Benoit-et-moi 2017
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Les interrogations sur le statut de Pape émérite

... et sur les rapports entre des "deux Papes" d'un théologien italien dominicain, le Père Cavalcoli (24/6/2017)

A propos d'Andrea Grillo, auquel le P. Cavalcoli fait l'honneur d'un long aparté:
¤ Ceux qui veulent faire taire Benoît
¤ Comment se débarrasser du card. Sarah
¤ Les miséricordieux perdent leurs nerfs

J'ai commencé à traduire ce très long article du Père Cavalcoli, un théologien dominicain déjà croisé dans ces pages (il avait été au centre d'une polémique pour avoir osé parler de châtiment divin à propos du séisme d'octobre 2016 en Italie centrale), parce que le sujet (le statut de pape émérite, la relation entre les deux papes, les insultes contre Benoît XVI de la part d'un obscur théologien promu par les médias porte-parole du pape actuel - Andrea Grillo, dont nous avons - trop! - parlé dans ces pages) m'intéresse particulièrement.
Arrivée à la fin de ce travail fastidieux, je dois admettre ma déception sur le contenu, et pour le manque de clairvoyance d'un religieux qui devrait pourtant en savoir au moins aussi long que moi sur les actes et les propos de François (il n'a donc pas l'excuse du manque d'information ou d'avoir été victime de l'influence délétère des médias), et qui n'a pourtant pratiquement pas un mot pour les graves problèmes théologiques soulevés par Amoris laetitia (enfin, à peine une allusion!). En réalité, le Père Cavalcoli n'a pas d'argument à opposer aux critiques contre François, il pratique délibérément la "méthode Coué", pour se persuader (et nous avec) que tout va bien parce qu'il ne peut pas en être autrement, et que l'Esprit veille. Ce qui me semble un peu court.
Par ailleurs, ce qu'il dit de Benoît XVI (qu'il ou qu'on a choisi de reproduire dans le "chapeau" précédant l'article), auquel il reproche son manque de courage, sa renonciation étant selon lui le signe d'une trop faible confiance dans le charisme surnaturel accordé au Sucesseur de Pierre, est non seulement insultant, mais totalement indéfendable (voir remarques à la fin). En outre, rejeter toute la faute, comme il le fait, sur les rhanériens qui auraient infiltré le collège cardinalice, c'est faire l'impasse sur les interventions extérieures et notamment financières qui ont certaineement eu une influence sur la décision du Saint-Père.
L'article reste pourtant très intéressant en ce qu'il permet de comprendre comment les "papistes" (quel que soit leur bord, ici, le P. Cavalcoli est plutôt conservateur) parviennent à tordre purement et simplement les faits et à renverser la logique pour arriver à la conclusion qu'ils avaient prévue longtemps à l'avance: il n'y a rien de grave à reprocher au Pape actuel.
Il y a cependant, dans ce long argumentaire, un passage intéressant, où l'auteur analyse assez finement les lacunes de François (texte en couleur)

J'ai rajouté mes sous-titres entre crochets à ceux du P. Cavalcoli, ainsi que quelques rares commentaires, qui m'ont échappé... J'ai renvoyé mes remarques en note à la fin.

Le succès populaire n'est pas toujours un signe que le prédicateur a annoncé l'Evangile dans son intégralité, scandaleux et irritant pour le monde. Si le prédicateur plaît au monde, ce n'est pas nécessairement un bon signe.
Le message de l'Evangile, en fait, se situe à deux niveaux de contenu, qui apparaissent clairement à partir de l'exemple de Jésus lui-même: l'un, relatif aux besoins et aux droits de l'homme, surtout des pauvres, de ceux qui souffrent, des opprimés.
Mais ensuite Jésus, à un certain point, après s'être rendu crédible avec ces œuvres de charité et de miséricorde et ces enseignements de sagesse humaine commune, passe à l'annonce du 'cœur' du message évangélique, qui est le mystère de la croix et les mystères du salut et de la vie éternell
Jusqu'à présent, le pape François s'est surtout limité au premier niveau. Mais les bons catholiques et les vrais évangélisateurs, et non les masses manoeuvrées par les fourbes et les adulateurs du Pape, attendent qu'il passe au deuxième niveau de prédication, alors qu'il donne l'impression de trop s'attarder sur le premier.

Le rapport entre le Pape François et le Pape Benoît, et l'arrogance d'Andrea Grillo

isoladipatmos.com
12 juin 2017
Giovanni Cavalcoli OP
Ma traduction

* * *

Benoît XVI a trop raisonné en termes humains, il a trop pensé à sa faiblesse humaine - comme il ressort du motif officiel de son acte de renonciation - et trop peu en terme de foi, autrement dit il a trop peu pensé à la force surnaturelle du charisme de Pierre.
Difficile de savoir si c'est à cause de limites objectives insurmontables, indépendantes de sa volonté, par humilité ou par manque de courage et de foi dans le charisme de Pierre. Laissons à Dieu le jugement sur sa conscience et ses responsabilités. Mais le fait en lui-même restera dans l'histoire. Benoît XVI nous a été un exemple de fidélité à la doctrine, mais pas un exemple dans le courage

[Interrogations sur le statut de Pape émérite]

La coexistence et quasi-cohabitation dans le même lieu, l'État de la Cité du Vatican, de deux papes légitimes, dont l'un régnant et l'autre dit émérite, ne s'est jamais produite au cours de l'histoire de l'Église. Tout cela nous amène à nous interroger légitimement sur le mystérieux statut juridique du Saint-Père Benoît XVI. C'est un fait totalement nouveau, qui peut surprendre, mais qui ne doit pas troubler, parce qu'il ne touche en rien la continuité de la tradition et de la succession apostolique, et la primauté du Pontife romain. En effet, le principe monarchique de la direction de l'Eglise est certainement sauf, il ne pourrait pas en être autrement, car il est voulu par le Christ pour l'unité, la stabilité, l'universalité, la justice, la concorde, la liberté, le progrès et la paix dans l'Église.

