei qui leur permet de discerner la vraie foi de l'hérésie. Eusèbe, avant de devenir évêque de Dorilée, était un avocat de Constantinople quand, en 429, il interrompit publiquement une homélie du prêtre Nestorius qui mettait en doute la Divine Maternité de Marie. Eusèbe aurait fait de même si ce jour-là, c'était le Patriarche ou le Pape lui-même qui avait parlé. Son esprit catholique ne tolérait pas que la Sainte Vierge fût insultée devant le peuple fidèle.

Aujourd'hui, l'Église n'a pas besoin de nicodémites, mais de confesseurs de foi, de la trempe d'Eusèbe ou de Maxime le Confesseur, un simple moine qui n'a pas hésité à défier le patriarche de Constantinople et les empereurs byzantins. A ceux qui voulaient le forcer à communier avec les hérétiques monothélites, il répondit: «Même si l'univers entier communie avec vous, moi seul ne le ferai pas». A quatre-vingts ans, après trois procès, subis à cause de sa fidélité, il fut condamné à la mutilation de la langue et de la main droite et du langage, les deux organes par lesquels, à travers les mots et les écrits, il avait combattu les erreurs et les hérésies.

Il aurait pu répéter les paroles de saint Paul: «Dans ma première défense devant le tribunal, personne ne m'a assisté; tous m'ont abandonné. Qu'on n'en tienne pas compte contre eux. Mais le Seigneur était proche de moi et m'a donné la force, afin que, par moi, l'annonce du message fût accomplie et que tous les païens l'entendent; et ainsi j'ai été libéré de la gueule du lion» (2 Timothée 4:16-17).

Le fait d'être peu nombreux, incompris et persécutés est permis par la Divine Providence pour augmenter le mérite des témoins de la foi et faire en sorte que leur comportement ne soit pas seulement juste et naturel, mais saint et héroïque. Qu'est-ce que l'exercice héroïque des vertus sinon faire son devoir dans des circonstances exceptionnelles, ne comptant pas sur sa propre force mais sur l'aide de Dieu?

Roberto de Mattei

NDT

[1] Je relève un seul nom français, celui d'une certaine «Thiel, Marie-Jo, Professeure (sic!) des Université de Strasbourg, présidente de l’Association européenne de théologie catholique»
[2] Qui favorise l'hérésie.

Mise à jour (20 octobre)

Un lecteur, Gille B., me signale que l'unique signataire française, Marie-Jo Thiel, a déjà reçu sa récompense. Selon le Républicain Lorrain, le pape François vient de la nommer comme membre titulaire de l’Académie pontificale pour la vie.
Dans l'interviewe qu'elle a accordée au quotidien lorrain, voici ce qu'elle répond à la question: "Comment accueillez-vous cette nomination du Saint-Siège?".

« Elle m’honore, je suis consciente de mes responsabilités. De consultante que j’étais, je suis désormais membre titulaire de l’académie pontificale pour la vie. Ses membres sont tous d’éminents scientifiques, dont le prix Nobel de médecine 2012, le japonais Shinya Yamanaka. (...) L’académie est une structure où l’on discute dans l’interdisciplinarité de grandes questions d’ouverture aux sciences humaines. Cela ne va pas de soi, c’est quoi respecter la vie ? Comment la respecte-t-on ? Questions complexes et importantes. Il était primordial pour le pape François de trouver, dans un cadre d’Eglise, des chercheurs de tous pays pour y réfléchir. Il veut cette ouverture en y introduisant des hommes et des femmes très compétents. Il a restructuré totalement cette académie qui dépend d’un dicastère, dédié "à la vie, la famille, les laïcs", piloté par le cardinal irlandais Farel. »
(Le Républicain Lorrain)