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Le Pape qui "snobe" son pays natal

Après plus de 4 ans de pontificat, François ne s'est toujours pas rendu en Argentine. Pourquoi? (12/7/2017)

La question se pose effectivement, quand on se rappelle avec quelle joie Benoît XVI avait effectué dans sa patrie bavaroise l'un de ses tout premiers voyages apostoliques, en septembre 2006 (et quel accueil triomphal il y avait reçu, au point que ses ennemis avaient dû monter en catastrophe une fausse "affaire", avec le discours de Ratisbonne, pour ruiner sa popularité).
Quant à Jean-Paul, il s'est rendu à pas moins de 9 reprises en Pologne, dont la première fois en juin 1979, huit mois après son élection au Trône de Pierre, dans des conditions difficiles puisque sa patrie était encore sous le joug communiste.
Cette réticence de François à se rendre dans son pays natal surprend d'autant plus. Craindrait-il de recevoir un camouflet? Ou que les médias, au moins les plus indociles d'entre eux, ressortent pour l'occasion quelque "cadavre dans le placard"? (sans exclure, naturellement, les explications toutes simples données par ses thuriféraires).

Andrea Zambrano est allé puiser dans les blogs et dans la presse d'Argentine des (tentatives de) réponses à ces question. Non sans souligner que le principal quotidien, La Nacion, ne ménage pas (plus?) vraiment "le Pape venu du bout du monde".

Amis, visites déniées - l'Argentine «charge» Bergoglio

Andrea Zambrano
www.lanuovabq.it
12 juillet 2017
Ma traduction

* * *

Pourquoi le pape François ne se rend-il pas dans son Argentine? Ces jours-ci, la question devient un mystère dans le débat austral animé des journaux. A Buenos Aires, on ne parle que de cela. Surtout après que la Salle de presse du Vatican ait annoncé les étapes du troisième voyage en Amérique latine du Pape venu du bout du monde: Pérou et Chili le 15 Janvier prochain, ensuite Colombie. Ces pays s'ajoutent au Brésil, à la Bolivie, au Paraguay et à l'Equateur. Certes, sous la Croix du Sud, il y a encore beaucoup de pays qui n'ont encore jamais vu la papamobile de Bergoglio, mais la dernière annonce a déçu, et pas seulement les Argentins, qui espéraient que cette fois, c'était la bonne. Surtout après le récent forfait d'une visite en Novembre, annulée avant même d'être annoncée.

Bref: commentateurs, journalistes et même politiciens ont commencé à s'interroger avec une malice mêlée d'incompréhension: pourquoi le pape snobe-t-il son pays? A la question, il n'y a pour le moment pas de réponse, mais seulement les versions toutes faites de commentateurs considérés comme très proches de Bergoglio dans un pays dont la moitié des habitants se prévaut de relations de connaissance avec le pape, souvent vantées. Lesquels [commentateurs] justifient son énième "non" par des raisons d'opportunité politique ou avec l'excuse que dans le monde il y a 11 guerres, la faim en Afrique, et que le pape ne peut pas se permettre de se soucier de son pays. C'est Alicia Barrios, journaliste désormais accréditée comme amie de François qui se charge de transmettre cette lecture. Au point que son émission sur radio Rivadavia s'intitule <La bergogliana>, ce qui en dit long.

Un qui au contraire plaide pour les raisons d'opportunité politique est le dirigeant péroniste Julio Barbaro, lui aussi proche de Bergoglio pour lui avoir rendu deux fois visite durant ces années. Selon Barbaro, la division politique de la classe dirigeante argentine est le principal obstacle à la venue du Pape. Position similaire à celle exprimée par Monsignor Sánchez Sorondo de l'Académie pontificale des Sciences, lui ausi argentin, qui dans une interview a déclaré: «Le Pape ne va pas en Argentine pour ne pas aggraver les fissures et pour ne pas jeter du sel sur les blessures qui traversent le pays depuis des temps immémoriaux», faisant référence à la bataille sans merci entre les deux dirigeants politiques du passé et du présent: le président Mauricio Macri et l'ex-locataire de la Casa Rosada, Cristina Kirkner, plus vivante que jamais comme chef de l'opposition.