Bien sûr, c'est un fait légitime d'importance primordiale pour le destin de l'Eglise, en cause ici à son sommet, un fait qui exige cependant l'invention et l'adoption d'expédients et d'arrangements juridiques entièrement nouveaux, permettant de traiter, d'évaluer et de réglementer avec prudence, à la lumière de la foi, cette nouvelle situation, bien qu'il ne semble pas que nous ne soyons totalement privés de cas similaires, comme par exemple l'évêque émérite d'un diocèse ou la démission ou la cessation de la charge du supérieur dans un Institut religieux.

Dans un événement sans précédent comme celui-ci, nous devons voir une manifestation de que le pape François appelle «les surprises de l'Esprit Saint». Apparemment, un fait de ce genre semble indiquer que nous sommes dans une situation qui contraste avec l'essence ou au moins avec le 'bien vivre' de l'Eglise. Si c'était le cas, cette situation devrait sans doute être corrigée, mais on peut prévoir qu'elle ne durera pas longtemps, compte tenu de l'âge avancé des deux pontifes, auxquels nous souhaitons néanmoins une vie longue et sereine, riche de bonnes œuvres et de fruits spirituels.

La possibilité qu'un Pape fasse acte de renonciation était déjà prévue par le droit canon. Mais celui-ci ne réglemente pas ce que doivent être la conduite et le statut juridique du 'renonçant'. L'expression 'Pape émérite' suscite donc des questions chez certains. Ils objectent en effet qu'il est impossible de faire une comparaison avec l'évêque émérite, parce que celui-ci reste malgré tout évêque; mais un Pape qui démissionne n'est plus Pape. Le cas de Benoît XVI est unique dans l'histoire de l'Eglise, sur le plan canonique et ecclésial, parce que dans les très rares précédents qui ont été entegistrés, le renonciateur est toujours retourné au statut précédant l'élection au Trône Sacré. Par conséquent, de l'avis de plusieurs canonistes et théologiens, Benoît XVI devrait revenir à la simple condition de cardinal. En effet, le fait qu'il puisse continuer à s'appeler Pape émérite, peut donner l'impression qu'il veut d'une certaine façon maintenir au moins moralement, sinon juridiquement, une influence spéciale sur le pape régnant, exactement semblable à ce que peut un évêque émérite envers le titulaire. D'autre part, Benoît XVI a professé pleine obéissance au pape François comme Pape légitime dès avant son élection, comme il eut l'occasion de l'affirmer avant que les Cardinaux électeurs se réunissent en conclave pour élire un successeur.

Benoît XVI lui-même, dans une interview avec Peter Seewald, se reconnaît encore pape, mais dans un sens «plus profond et plus intime»; Il dit «maintenir la responsabilité qu'il a assumée dans un sens intérieur, mais pas dans la fonction. A cause de cela, on comprendra progressivement que le ministère papal n'est pas diminué, mais peut-être verra-t-on plus clairement son humanité».

Ceux qui n'approuvent pas l'expression 'Pape émérite' voient d'un oeil plus favorable et comme une chose plus juste, pour ne pas dire naturelle, le fameux exemple de la renonciation du Pape Célestin V, qui entre autres a été fait Saint, lequel, ayant quitté le gouvernement de l'Eglise, est revenu à la simple condition de ce qu'il était avant, un moine.

Pour éclairer convenablement cette situation complexe, pour comprendre sa signification à la lumière de la foi, trouver des voies juridiques pour la résoudre et lui donner une régulation approprié, corriger les défauts et éliminer les risques ou les dangers actuels et futurs, nous nous permettons de suggérer au Pontife régnant, en collaboration avec le Saint-Père Benoît XVI, avec l'aide et les conseils de bons collaborateurs, canonistes, moralistes, ecclésiologues et prophètes, de se prévaloir du quadruple critère de jugement suivant, en gardant toujours à l'esprit la volonté du Christ, le bien de l'Eglise, l'honneur de Dieu et le salut des âmes.

La première vérification à faire, qui ne devrait pas présenter de difficulté est de savoir si cette coexistence de deux papes offense d'une quelconque manière la justice naturelle ou la loi morale chrétienne ou la charité fraternelle. Si la chose passe ce premier contrôle, il faut voir si elle répond à une impulsion de l'Esprit Saint. Si la chose passe aussi cette étape, il faut vérifier si elle contredit d'une manière quelconque la constitution essentielle de l'Eglise et de la papauté. Mais pour faire une oeuvre vraiment sage et adaptée à l'importance spirituelle de la question, il faudra se référer à l'histoire de l'Eglise et aux exemples des saints, où, bien que dans d'autres domaines, l'opérations innovante et surprenante de l'Esprit Saint s'est rendue évidente. Alors seulement, on pourra passer à la mise en place de règles juridiques appropriées non seulement pour ce cas, mais aussi pour tous les cas futurs.

Une chose est certaine, plus de quatre ans après l'acte de renonciation de Benoît XVI, la figure du pape dit émérite n'a pas été instituée, et encore moins insérée dans le Code de droit canonique et réglementé par les lois de l'Eglise, précisément parce que la titre d'«émérite» donnée à un Pontife qui a fait acte libre de renoncement, crée des problèmes peut-être pas faciles à résoudre sur le plan juridique et théologique. Par conséquent, tant que l'émeritat appliqué au Pontife Romain ne sera pas établi et régi par le droit canon, il restera juste une façon de parler pour indiquer une situation inhabituelle et temporaire. Et entre une situation inhabituelle et temporaire, et une institution juridique, la différence qui existe n'est pas une mince affaire.

