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Trump, l'autre face du "système" (II)

Suite et fin de l'analyse de Federico Dezzani: le "triangle" inédit Washington-Moscou-Tel Aviv (19/1/2017, mise à jour le 20)

>>> Cf.
Trump, l'autre face du "système" (I)

La prévision est comme on le sait un art difficile, il va de soi que je laisse l'auteur reponsable de celles auxquelles il se risque dans cette deuxième partie...

Après tout, on peut fermer les yeux si derrière la victoire de Trump se cachent le sempiternel Goldman Sachs et la droite israélienne: la possibilité offerte aux populismes européens de secouer le joug de l'UE / OTAN est à ne pas manquer. Le «Pouvoir», usé et divisé, y laisse des plumes: ce serait dommage de ne pas en profiter.

L'administration Trump dans les starting-blocks: ceux qui se réjouissent et pourquoi
Deuxième partie

Seront sans aucun doute satisfait de la victoire de Trump, ceux qui lui ont ouvert les portes de Goldman Sachs: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et la droit israéliene la plus extrême: le Likoud n'avait pas digéré les tentatives de Barack Obama d'effectuer un changement de régime "soft" en Israël contre Netanyahu, ni les ouvertures à l'Iran selon la clé “divide et impera” («diviser pour régner») faites par les administrations démocrates, ni l'hostilité contre l'expansionnisme israélien sur les territoires palestiniens. C'est tout sauf un hasard si l'un des derniers mouvements de Barack Obama a été la retentissant abstention des États-Unis au Conseil de sécurité des Nations unies, abstension qui a permis l'adoption d'une résolution contre les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est: l'administration sortante a donc asséné un dernier coup à Tel-Aviv, pour se venger du soutien apporté à Donald Trump dans la campagne électorale.

A partir du 20 Janvier, à travers le gendre du président, le jeune et influent Jared Kushner, le Likoud israélien et Bibi Netanyahu auront ainsi un canal direct et privilégié avec le nouveau lovataire de la Maison Blanche: “Israel’s right celebrates Donald Trump’s victory” titrait CNN le 14 Novembre décrivant la satisfaction de la droite israélienne pour la victoire Trump et l'archivage de la décevante ère Obama.

L'Etat d'Israël, le plus sensibles aux changements de forces au Moyen-Orient, est par ailleurs depuis des années en train de se rapprocher avec la Russie : la nomination en tant que ministre de la Défense du russophone Avigdor Lieberman a scellé le rapprochement de Tel-Aviv et Moscou, de plus en plus influente dans la région et incontournable pour l'avenir de l'Etat juif. Au contraire, les relations entre Israël et l'Union européenne, un produit de l'establishment 'liberal', sont presque aussi orageuses que celles entre Netanyahu et Obama: souvenons-nous, par exemple, de la récente crise diplomatique après la décision par Bruxelles d'étiqueter les produits en provenance des territoires palestinien occupés [cf. www.lemonde.fr]. Le Likoud a donc un agenda clair - détente des relations entre les Etats-Unis et la Russie et parallèlement rupture des relations entre Washington et Bruxelles -, et il est confiant de pouvoir le réaliser à travers le nouvel occupant de la Maison Blanche.

Benjamin Netanyahu n'aurait-il pas pu obtenir le même résultat en investissant sur Hillary Clinton? Non, parce que la priorité de la candidate démocrate, comme produit de l'establishment 'liberal', aurait été l'élimination de la Russie en tant que centre de pouvoir alternatif au pouvoir atlantique, même au prix d'une guerre avec Moscou. Dans le même temps, Clinton aurait fait tout son possible pour sauver l'Union européenne, fruit politique de l'OTAN et instrument principal pour contenir l'influence de la Russie sur le Vieux Continent.

Cela nous amène au deuxième grand gagnant des élections du 8 Novembre, après Benjamin Netanyahu, Vladimir Poutine: ayant conjuré un scénario de guerre dans le cas où Hillary Clinton, victorieuse aux élections, aurait décidé d'intervenir militairement en Syrie, le président russe se sera certainement réjoui en lisant les dernières interviews de Donald Trump à deux journaux européens, le Times anglais et le Bild allemand.

Le futur locataire de la Maison Blanche a confirmé ses visions sur l'Union européenne et l'OTAN, déjà anticipées dans la campagne électorale: le Royaume-Uni a fait le bon choix en abandonnant l'Union européenne et signera bientôt un accord commercial avantageux avec les États-Unis, d'autres pays d'Europe suivront son chemin, la chancelière Angela Merkel (“the Liberal West’s Last Defender” pour le 'liberal' New York Times) a commis une erreur catastrophique en ouvrant toutes grandes les portes aux immigrés, l'OTAN est «obsolète» et défectueux, «parce qu'il a été conçu il y a de nombreuses années». Le futur président des Etats-Unis, isolationniste et realpolitiker, n'a donc pas hésité à attaquer les deux piliers sur lesquels depuis 70 ans s'appuie l'hégémonie atlantique en Europe, en vue d'une partition du continent en zones d'influence, pour le bénéfice de la Russie.

