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Les clés de Pierre

Des confidences prêtées au pape (et relatées sur la revue très progressiste des Capucins suisses) sur le sacerdoce féminin, fermement "recadrées" par le Père Scalese (20/10/2017, mise à jour ulrérieure)

>>> Le document cité est à lire en v.o. allemande ici: edito-ite.pdf [20 KB] (ou en cliquant sur l'image ci-dessous).

On objectera qu'il ne s'agit que de rumeurs, et même que cela sent furieusement le bobard (à l'avenir, j'éviterai de dire fakenews, ne voyant pas de nécessité d'utiliser le vocabulaire de l'"ennemi" qui est en soi tout un programme!). Mais le fait même qu'elles puissent simplement être relayées par une revue "catholique" (?) a priori "sérieuse" et même faisant autorité, au moins dans un certain milieu, montre à quel degré de confusion le magistère de François conduit l'Eglise (des rumeurs de ce type auraient été impensables sous ses prédécesseurs - et en particulier sous Benoît XVI); et la promptitude avec laquelle les milieux les plus progressistes s'en emparent, trahit leur impatience grandissante, et les pressions qu'ils entendent exercer pour parvenir à réaliser leurs chimères.
Du reste, le directeur de la revue, un religieux capucin, donc, conclut son éditorial de présentation du numéro, entièrement dédié à François, par ces mots:

Je suis moi-même très impatient de savoir quelle est la clef dont dispose réellement le successeur de Pierre à Rome. J’espère qu’il pourra ouvrir quelques portes de ce qu’on appelle le blocage des réformes ("Reformstau").
Je vous souhaite une lecture stimulante et aussi quelques clefs pour votre vie, là où celle-ci est figée et privée de salut.
(Traduction d'Isabelle)

Jésus remet les clés à Saint Pierre, Le Pérugin, Chapelle Sixtine

«J'ai les clés»

Père Giovanni Scales, CRSP
19 octobre 2017
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction

* * *

Dans un article publié hier sur OnePeterFive, Maike Hickson pose la question: «L'anecdote racontée dans la revue des Capucins pourrait-elle être la clé pour dévoiler les plans du Pape sur l'ordination des femmes?»

De quoi s'agit-il? Il s'agit d'une anecdote relatée il y a trois ans (2014) dans le numéro d'avril de la revue des Capucins suise "Ite" par le directeur, Fra Adrian Müller. L'original est en allemand [le P. Scalese a traduit en italien la version anglaise de Maike Hickson].

Le pape François ne réside pas dans l'appartement pontifical, mais plutôt à l'hôtel du Vatican [la Maison Sainte Marthe]. Là, les gardes suisses ont la tâche de protéger le pape ou, parfois, quand il met le nez dehors, d'aller lui chercher un café. Le nouvel évêque de Rome n'aime pas prendre le petit-déjeuner seul. C'est pourquoi habituellement il s'assied à côté de quelqu'un et commence à lui parler. Durant l'une de ces occasions, il se serait passé ce qui suit:

On dit qu'un matin le pape François s'est assis en face d'un archevêque et qu'il a amené la conversation sur la question du sacerdoce féminin. Puis il aurait demandé à son compagnon de table ce qu'il en pensait. Celui-ci est resté silencieux, ne sachant pas comment répondre à cette question. Après un moment de silence, François aurait dit: "Oui, oui, mes deux prédécesseurs nous ont fermé la porte". Alors, en riant, il aurait dit: "Heureusement, j'ai les clés".
(edito-ite.pdf [20 KB] )

L'auteur de l'éditorial se demande: «Quelles sont les clés du Successeur de Pierre?»;
Eh bien, je dirais que la réponse est assez simple: le Pape a les "clés du royaume", que le Christ a données à Pierre et à ses successeurs: «Je te donnerai les clés du royaume des cieux: tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux» (Mt 16,19).
Je pense que le discours du Pape n'était rien de plus qu'une boutade sur ses prérogatives. Même si, personnellement, je ne la trouve pas de bon goût (j'ai été éduqué à l'adage "plaisante avec les fantassins et laisse les saints tranquilles" - “scherza coi fanti e lascia stare i santi”). Mais nous savons que le pape Bergoglio aime blaguer, et nous sommes donc prêts à lui pardonner une blague, même si elle dépasse peut-être un peu les bornes.

Ce qui en revanche suscite une certaine inquiétude, c'est le contexte dans lequel la plaisanterie a été faite: une conversation, même le verre en main, sur le sacerdoce des femmes. Pourquoi choisir un sujet aussi délicat pour faire une blague qui pourrait facilement prêter à malentendu? En d'autres occasions, le Pontife lui-même a confirmé qu'il n'y a pas de place pour une nouvelle réflexion sur cette question:

Sur l'ordination des femmes dans l'Église catholique, la dernière parole claire a été donnée par saint Jean Paul II, et celle-ci demeure. Ceci reste.
(Conférence de presse lors du vol de retour de Suède, 1er novembre 2016 ).

Alors pourquoi plaisanter à ce sujet?