[Le dérapage d'Andrea Grillo]

UN TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE
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Ces prémisses étant faites, donnons acte au professeur Andrea Grillo d'avait pris en considération le problème grave et difficile du statut juridique de Benoît XVI. Grillo, qui est aussi juriste, s'est aperçu de l'existence d'un espace juridique resté à découvert, et qui en tant que tel a besoin d'être réglementé dans une zone très délicate de la vie de l'Église: rien de moins que le droit pontifical.

Le pape François semble peu se soucier de cette question. Mais à cause de cela, les interventions et opinions les plus bizarres et contradictoires font rage, reflétant comme d'habitude, la douloureuse opposition entre lefebvristes et modernistes, avec comme résultat, d'une part de plaire au monde et aux ennemis de l'Eglise, externes et internes, et de l'autre, de déconcerter et troubler les bons fidèle sur ce qui est la pierre angulaire de la conception catholique de l'Eglise, autrement dit le ministère pétrinien.

Malheureusement Grillo a affronté cette question gravissime et urgente, sans témoigner qu'il se base sur les critères énoncés ci-dessus, mais au contraire, d'une manière superficielle et même irresponsable, comme s'il s'agissait d'expulser ou de punir dans un parti politique, un ex-dirigeant qui veut encore avoir de l'influnce sur son successeur légitime. De plus, le ton de la réprimande du 'miséricordiste' Grillo contre Benoît XVI, montre un état d'esprit factieux et justicialiste et une argumentation apparemment rationnelle, mais en réalité empreinte de sophisme contre le Pape dit émérite, que de façon sybilline il appelle «évêque émérite».

Grillo, à l'instar d'un tribun du peuple de 1789 ou d'un soixanthuitard déclarant la justice sommaire contre les patrons, semble enjoindre plus que suggérer au pape émérite, de s'exiler loin du Vatican et se taire pour toujours, motivant cela par des arguments spécieux et inconsistants, qui montrent seulement la colère de Grillo contre un grand théologien qui l'a percé à jour. C'est pourquoi selon moi Grillo - je m'adresse à lui fraternellement, de théologien à théologien -, pour éviter que croisse la mauvaise réputation qu'il a déjà acquise avec d'autres sorties de ce genre, serait bien avisé de garder le silence. Et s'il veut parler, ce qu'il a le droit et le devoir de faire, à la fois en tant que théologien catholique etcen tant que juriste, il peut parler, mais cum grano salis e cum sobrietate et surtout en évitant d'éteindre le feu avec de l'essence.

Peut-être Grillo ne se rend-il pas compte de la très grave portée de ses jugements dans une situation ecclésiale et ecclésiastique déjà tourmentée et déchirée par des oppositions extrémistes internes persistantes entre les parties adverses des lefebvristes et des modernistes, où les espaces de médiation semblent se réduire de jour en jour, et où le sillon entre les ennemis devient un abîme en raison de l'émergence continue sur la scène de personnages subversifs et délirant, qui se font passer pour des amis et des collaborateurs du Saint-Père, alors qu'en fait, leur catholicisme ressemble à la doctrine de l'Église comme la sorcière des sept nains ressemble à Blanche-Neige.

L'impudence avec laquelle Grillo a accusé Benoît XVI de mépris de la raison pour le simple fait d'avoir soutenu avec de sages paroles la valeur du silence liturgique est vraiment souloureuse, si l'on pense à la force et à l'autorité avec lesquelles - dans le prolongement de ses activités antérieures comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, aux côtés du puissant auteur de Fides et Ratio et dans la ligne des grands papes récents, promoteurs de la raison dans la foi, du bienheureux Pie IX, à Saint-Pie X, Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, le bienheureux Paul VI - il a courageusement et sagement soutenu et défendu la dignité de la raison humaine («l'élargissement de la raison»), comme prémisse à la morale (les «valeurs non négociables»), préambule de la foi et instrument de la théologie, endurant l'opposition de scientistes, irrationalistes, luthériens, moderniste, idéalistes, communistes, francs-maçons et musulmans.

L'idée de Grillo de réduire au silence dans le professeur Joseph Ratzinger l'un des plus grands théologiens du XXe siècle - montrant ainsi être incapable de saisir la force et la noblesse de la pensée de l'homme qui depuis vingt ans a combattu à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi pour les valeurs de la raison et de la foi -, est donc malheureuse et hors de propos.

Grillo semble ignorer ce qui est le droit et le devoir sacré du Pape Benoît, d'exprimer une pensée faisant autorité, en sa qualité de théologien comptant désormais parmi les plus grands théologiens contemporains. Il est tout simplement ridicule de la part de Grillo, infecté par le modernisme, de prétendre enseigner à Benoît comment il doit se comporter envers le pape François. L'accusation de Grillo à Benoît XVI de sortir de son rôle et de gêner François ou même d'interférer dans son autorité apostolique avec sa préface au livre du Cardinal Robert Sarah est absolument infondée. Benoît XVI sait beaucoup mieux que Grillo, dans quels termes et dans quelles limites un théologien peut et doit exprimer sa pensée pour assister le Pape dans son magistère, lui qui comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi émit en 1990 Donum veritatis, une instruction éclairante sur la vocation ecclésiale du théologien.