Effectuons la preuve par neuf: existe-t-il une preuve de l'entente entre les deux présumés "metteurs en scène" occultes de l'élection de Trump, Benjamin Netanyahu et Vladimir Poutine? Des relations fréquentes et solides ont été établies au cours des 18 derniers mois entre les deux hommes politiques, unis par la haine d'Obama, et la presse la plus dévouée n'a pas laissé échapper l'étrange activisme russo-israélien qui a précédé et suivi l'élection du Trump (“Netanyahu’s Sweet Temptation Is to Seal the Trump-Putin Deal” cf www.haaretz.com, "How Putin and Netanyahu are exploiting the transition”, cf. www.politico.com)

Ceux qui croyaient à une amélioration immédiate des relations entre les Etats-Unis et la Russie, ont peut-être été surpris par les récentes paroles du futur Secrétaire d'Etat, l'ancien directeur d'Exxon Mobil, Rex Tillerson ( «la Russie représente un danger et les alliés de l'OTAN sont à juste titre préoccupés), du futur chef de la CIA, Mike Pompeo («Après le groupe Etat islamique, la Syrie et l'Iran, la Russie est la plus grande menace pour la sécurité américaine» ) et du Secrétaire de la Défense, le général Michael Flynn («la Russie est la principale menace pour la sécurité nationale et veut briser l'OTAN») mais il faut remettre ces déclarations dans le contexte approprié: les audiences devant les Commissions du Congrès, lequel s'annonce comme le principal frein à l'action de Trump en politique étrangère dans les années à venir. Le nouveau cours des Etats-Unis sera l'œuvre d'un seul homme aux commandes, qui suivra la partition «suggérée» par les Israéliens et les Russes.

En dernière analyse, l'installation de la prochaine administration sanctionnera la naissance d'une triangulation (*) inédite entre Washington, Tel-Aviv et Moscou, aux dépens de l'establishment 'libera'l: Trump pourra se retirer en bon ordre du Moyen-Orient et d'Europe (s'acquittant du même coup du soutien reçu pour son élection à la Maison blanche), Netanyahu aura un allié compréhensif à la Maison blanche et un nouveau garant de la sécurité d'Israël au Kremlin, Poutine sera compensé par le démantèlement de l'Union européenne et le redimensionnement à la baisse de l'OTAN. C'est un pacte à trois, qui décrétera l'archivage définitif de l'ordre mondial 'liberal' , à la seule exception d'Israël qui échappera au déclin américain en s'abritant sous le parapluie de Moscou, allié de fer également de la Syrie, de l'Iran et de la Turquie et garant d'une "Pax russa" dans la région.

L'Union européenne est, dans ce nouveau contexte, condamnée à une mort certaine: pour Trump c'est l'héritage d'une époque révolue, pour Netanyahu c'est un outil gênant dans les mains des 'liberal', pour Poutine c'est un frein au dynamisme russe vers l'ouest.

Après tout, on peut fermer les yeux si derrière la victoire de Trump se cachent le sempiternel Goldman Sachs et la droite israélienne: la possibilité offerte aux populismes européens de secouer le joug de l'UE / OTAN est à ne pas manquer. Le «Pouvoir», usé et divisé, y laisse des plumes: ce serait dommage de ne pas en profiter.

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NDT
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(*) En géométrie et trigonométrie, la triangulation est une technique permettant de déterminer la position d'un point en mesurant les angles entre ce point et d'autres points de référence dont la position est connue, et ceci plutôt que de mesurer directement la distance entre les points (wikipedia).

J'ai hésité dans la traduction de "triangolazione", mais à la réflexion, ce terme technique me semble bien décrire la réalité.

fin

Mise à jour

A quelques heures de la prestation de serment de Donald Trump, et alors que les médias s'agitent frénétiquement dans une ultime tentative de pré-mandat pour délégitimer le nouveau Président, voici le commentaire de Nathalie D au premier des deux articles. Je n'aurais pas osé comparer Trump et Benoît XVI, au moins publiquement, mais à bien y réfléchir, il y a une grande ressemblance dans leur traitement par les médias:

«(...) la tension est si élevée que le côté des perdants, celui des 'liberal' et de George Soros, se résignera difficilement à la gifle subie et essaiera par tous les moyens d'évincer Trump avant la fin de son mandat (révolution de couleur, campagnes diffamatoires, procédures d'impeachment, etc. , etc.) ».

L'auteur prévoit un scénario semblable à celui qui a fini par épuiser Benoît XVI. On commence dès l'élection, puisque l'entreprise de destruction a bien marché pour le Pape Benoît. Mais Trump n'est pas un leader spirituel et il ne se laissera pas faire et il est plus jeune. Ceci dit, il est sûr que les médias s'appliqueront à le faire haïr par le peuple avec des affaires montées de toute pièce, comme pour Benoît.

Pour le dernier point, cela commence déjà très fort: selon un sondage d'opinion, "huit français sur dix auraient une image négative du nouveau président".
La faute à qui?
A comparer avec l'obamania massive qui s'étaient emparée des français en 2008, alors que personne ne connaissait Obama, et qu'à ce jour, il reste pour le tout monde "Mister Nobody from nowhere" (selon Piero Laporta, citant Scott Fitzgerald) n'en déplaise à ses thuriféraires enragés comme Daniel Cohn-Bendit, célébrant ce matin avec des trémolos dans la voix sur une radio commerciale "le rêve Obama" qu'il opposait au "cauchemar Trump".