Quoi qu'il en soit - sans vouloir faire les grincheux qui ne parviennent même pas à comprendre une blague, mais seulement à mettre les points sur les "i" - peut-être vaut-il la peine de préciser (certes pas au Pape, qui le sait parfaitement, mais à mes lecteurs) que le "pouvoir des clés" donné par Jésus à Pierre (et seulement à lui, contrairement au "pouvoir de lier et de dissoudre", donné aussi aux autres apôtres) n'est pas un pouvoir absolu: c'est un pouvoir suprême (dans le sens qu'il est supérieur à tout autre pouvoir humain), mais il n'est pas absolu ( dans le sens qu'il n'est dissous par aucun autre pouvoir humain, ayant au-dessus de lui l'autorité du Christ, Chef de l'Eglise).

Nous avons traité du "pouvoir des clés" dans un article récent, auquel nous renvoyons. Nous nous limiterons ici à rappeler ce que le Catéchisme de l'Église catholique affirme à cet égard:

553. Jésus a confié à Pierre une autorité spécifique : " Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié " (Mt 16, 19). Le " pouvoir des clefs " désigne l’autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l’Église. Jésus, " le Bon Pasteur " (Jn 10, 11) a confirmé cette charge après sa Résurrection : " Pais mes brebis " (Jn 21, 15-17). Le pouvoir de " lier et délier " signifie l’autorité pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des décisions disciplinaires dans l’Église. Jésus a confié cette autorité à l’Église par le ministère des apôtres (cf. Mt 18, 18) et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement les clefs du Royaume.
(www.vatican.va...)

Donc, le "pouvoir des clés" consiste en l'autorité de gouverner l'Église.
Plus loin, le Catéchisme ajoute :

881. Le Seigneur a fait du seul Simon, auquel Il donna le nom de Pierre, la pierre de son Église. Il lui en a remis les clefs (cf. Mt 16, 18-19) ; Il l’a institué pasteur de tout le troupeau (cf. Jn 21, 15-17). " Mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée, sans aucun doute, au collège des apôtres unis à leur chef ". Cette charge pastorale de Pierre et des autres apôtres appartient aux fondements de l’Église. Elle est continuée par les évêques sous la primauté du Pape.

882. Le Pape, évêque de Rome et successeur de S. Pierre, " est principe perpétuel et visible et fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles ". " En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours librement exercer ".
(www.vatican.va...)

Donc, le pouvoir du Pape est "plein, suprême et universel", mais pas absolu.

Le Concile Vatican I, qui a défini le dogme de la primauté du Pontife Romain (habituellement, on insiste davantage sur l'infaillibilité, sans se rendre compte qu'elle n'est qu'un corollaire nécessaire de la primauté), a déclaré solennellement:

Si donc quelqu'un dit que le pontife romain n'a qu'une charge d'inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l'Eglise, non seulement en ce qui touche à la foi et aux moeurs mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l'Eglise répandue dans le monde entier, ou qu'il n'a que la part la plus importante et non pas la plénitude totale de ce pouvoir suprême ; ou que son pouvoir n'est pas ordinaire ni immédiat sur toutes et chacune des Eglises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles : qu'il soit anathème.
(Denzinger §3064)

Mais comme il y a eu, surtout en Allemagne, des interprétations erronées de la définition en question, l'épiscopat allemand publia une déclaration (janvier-février 1875), ratifiée par la suite par le pape Pie IX, dans laquelle la véritable nature de la primauté pontificale était précisée:

Les décisions du concile du Vatican ne fournissent pas l'ombre d'un prétexte à prétendre que le pape est devenu par elles un souverain absolu et, en vertu de son infaillibilité, un souverain parfaitement absolu plus que n'importe quel monarque absolu du monde. D'abord le domaine de la puissance ecclésiastique du pape est essentiellement différent de celui sur lequel s'étend la souveraineté temporelle des monarques ; aussi les catholiques ne contestent nullement l'entière souveraineté de leur prince sur le terrain civil. Abstraction faite de tout cela, on ne peut pas non plus appliquer au pape la qualification de monarque absolu en matière ecclésiastique, parce que lui-même est soumis au droit divin, et il est lié aux dispositions tracées par Jésus Christ à son Eglise. Il ne peut pas modifier la constitution donnée à l'Eglise par son divin fondateur, comme un législateur temporel peut modifier la constitution de l'Etat. La constitution de l'Eglise est fondée dans tous ses points essentiels sur une ordonnance divine et demeure hors de l'atteinte de l'arbitraire humain.
(Denzinger §3114).

On ne saurait être plus clair!

Pour en revenir à notre question (le sacerdoce féminin), c'est précisément l'un des "aspects essentiels" de la constitution de l'Église, que personne - pas même le Pape - ne peut modifier. Dans l'hypothèse malheureuse qu'un jour un Pape déciderait de changer la discipline actuelle, sa décision serait tout simplement nulle; et les évêques qui imposeraint leurs mains à une femme, ne feraient rien d'autre que lui caresser les cheveux et encourraient l'excommunication latae sententiae réservée au Siège Apostolique (Normae de gravioribus delictis, 21 mai 2010, art. 5, www.vatican.va..).

Par conséquent, je dirais de rester calmes, personne ne pourra jamais attaquer la constitution divine de l'Église.

Commentaire d'un lecteur

Mais ce que veut faire François (et on le voit fort bien dans ses récentes “avancées” sur la peine de mort, quand l’avortement, la PMA et la GPA sont des sujets plus brûlants et autrement plus urgents), c’est bouleverser l’enseignement de l’Eglise. Si ce qui est enseigné depuis 2000 ans peut-être changé, alors pourquoi la Vérité se serait-elle incarnée en la Personne du Fils de Dieu ? Un terrible personnage, ce François. Il croit en effet détenir les clés.