[Justification de Bergoglio]

Je suis sûr au contraire que le Saint-Père, qui a de la vénération pour Benoît [1] et se le garde auprès de lui, ad manus, comme son conseiller sage et prestigieux, a grandement apprécié [!!] l'intervention humble, serviable et mesurée de Benoît XVI, qui sait parfaitement se débrouiller avec le Souverain Pontife, ayant lui-même conjugué dans sa personne le rôle du pape avec celui de théologien fidèle au magistère.

UNE ENCYCLIQUE ÉCRITE À QUATRE MAINS
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Comme on le sait, l'encyclique du pape François, Lumen Fidei, reprend et complète le travail que Benoît XVI avait commencé et qu'il avait laissé interrompu par son acte de renonciation, si bien qu'on l'a appelée encyclique écrite «à quatre mains». On peut y percevoir un écho de la vénération ratzingérienne pour saint Augustin, élève de Platon comme mystagogue aux mystères de la foi: «Dans la vie de saint Augustin, nous trouvons un exemple significatif de ce cheminement au cours duquel la recherche de la raison, avec son désir de vérité et de clarté, a été intégrée dans l’horizon de la foi, dont elle a reçu une nouvelle compréhension» (n. 33).

Nous savons également combien Benoît XVI a souligné l'apport de la philosophie grecque à la compréhension de la Parole de Dieu expliquée et formulée par l'Eglise dans le dogme. Et de fait, le texte poursuit: «D’une part, saint Augustin accueille la philosophie grecque de la lumière avec son insistance sur la vision. Sa rencontre avec le néoplatonisme lui a fait connaître le paradigme de la lumière, qui descend d’en-haut pour éclairer les choses, et qui est ainsi un symbole de Dieu. [...]
D’autre part, cependant, dans l’expérience concrète de saint Augustin, que lui-même raconte dans ses Confessions, le moment déterminant de sa marche de foi n’a pas été celui d’une vision de Dieu, au-delà de ce monde, mais plutôt le moment de l’écoute, quand dans le jardin il entendit une voix qui lui disait: "Prends et lis"; il prit le volume contenant les Lettres de saint Paul et s’arrêta sur le treizième chapitre de l’Épitre aux Romains. Se révélait ainsi le Dieu personnel de la Bible, capable de parler à l’homme, de descendre pour vivre avec lui et d’accompagner sa marche dans l’histoire, en se manifestant dans le temps de l’écoute et de la réponse» [ibid].

Chez saint Augustin, l'écoute de la Parole de Dieu dans la foi est la préparation et l'introduction à la vision bienheureuse de Dieu dans le ciel. En effet, il est bien conscient qu'ici-bas, on ne peut connaître Dieu que de manière indirecte, par la médiation des créatures, comme dit saint Paul: «Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face» (I Cor 13: 12).

[Méthode Coué - I]

Benoît XVI et François se rencontrent, comme il est juste pour deux papes, dans la reconnaissance de cette fonction essentielle de la raison dans l'acquisition de la foi [2], geste suprêmement important pour le salut des hommes de notre temps, perdu dans la raison avant même de l'être dans la foi. Et si le Pape Benoît insistait tellement en tant que théologien pour mettre en lumière la raison comme base de la foi, le pape François, conscient lui aussi de l'urgence de reconstruire la dignité et les pouvoirs de la raison, oeuvre également à sa manière pour cette noble fin, d'un point de vue de pasteur et non de théologien, quand il exalte les valeurs humaines avec tellement d'insistance, au point de susciter ennui, sinon scandale chez ceux qui voudraient ses discours plus entraînants et plus attentifs aux valeurs spirituelles, au sacré, à la religion et au surnaturel.

Mais déjà Pie XII, qui ne peut certainement pas être accusé d'avoir négligé la spiritualité, s'était aperçu de la nécessité de rétablir l'humain comme condition pour édifier le chrétien et le Bienheureux Paul VI soulignait la nécessité de faire précéder l'évangélisation par la promotion humaine dans un monde qui a perdu la notion de la raison et avec cela-même la notion que l' homme, s'il est vrai que l'homme est un animal rationnel.

[Les lacunes de François]

BENOÎT ET FRANÇOIS SE COMPLÈTENT MUTUELLEMENT
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La chose qui est devant les yeux de tous, ce sont les bonnes relations extérieures et le respect mutuel entre les deux Papes, rapports qu'ils ont exprimés publiquement à plusieurs reprises; ce qui est déjà une bonne base pour affronter et résoudre la question d'un certain contraste à une profondeur plus grande. Dans ma façon de voir, le pape François devrait recueillir et de faire fructifier le riche et précieux héritage de Benoît XVI. Le pape François a voulu donner une impulsion à la réforme du Concile, mais n'était-ce pas aussi l'intention de Benoît? Sauf que Benoît était préoccupé de défendre le Concile contre l'interprétation moderniste rahnérienne. A l'inverse, la manière dont François exalte le Concile aboutit à ce que, parfois, il donne l'impression de se rapprocher de l'interprétation moderniste et on le voit au fait qu'il évite de souligner l'opposition, dont parlait Benoît XVI, entre continuité et rupture autour de la question du rapport du Concile avec la tradition. Il semble que pour François, les problèmes proviennent principalement du pharisaïsme, du conservatisme et de la «rigidité», alors qu'il est bien trop indulgents avec les déviations historiciste, relativistes, mutabilistes, subversives et modernistes, bien plus graves. Il accentue par ailleurs une certaine tendance miséricordiste de la pastorale conciliaire, que Ratzinger avait tenté d'endiguer.

