Benoit-et-moi 2017
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Peur sur le Vatican

Le P. Ray Blake, qui fut signataire en 2016 de "l'appel de 45 théologiens" explique pourquoi cette fois il n'a pas signé la Correction Filiale. Un témoignage fort, à lire absolument! (3/10/2017)

Le Pape en colère (lors du voyage au Mexique, en février 2016). Une image qui rompt avec la légende hagiographique

Le Père Hunwicke, venu de l'anglicanisme, signataire de la Correction filiale, offre quotidiennement au lecteur, sur son blog Liturgical Notes - sur le ton d'un humour britishissime savoureux (pas toujours accessible aux non-autochtones...), épicé d'une grosse dose de culture classique dont je le soupçonne d'(ab)user juste pour faire enrager ses ennemis et leur permettre de le traiter de pédant! - d'intéressants sujets de réflexion, surtout quand ils ne sont pas trop longs, car il n'est pas facile à traduire, il est même coriace au traducteur automatique...
Le billet du 29 septembre intitulé Fear Fear Fear Fear Fear Fear Fear Fear Fear ("peur", répété 9 fois!) appartient à cette catégorie.
Father Hunwicke y parle de son amitié pour le Père Ray Blake (un autre invité récurrent de ces pages), et renvoie à son billet de la veille, où ce dernier expliquait pourquoi il n'avait pas signé la Correction Filiale, bien qu'il ait été sollicité de le faire, ayant précedemment signé, comme le Père Hunwicke, l'appel des 45 théologiens de l'été 2016 (cf. benoit-et-moi.fr/2016/actualite/lappel-des-45-rendu-public).

C'est un témoignage de première main, extrêmement significatif, et une réponse imparable à ceux qui balaient l'opposition au Pape comme le fait d'un groupe très marginal, dont le fracas médiatique serait inversement proportionnel à l'importance numérique (ce qui ne serait d'ailleurs pas un argument en sa défaveur!!)

Après avoir illustré les circonstances dans lesquelles il avait fait la connaissance de son confrère et lié amitié avec lui, le Père Hunwicke poursuit:

J'en suis maintenant convaincu: il y a mieux à faire que de signer la Correction Filiale (...) Le P. Ray, en publiant son compte-rendu franc et exhaustif de l'atmosphère actuelle dans l'Église de Jorge Bergoglio, a probablement fait plus de bien qu'il n'aurait pu en accomplir en utilisant simplement sa signature. Merci, Père.

Beaucoup de gens excellents m'ont demandé ce qu'ils pouvaient faire dans cette crise actuelle. Eh bien... assurez-vous simplement que le billet du Père Ray soit connu de tous les catholiques, laïcs, ecclésiastiques, épiscopats. En particulier, si vous entendez quelqu'un dire que peu de membres du clergé ont signé la Correctio... laissez-les faire... ce genre de truc est tout simplement déplacé.
(liturgicalnotes.blogspot.fr)

Signer ou ne pas signer

marymagdalen.blogspot.fr
28 septembre 2017
Father Ray Blake

* * *

On m'a demandé de signer la Correction filiale, j'avais signé l'année dernière la lettre des 45 universitaires et pasteurs, et j'ai presque immédiatement trouvé les chars du Cardinal Nichols garés sur ma pelouse pour m'informer de son mécontentement, ce qui était assez léger contrairement à d'autres signataires laïcs, qui ont été licenciés de leur emploi dans des institutions catholiques, le Dr Josef Seifert étant le plus prestigieux d'entre eux [cf. La miséricorde bergoglienne a encore frappé]. Je l'admets, j'ai peur de signer et je connais d'autres prêtres qui partagent ma peur. Beaucoup de ceux qui auraient pu signer ont, au cours des quatre dernières années, une certaine crainte à propos de leur position dans l'Église.