En fait, si l'on regarde de près les dernières chroniques, le pape a effectivement envoyé des messages à son pays, mais selon certains, tous dans une seule direction: les deux plus éclatants, que les médias reprochent souvent à l'ex-archevêque de Buenos Aires, ce sont, tout d'abord, la lettre de soutien à l'activiste Milagro Sala [voir en français ICI], qui a fini en prison pour différents délits, parmi lesquels violence et détournement de fonds. La chose, précédée par l'envoi d'un chapelet et de souhaits que tout se passe pour le mieux, a scandalisé le comité des femmes victimes de la pasionaria aujourd'hui incarcérée, qui se sont dites offensées par ce geste. Il ne semble pas que Bergoglio ait répondu à leur lettre; l'autre visite, que les médias ne reprocheront pas au Pape, est celle à Hebe de Bonafini, leader des Madres de Plaza de Mayo (Mères de la Place de Mai), pasionaria extrémiste taxée d'«incontinente verbale» qui dans le passé a accusé le pape de toutes sortes de complicité avec le régime de la guerre sale et qui aujourd'hui a fait la paix [avec lui] lors d'une rencontre avec une séance de photos pour la presse, que beaucoup, sur le Rio de la Plata, n'ont pas apprécié.

L'évêque de San Juan de Cuyo, [où il vient d'être nommé le mois dernier], Jorge Lozano, qui a rencontré le pape au Vatican, s'est chargé de calmer le jeu: récemment, il a déclaré que Bergoglio viendra bientôt en Argentine, répondant ainsi au site <cronista.com>, qui avait même avancé des différends entre Bergoglio et l'épiscopat argentin.
Quand? «Il m'a dit qu'il avait très envie de venir. Il avait prévu une visite en Novembre, mais étant donné qu'il y a des élections au Chili, il a dû la reporter. Ainsi, il en finira avec les pays de la côte du Pacifique et ensuite il programmera une visite en Argentine, en Uruguay et au Brésil, où il a déjà été à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse. Nous n'avons pas encore de date, mais ce sera bientôt».

On en revient toujours au point de départ. Tant et si bien que c'est un journal historiquement ami de Bergoglio qui s'est charger de résumer cette controverse: c'est le journal que l'archevêque de Buenos Aires lisait lorsqu'il était à la tête du diocèse, mais c'est aussi le journal aujourd'hui le plus proche du président Macri.

La Nacion après avoir passé en revue un par un tous les laudatores vantant une amitié avec le pape, jusqu'à soupçonner des squelettes dans le placard et le classique «Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es» a tonné, se référant à la réplique de Sorondo à propos de divisions politiques: « Une autorité qui a pour mission de réconcilier, de pacifier, d'apaiser les passions serait-elle cause de discorde dans son pays? C'est ainsi. Ses amis en sont sûrs: c'est la faute des Argentins».

Un sévère j'accuse qu'à Sainte Marthe, ils doivent avoir lu, tout comme ils doivent avoir lu la conclusion du commentaire de Loris Zanatta sur le principal journal argentin:

«Mais le Pape n'a-t-il pas une responsabilité si sa personnalité divise en Argentine et dans d'autres parties le monde? Si ce sont là ses amis, si son cœur ne bat que d'un côté, s'il a des recettes sur tout (du climat aux retraites, de l'emploi aux migrations, de la pauvreté au développement), s'il bénit certains et condamne les autres, il n'est pas étonnant qu'il divise au lieu d'unir. Pour toutes ces choses, on a inventé la politique. Mais en attendant, la raison pour laquelle il ne vient pas en Argentine reste un mystère».

Bref: ce n'est pas vraiment un journal ultraconservateur ou de tendance sédévacantiste qui «charge» Bergoglio. Nous parlons toujours du journal qui tient dans sa main la classe dite bourgeoise du pays.