Il faudrait que les deux papes sachent mieux se soutenir, se compléter mutuellement [3] et mieux collaborer, dans l'utilisation des qualités de chacun: Benoît XVI peut aider le pape régnant avec le cardinal Gerhard L. Müller dans la promotion et la défense de la saine doctrine, corrigeant l'oecuménisme opportuniste, peu concluant, et relativiste du cardinal Walter Kasper. Reste à ce jour au pape François la lourde tâche de se prodiguer pour atteindre l'objectif ultime d'Unitatis redintegratio (décret conciliaire sur l'oecuménisme, 21 novembre 1964), toujours rejeté par la ligne Kasper, objectif qui prévoit, une fois supprimés les «obstacles» et les «carences», « l'accès des frères séparés dans la pleine communion avec l'Eglise catholique» (n. 3).

De même , dans le dialogue avec l'islam, il faut que le pape François, fidèle à l'enseignemment conciliaire de Nostra Aetate sur l'islam, qui souligne les points de contact de la théologie islamique avec la théologie chrétienne [????], afin d'offrir à l'Eglise une vision complète de la théologie islamique, intègre l'enseignement conciliaire avec celui du Pape Benoît exprimé dans le fameux discours de Ratisbonne, qui met en évidence l'aspect irrationnel et fataliste du Dieu coranique, que Grillo devrait garder à l'esprit avant d'accuser Benoît d'irrationalisme.

Dans l'affaire de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, le pape François a fait preuve de bienveillance en concédant aux prêtres la permission de confesser et de célébrer des mariages, mais il reste encore l'opposition de la Fraternité aux doctrines du Concile, signalée par Benoît XVI, et l'accusation de philo-protestantisme contre la messe Novus ordo, de la part de l'archevêque Marcel Lefèbvre, toutes choses qui, comme le prédécesseur du Pontife régnant en a averti, «empêchent la Fraternité d'être en pleine communion avec l'Eglise» [cf. w2.vatican.va.

Le pape François pourvoit et remédie à la sensibilité sociale limitée du Pape Benoît - par lui humblement reconnue - [4] avec son infatigable prédication d'ouverture à l'autre, avec l'énonciation des principes de justice sociale et économique, avec des interventions concrètes dans ce domaine, avec la promotion de la miséricorde, de la conversion, du pardon, de la paix et de la réconciliation, sur les grandes questions humanitaires, la façon de faire face à la dégradation morale dans les familles et dans la société, l'éducation des jeunes, l'oeuvre de pacification à mener entre les belligérants, la corruption politique et des moeurs, l'opposition aux fondamentalismes [5] et au terrorisme [6], les problèmes de l'alimentation et de la santé, ceux posés par les inégalités économiques, l'exploitation du travail des enfants et des femmes, le drame de l'immigration et le problème de la survie des immenses masses humaines privées du nécessaire, l'urgence du soin et du respect de la nature, le problème du changement climatique, avec ses conséquences néfastes dans les populations pauvres [7] .

Dans la délicate question de la théologie de la libération, le cardinal Müller met en lumière, en citant certaines des déclarations Gustavo Gutiérrez, les éléments positifs de cette théologie, que le cardinal Joseph Ratzinger, en tant que chef de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a déjà soulignés dans Libertatis nuntius - l'Instruction sur certains aspects de la théologie de la libération de 1986. Le cardinal Müller a dit: «Dans un discours prononcé au milieu des années 80 en présence du cardinal Ratzinger, Gustavo Gutiérrez souligna qu'"il est important que dans une étape finale, l'option pour les pauvres soit une option pour ce Dieu du Royaume annoncé par Jésus-Christ", et il ajouta: "le motif ultime de l'engagement en faveur des pauvres et des opprimés ne réside donc pas dans une analyse de la Société, ni dans l'expérience directe que nous pouvons faire de la pauvreté, et pas non plus dans notre compassion humaine. Toutes ces choses sont des motivations utiles, qui jouent sans aucun doute un rôle important dans nos vies et dans nos relations. Néanmoins, notre engagement de chrétiens repose sur la foi dans le Dieu de Jésus-Christ. Il s'agit d'une option théocentrique et prophétique, qui plonge ses racines dans la gratuité de l'amour de Dieu de, qui la rend nécessaire"».

On sait combien le pape François a de la sympathie pour les aspects positifs de la théologie de la libération, ce qui évidemment ne veut pas dire qu'il ignore le risque [!!!] qu'elle soit contaminée par le marxisme, signalée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans Libertatis Nuntius.

[Méthode Coué - II]

La publication d'Amoris laetitia a fait penser à certains à un conflit entre le magistère du pape François et celui du Pape Benoît, en particulier en référence à l'autorisation de la Communion pour les divorcés remariés. Comme je l'ai expliqué à plusieurs reprises, la possibilité que François concède dans des cas particuliers, comme ceux indiqués par le cardinal Francesco Coccopalmerio, la permission en question, rentre dans sa faculté de réglementer l'administration des sacrements, de sorte que la continuité magistérielle entre les deux Papes reste sauve dans le domaine du dogme, comme du reste il ne pouvait pas en être autrement. Ceux qui créent la confusion dans ce domaine avec leur historicisme situationniste et relativiste, ce sont plutôt le cardinal Kasper et Grillo. Le véritable interprète du document du Pape, indiqué par le pape lui-même, est au contraire le cardinal Christoph Schönborn [!!!].