Rome et ceux qui entourent le Pontife sont certainement devenus plus vicieux dans sa défense, ne s'engageant jamais dans des débats intellectuels, mais se contentant d'attaquer comme des loups voraces ou d'intimider ceux qui posent des questions comme si c'étaient des enfants. Le climat est mauvais dans toute l'Eglise, à Rome il est carrément toxique. Sous François, le Vatican est devenu un lieu de peur et d'oppression arbitraire, comme en témoigne l'éviction du Cardinal Müller par le Pape, et auparavant, le licenciement de deux prêtres de la CDF, et parmi les laïcs, celui de Libero Milone, l'ancien Vérificateur général des comptes, et bien d'autres. Ce n'est pas seulement en théologie que 2+2=5, ou n'importe quel nombre choisi par le Pape ce jour-là, cela s'étend à la moralité et à la décence humaine ordinaire, c'est finalement une attaque grave contre la rationalité de la foi catholique et la rigueur intellectuelle.

Les attaques abusives contre quiconque pose de légitimes questions filiales ou contre des personnes comme le cardinal Burke, les 4 cardinaux des Dubia, ou les Cardinaux Sarah ou Müller, par des gens comme Austen Ivereigh, Rosica ou Spadaro, ne font que reprendre les propos du notoirement excessif cardinal Madriaga, membre éminent du Conseil des Neuf du Pape, ou les insultes inconvenantes adressés aux fidèles catholique par le Pape lui-même. Ne parlons même pas des manigances et manipulations entourant le Synode sur la Famille

Les hommes qui gouvernent l'Église ne sont même pas bons dans le sens mondain, comme l'a dit l'ancien Préfet de la CDF: "le pouvoir est devenu plus important que la vérité". Il serait facile de s'attarder sur les parties fines gays abritées dans la Cité du Vatican et sur l'avancement de ceux qui ont un agenda homosexuel, ne suscitant apparemment aucune réaction, pas même un licenciement. En ce qui concerne la mauvaise gestion financière et la corruption, cela pourrait être de la poudre aux yeux qui masque l'inaction, John Allen semble penser que c'est là le principal gros problème. En fait, peut-être parce que François centralise et que 2+2 = n'importe quoi qu'il décide, beaucoup à Rome suggèrent que les choses n'ont jamais été pires, un "royaume de brigands" comme l'a décrit un ancien Nonce.

Les diocèses ne sont pas Rome, mais ils reflètent Rome, cardinaux et évêques intimident le clergé et les fidèles; si François a fait quelque chose, c'est de mettre en lumière une profonde fracture dans l'Église, marquée par la montée tout à fait extraordinaire d'une faction Ultramontaine/Libérale contre ceux qui restent fidèles. Beaucoup d'évêques, qui sont souvent choisis non pour leur fidélité au Christ, ni pour la profondeur de leurs connaissances ni pour leur fibre morale, pas même pour leurs capacités pastorales, mais pour leurs compétences administratives, sont bien heureux de se ranger du côté de cette faction qui a en ce moment le pouvoir, passant par opportunisme du Wojtylanisme ou du Ratzingerianismle convaincus au Bergoglianisme.

L'une des principales raisons de ma réticence à signer est donc ma peur et ma lâcheté.

Une autre raison est que comme n'importe quel autre catholique, j'aime éprouver un profond respect pour la personne du Souverain Pontife, ce n'est pas de l'Ultramontanisme ou de l'inconditionalité, mais j'ai du mal à l'accuser directement d'hérésie ou de la promouvoir, ou même de la tolérer. Certains diront peut-être que les preuves sont accablantes, je ne peux pas le contester, mais il y a un peu de moi qui espère contre l'espoir, parce que franchement avoir un pape qui est hérétique, qui promeut ou qui tolère l'hérésie est si horrible pour l'Église que je préférerais remettre cela à plus tard. Je me sens plus à l'aise avec cette idée que le Pape est faible, malade, manipulé par ses ministres.
J'admire ceux qui ont signé, un ami qui a signé a dit que la question est "Que feraient Saint John Fisher et Saint Thomas More?"

