Après le pape pasteur, le pape docteur

Magistrale (et hilarante) reconstruction par le "Super Ex" de Marco Tosatti, de la genèse du "Lettergate". Très bien vu! (24/3/2018)

 

Au début, il y avait le bon pasteur.
Les autres fake news ont suivi...


Marco Tosatti
24 mars 2018
Ma traduction

* * *

Au début, c'était le bon pasteur. Après le pape théologien, un peu timide et gauche, enfin un pape affable, capable de parler à tout le monde, même aux plus simples.

C'était la première grande fake news à être inventée. Transformer Bergoglio, d'homme réservé, sévère, dur, comme tout le monde le connaissait, Benoît XVI compris (il le dit dans 'Dernières conversations', mais Bergoglio lui-même l'a laissé échapper), en pape du sourire.

On n'a pas regardé à la dépense: journalistes, artistes, présentateurs, chanteurs, nains et danseurs, et même comiques comme Roberto Benigni, ont été mobilisés. Et voilà (en français dans le texte): voilà le «Pape Pasteur» fabriqué, emballé, vendu. Le pape pasteur, parce que grâce à Dieu il ne s'occupe pas de doctrine et d'ennuyeuse théologie !

Dans une opération sans pudeur, on a même essayé de le comparer à un homme aux antipodes par rapport à lui: Albino Luciani. Un pasteur de grande doctrine; un moraliste rigoureux; un homme vraiment étranger à toute mondanité, au point de négliger de construire 'mondainement' une réputation d'antimondain.

Cette rhétorique du «bon pasteur» a été construite pendant des années, en accordant une attention particulière aux gestes: comme sur un plateau de tournage. «Bergoglio ne parle pas avec les encycliques, il parle avec les gestes, les baisers, les téléphones portables, la spontanéité...», et en avant la préparation artificielle d'actions «spontanées»: appels téléphoniques spontanés, rencontres spontanées, porte ouverte à tout le monde, sauf les Franciscains de l'Immaculée, les 5 cardinaux dubitatifs, l'Ordre de Malte.... Mais pour tous les autres, oui....

Cependant, avec le temps, la surexposition médiatique a lassé, la stratégie cinématographique a commencé à faillir et à fatiguer, parce que les films peuvent durer jusqu'à un certain point: puis il devient clair qu'il s'agit de fiction. Et c'est là que la même équipe est entrée à nouveau en action: «Contre-ordre, Bergoglio n'est pas seulement le bon pasteur, c'est aussi un docte théologien!» C'est un peu comme de dire qu'Eugenio Scalfari n'est pas seulement un journaliste, c'est aussi un profond philosophe!

Comment en faire la démonstration? Comment redresser la trajectoire? C'est une chose de produire à rythme soutenu des interviews, le seul genre dans lequel Bergoglio excelle, c'en est une autre de transformer un jésuite latino-américain du XXe siècle, formé par un professeur communiste, resté aux lieux communs archi-rabâchés des années 1970, en un homme de doctrine. Aïe, la doctrine ! La terrible doctrine ! Les grands méchants doctrinaires!

Eh bien non, contre-ordre, comme nous l'avons dit: Bergoglio est aussi un «homme de doctrine». Et voilà la tentative de Massimo Borghesi de retrouver les traces des maîtres de Bergoglio, et même de construire une «biographie intellectuelle» (cf. fr.zenit.org). Il faudrait pourtant que quelqu'un s'en aperçoive, de la stature philosophique et théologique de Berggoglio! Mais rien, malheureusement.....

Et finalement, la trouvaille: une collection (ou plutôt une mini-collection) théologique pour le pape: pasteur, mais aussi théologien, mince alors!

Mais comment affirmer l'inaffirmable, dire l'indicible, sinon en demandant au vrai pape théologien un sceau, une confirmation, même deux lignes à amplifier jusqu'à la démesure, avec la stratégie médiatique habituelle.

C'est ainsi qu'est née la triple fake news de Viganò: dans la tentative de construire autour d'une table, après le pape pasteur, le pape docteur. Ce sont les deux fake news, mère et père, dont dérivent toutes les autres.

Mais 'il tempo è galantuomo' et avec le temps, tout finit par sortir [ce qui est précisément le sens de cet aphorisme italien: 'le temps est galant homme', car il rétablit la vérité, ndt]

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