Le fait que le pape François obtienne dans ses voyages un succès populaire supérieur à celui du Pape Benoît [8] n'est pas tant dû à une meilleure évangélisation ou à une proposition chrétienne plus haute, qu'à une plus grande attention aux aspects anthropologiques et sociaux. Le nombre élevé de non-croyants ou d'anciens ennemis de l'Eglise, et qui le restent, mais qui ne tarissent pas d'éloges pour le pape François, ne semble pas principalement motivé par le fait qu'ils voient davantage en lui l'homme de Dieu et le témoin du royaume Dieu ou peut-être le Vicaire du Christ, mais semble en partie influencé et étourdi par les puissants médias contrôlés par la maçonnnerie, qui présentent habilement au public un pape libérationniste, moderniste, populiste, misericordiste, pro-luthérien, laxiste et permissif [!!!]. Tous défauts que le Saint-Père semble avoir, mais qu'en réalité il n'a pas parce que ce serait trop grave [!!!], bien que son discours ne soit pas toujours clair; l'imprudence de certains de ses choix pastoraux, la dureté de certaines de ses interventions qui ont un goût d'autoritarisme, la partialité de certains de ses jugements qui divisent au lieu d'unir, l'ambiguïté de sa conduite morale, qui sent l'opportunisme, semblent favoriser cette interprétation.

Le succès populaire n'est pas toujours un signe que le prédicateur a annoncé l'Evangile dans son intégralité, scandaleux et irritant pour le monde. Si le prédicateur plaît au monde, ce n'est pas nécessairement un bon signe. Le message de l' Evangile, en fait, se situe à deux niveaux de contenu, qui apparaissent clairement à partir de l'exemple de Jésus lui-même: l'un, relatif aux besoins et aux droits de l'homme, surtout des pauvres, de ceux qui souffrent, des opprimés. En effet, Jésus commence sa prédication en appelant à la conversion et en exhortant aux bonnes œuvres, en annonçant la venue prochaine du royaume de Dieu, royaume de la miséricorde, du pardon, de la liberté, de la justice et de la paix, et en accomplissant des miracles. Les foules, de façon compréhensible, sont très satisfaites d'un tel bienfaiteur, et accourent en foule vers le Seigneur, lui tressant des louanges. Mais ensuite Jésus, à un certain point, après s'être rendu crédible avec ces œuvres de charité et de miséricorde et ces enseignements de sagesse humaine commune, passe à l'annonce du 'cœur' du message évangélique, qui est le mystère de la croix et les mystères du salut et de la vie éternelle, apparemment ardus pour la raison et les intérêts humains, mais en réalité sources de la vraie béatitude, comme par exemple, quand il parle de l'Eucharistie [cf. Jn 6] ou annonce à Pierre sa passion, sans parler du moment où il annonce être le Messie Fils de Dieu juge des vivants et des morts. C'est à ce point que la foule se raréfie, Jésus reste seul et rencontre une opposition telle qu'elle le ménera à la croix.

Jusqu'à présent, le pape François s'est surtout limité au premier niveau, et il a fait du bien. Mais les bons catholiques et les vrais évangélisateurs, et non les masses manoeuvrées par les fourbes et les adulateurs du Pape, attendent qu'il passe au deuxième niveau de prédication, alors qu'il donne l'impression de trop s'attarder sur le premier, par crainte du qu'en-dira-t-on, ou par peur des menaces de l'opposition en provenance du monde, aujourd'hui principalement de la franc-maçonnerie qui a pénétré l'Eglise depuis l'époque du Bienheureux Pape Paul VI, au moyen des modernistes et des rahnériens. Evidemment, le Pape a sous les yeux ce qui est arrivé à Benoît pour avoir annoncé le Christ Crucifié, en particulier dans sa belle et savante trilogie christologique. François avance très prudemment, pour ne pas s'attirer l'agression des modernistes, des rahnériens, des communistes, des luthériens et des musulmans. Il essaie tous les points possibles de contact et de dialogue; et c'est très bien. Mais parfois, il a des expressions à double sens, qui peuvent avoir un sens orthodoxe, mais aussi hétérodoxe, donc facilement exploitables par les ennemis de l'Eglise. Et ce défaut, apte à générer des malentendus, un défaut qui a été critiqué à plusieurs reprises par beaucoup, y compris par de bons cardinaux, ne va pas; il est donc nécessaire qu'il se corrige. De plus, François ne pourra pas se taire indéfiniment sur les erreurs des ennemis de l'Eglise. Et puis, selon moi, il ferait bien de mettre dantage en lumière ce qui est la substance originelle de l'Evangile, dont il parle trop peu. Demandons à l'Esprit Saint et à l'intercession de la Sainte Vierge d'accorder au pape François la force de résister à ces ennemis et de les vaincre.

[La faute à Rhanner et à la franc-maçonnerie]

COMMENT ET POURQUOI EN EST-ON VENUS À CETTE SITUATION? ET COMMENT PEUT-ON EN SORTIR?
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Ce que nous pourrions éventuellement nous demander, c'est pourquoi et à cause de quels événements ou pour quelles raisons l'Eglise se trouve aujourd'hui à avoir deux papes en même temps et comment les relations entre eux pourraient et devraient être envisagées et réglementées.

Les récentes interventions d'Andrea Grillo à ce sujet, donnent l'impression, comme on dit, d'un éléphant entré dans un magasin de porcelaine. On ne pourrait en effet rien imaginer de plus grossier et injurieux contre Benoît XVI, ni de plus clairement courtisan et obséquieux envers le pape François. L'incapacité de Grillo à atténuer, comme il se doit, le contraste incontestable mais sans gravité [!!] existant entre l'aristocratique pastorale ratzingerienne et celle populiste de Bergoglio est évidente. Il faut au contraire par tous les moyens oeuvrer pour favoriser la collaboration entre les deux papes pour le bien de l'Eglise.