En ce moment, je suis comme la majorité des prêtres que je connais, qui restent silencieux et prient pour que la question ne leur soit pas posée.

Je sais que ce n'est pas digne du Christ, la conscience dit une chose, la peur et l'intérêt personnel, ce que certains appellent la prudence, disent autre chose.

Deux jours plus tard, le Père Blake rajoutait un post-scriptum à don billet du 28:

Signer ou ne pas signer #2

marymagdalen.blogspot.fr
30 septembre 2017

* * *

Je parlais à un frère prêtre, un autre qui est profondément préoccupé par l'état de l'Église aujourd'hui, l'intimidation et le détournement de l'enseignement de Jésus-Christ et des Écritures. Il a dit qu'on lui avait aussi demandé de signer la Correctio, mais il ne l'avait pas fait parce qu'il n'avait tout simplement pas eu le temps de lire Amoris Laetitia.

Il a dit que, bien que saint Jean-Paul II ait écrit de longs documents, Amoris Laetitia était aussi long que tous les documents papaux existants jusqu'au règne de saint Jean-Paul II. C'est vrai. Il m' a fallu plus de deux semaines pour lire AL alors qu'Humanae Vitae peut être lue en moins d'une heure, Pasteur Aeternus en deux fois moins. Mon ami, profondément conscient du besoin de rigueur intellectuelle, a dit qu'il pensait que le grand problème pour lui était que certaines parties d'AL étaient incohérentes.

Je soupçonne que beaucoup de nos Pasteurs, y compris des Cardinaux, n'ont pas lu ce document non plus et font la promotion de ce qu'ils "comprennent" que le document dit, ou ce que leur Conférence épiscopale dit, ou ce que leur journal "catholique" préféré, ou le ciel nous en préserve de ce que dit le journaliste le plus bruyant. C'est un peu comme la remarque de Benoît XVI sur les deux Conciles - le Concile des médias et le vrai Concile.

Le Pape encourage cette négligence en envoyant les gens qui s'interrogent sur son sens chez le Cardinal Comte von Schönborn ou "Tucho" ou quelque obscure Conférence épiscopale, comme Malte. La situation ne s'améliore lorsqu'il apparaît que le Pape lui-même pourrait ne pas comprendre, voire qu'il n'a pas lu ce qui a été écrit pour lui et quels sont les problèmes - lorsqu'on l'interroge sur la note controversée, il répond qu'il ne s'en souvient pas. Je voudrais interroger quelques prélats sur le thomisme du document.

Je suis sûr que tous les signataires de la Correction Filiale ont lu AL, ce qui m'inquiète, c'est de savoir si ceux qui se sont exprimés pour ou contre sur internet l'ont fait ou même en possèdent un exemplaire.
Je peux comprendre que beaucoup de gens sans formation théologique soient sérieusement mal à l'aise sur la direction (peut-être "style" serait-il un meilleur terme) politique, théologique, intellectuelle ou même vestimentaire que prend le Pape pour l'Eglise - cela ne devrait pas être traité à la légère, cela fait partie du sensus fidelium - l'instinct de l'Eglise, qui est souvent ignoré (églises, couvents, séminaires vides en est un signe).

Ce que j'essaie de dire, c'est que ce n'est pas parce que quelqu'un comme mon ami n'a pas signé la Correction Filiale qu'il est contre, il soutiendrait sans doute ceux qui l'ont signée, mais ce qu'il désire, c'est une correction formelle et publique d'un Pape ou un autre Successeur des Apôtres, plutôt que le simple esprit de corps, ou le comportement instinctif. L'Église de Jésus-Christ n'est pas une foule, le grand défaut du Pape François est qu'au lieu de rassembler le troupeau, il le disperse, en envoyant beaucoup de gens dans le désert ou fuir dans la confusion et la peur.