Il faut également noter que depuis l'époque du Bienheureux Pape Paul VI a commencé à apparaître de plus en plus clairement, pour atteindre l'évidence palpable actuelle, que la papauté est l'objet, de la part de la franc-maçonnerie, d'une opération systématique d'encerclement et d'isolement du reste de l'Eglise, visant à préserver l'institution en lui rendant l'hommage d'un respect apparent, mais en réalité à en neutraliser l'action de gouvernement, afin de la vider de sa valeur propre, voulue par le Christ, à la rétrograder à une simple fonction symbolique ou de représentation, sur le modèle de la monarchie britannique ou de la présidence des Nations Unies ou des patriarches orthodoxes ou des pasteurs protestants, tandis que le gouvernement effectif de l'Église serait confié à un groupe de pouvoir moderniste, longa manus de la franc-maçonnerie, issu des rangs de l'épiscopat et du collège des cardinaux. Et l'instrument théologique qu'a utilisé et qu'utilise la franc-maçonnerie pour conduire cette opération est la théologie de Rahner, laquelle, se faisant passer pour la théologie du Concile Vatican II, grâce à une persévérance méthodique et à une excellente organisation, richement financée par la franc-maçonnerie, a pénétré subtilement dans les établissements d'enseignement de l'Eglise, sans que la papauté ait réussi à l'empêcher, de manière à obtenir un épiscopat et un collège cardinalice rahnérien, soumis non à la papauté, mais à la franc-maçonnerie. De nos jours, cette colossale opération diabolique est en grande partie réussie. Cela a conduit à une Église maçonnique - l'Église moderniste - au sein de l'Église catholique. Certains l'appellent «néo-église». Utilisons plutôt l'expression correcte: c'est une FAUSSE Église.

A propos de Rahner, certains pourraient me rappeler qu'en fin de compte, Ratzinger et Rahner collaborèrent ensemble dans les travaux du Concile Vatican II. C'est vrai. Mais quand Ratzinger a été élu au trône sacré, beaucoup d'eau avait coulé sous le pont. En effet, comme le raconte Ratzinger lui-même dans l'entretien avec Seewald, et comme il ressort de l'histoire de la théologie post-conciliaire, une fois le Concile terminé, Joseph Ratzinger se rendit compte que Rahner, sous le masque du progressiste - dans lequel il n'y a rien de mal - était en réalité un moderniste, ce qui est clairement une hérésie. À ce point, Joseph Ratzinger, qui entendait rester fidèle au Magistère de l'Église, a commencé non seulement à prendre ses distances avec Rahner, mais à l'attaquer sévèrement, comme il le méritait. En réponse, Rahner et ses compères Kung et Cie ont déclaré la guerre à Joseph Ratzinger, une guerre qui est toujours en cours.

Saint Jean-Paul II, pour sa part récompensa le courage de l'archevêque Joseph Ratzinger, le faisant en 1981 préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi [9]. Le conclave de 2005 le récompensa encore en l'élisant Souverain Pontife. Mais en attendant, les puissants rahneriens qui avaient pénétré le Sacré Collège, réussirent à gagner la faveur des pro-rahneriens, inversant ainsi de favorable à défavorable l'orientation envers Benoît.

[Méthode Coué - III]

C'est ainsi qu'est arrivé l'acte de renonciation de Benoît XVI, après qu'on l'eût poussé dans une situation intenable. Peu de temps après, Benoît XVI a été remplacé par le pape François, qui dans l'esprit des rahnériens devait être leur instrument docile, manœuvrable à volonté. Mais ils ont mal fait leurs comptes. Il leur a échappé que le pape François, malgré toutes ses limites humaines, est le Vicaire du Christ. C'est pourquoi le pape François tiendra fermement le gouvernail de l'Eglise, malgré sa manoeuvrabilité apparente.

L'acte libre de renonciation du Pape Benoît, advenu comme il l'a déclaré lui-même en toute liberté et sans aucune contrainte, s'explique donc comme la volonté de ne pas se prêter à cette opération abjecte, de ne pas céder à cette imposition, et en même temps suppose la conviction de ne pas réussir à y faire face. Quelqu'un qui se bat contre un ennemi trop fort, abandonne, refusant de céder à ses requêtes ou d'adhérer ou de prendre part à ses mauvaises intentions et de se laisser utiliser par lui. Ce fut le choix de Benoît, dicté en pleine liberté et conscience. Cependant, dans ce choix, il y a un aspect louable et un aspect répréhensible. L'aspect louable, c'est que le fin théologien qu'était Ratzinger connaissait la tromperie et la séduction du modernisme, raison pour laquelle il refusa absolument de s'en rendre complice. L'aspect répréhensible, c'est que Benoît XVI a trop raisonné en termes humains, il a trop pensé à sa faiblesse humaine - comme il ressort du motif officiel de son acte de renonciation - et trop peu en terme de foi, autrement dit il a trop peu pensé à la force surnaturelle du charisme de Pierre [10].

Dans les siècles précédents, de nombreux pontifes romains ne s'étaient-ils pas trouvés dans des situations similaires? Pourtant, ils n'ont pas fait acte de renonciation, ils ont résisté jusqu'au bout, et certains ont affronté le martyre. Le chef d'une entreprise ne possède pas de charisme divin qui lui permet de rester toujours à son poste, mais le chef de l'Eglise si, il le possède en vertu de la promesse et de la volonté du Christ, qui l'assiste à travers l'oeuvre et les actions de grâce de l'Esprit Saint [cf. Lc 22, 31-34; Jn 20: 19-29]. Benoît XVI, cependant, ne s'en est pas tiré. Difficile de savoir si c'est à cause de limites objectives insurmontables, indépendantes de sa volonté, par humilité ou par manque de courage et de foi dans le charisme de Pierre. Laissons à Dieu le jugement sur sa conscience et sa responsabilité. Mais le fait lui-même restera dans l'histoire. Benoît XVI nous a été un exemple de fidélité à la doctrine, mais pas un exemple dans le courage [11].

Le Pape Benoît a fait acte de renonciation parce qu'il s'est aperçu qu'il était trahi jusque par ses plus intimes collaborateurs, comme l'a montré claiement l'affaire Paolo Gabriele. Et parce que la croix était devenue trop lourde, il ne s'est pas senti de continuer à travailler avec des collaborateurs déloyaux. «Le pape, - dit Benoît - rencontre tous les jours la croix [...] Si un pape ne recevait que des applaudissements, il faudrait se demander s'il ne fait pas quelque chose de mal [...] Le Pape sera toujours un signe de contradiction ... mais cela ne signifie pas qu'il doit mourir sous la hache». Il ne lui est pas interdit de se soustraire à une charge trop lourde. Benoît s'est trouvé à un certain point entouré de collaborateurs déloyaux, modernistes et rahneriens. Et il s'est rendu compte que, dans ces conditions, il n'était plus en mesure de gouverner l'Eglise, entravé par ceux qui devaient le plus l'aider.

Le pape François, quant à lui, caractère plus énergique et coriace, conscient que l'Eglise doit avoir un guide, bien qu'au courant de la situation, s'est remis avec confiance entre les mains de l'Esprit Saint, entamant une action extrêmement difficile, avec laquelle d'un côté il sauve l'essentiel du ministère pétrinien; mais de l'autre côté, il doit céder sur des points secondaires pour éviter le pire. Mais il a déjà dit que, pour l'amour du Christ, il est prêt à affronter le martyre [!!!].

En attendant, l'opération des francs-maçons et des Judas a atteint un tel point de maturité, qu'après des décennies d'ascension vers le pouvoir, et d'effondrement de la papauté, ils sont désormais arrivés tout près du trône de Pierre, au sein de la secrétairerie d'État elle-même. La marmite est prête, il manque le couvercle. Mais il n'y aura jamais de couvercle, parce que, comme le dit l'adage, le diable fait les marmites, mais pas les couvercles.
La vraie Église résistera, sous la direction du Pape, malgré l'opération que la maçonnerie tente en ce moment pour le convaincre, entre flatterie et menaces, l'entourant de faux collaborateurs, de céder à sa propre conception de la papauté, non pas comme guide de l'Eglise mais simplement comme représentant et expression de la collégialité des croyants.

Remarques

[1] Il la cachait bien au début, et aujourd'hui, il la brandit comme une auto-justification.

[2] En ce qui concerne François, cette prétendue "rencontre" ne saute pas aux yeux, c'est le moins que l'on puisse dire

[3] Mais leurs situations respectives ne peuvent en aucun cas être mises sur le même plan; Benoît n'est pas libre de dire ce qu'il veut, il n'a plus aucun pouvoir, et de toute façon, il est probable qu'il ne le souhaite pas. Sa seule façon de "collaborer" avec le pape régnant, c'est la prière, que le P. cavalcoli, curieusement, semble oublier.

[4] Pour moi, cette prétendue "limitation" (même si Benoît XVI lui-même l'a évoqué par humilité en conversant avec Seewald), est un cliché grossier répandu par les médias, mais qui ne reflète en rien la réalité, si l'on se souvient la délicatesse et de l'empathie qu'il a témoignées envers toutes les soufrances humaines, y compris matérielles: tremblement de terre, chômage, et même le rapt de la petite Maddie, etc..

[5] En pratiquant sciemment l'amalgame entre le fondamentalisme islamique, source flagrante de violences quotidiennes dans le monde entier, et l'attachement à la tradition de groupes catholiques isolés et inoffensifs

[6] Sans jamais le qualifier, cf. [5]!!

[7] Le tout couronné par une encyclique "écolo" où l'on reconnaît la patte de gourous de l'ONU et autres spins doctors, comptant parmi les pires ennemis de l'Eglise

[8] Ce qui reste totalement à prouver, et qui à mon avis est faux. Personnellement, j'étais aux Invalides en 2008, et j'ai vu des foules immenses, pacifiques et recueillies. Des amies pourraient témoigner de la foule non moins immmense des JMJ de Madrid. De toute façon, les fidèles qui viennent pour ce genre d'évènement, viennent voir LE pape, et pas TEL OU TEL pape. Enfin, les vues de la Place Saint-Pierre lors des angelus dominicaux, prises par la webcam et non par les agences de presse complaisantes, ne trompent pas, montrant la maigre affluence. Sans parler du flop de l'année de la foi....
[9] Je ne pense pas que c'était la motivation de JPII, ou alors simplement par ricochet: en dehors de la simple sympathie humaine, il y avait le désir de conforter et d'"assuer" son pontificat par la présence d'un théologien prestigieux et sûr
[10] Je ne peux évidemment en aucun cas partager cette analyse, ne pouvant pas imaginer un seul instant qu'un homme aussi profond que Benoît XVI ait pu 'trop peu pensé' avant d'accomplir un pas aussi décisif

[11] Je fais mien le commentaire de cet internaute:
"Les mots que vous utilisez envers Benoît XVI manquent de générosité, parce que de fait, il a vécu un martyre tout au long de son pontificat (constamment moqué par la pensée dominante, mal compris et désobéi par la plupart des membres du clergé et trahi et abandonné même par ses intimes).
...
La renonciation a été au contraire un acte d'abnégation, de courage exemplaire dans la reconnaissance de sa propre inaséquation [cela aussi est à voir!] dans le gouvernement de l'Eglise, un témoignage fort d'abandon total à Dieu pour «continuer le bon combat» avec l'arme ultime de la prière.
"