"Changement de paradigme"

Les attaques contre 'Humanae Vitae' et le démantèlement du magistère de Jean-Paul II. Qui sont vraiment les loups? (6/2/2018)

 

Le démantèlement du magistère de saint Jean-Paul II


Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it
5 février 2018
Ma traduction



De nombreux commentateurs ont observé qu'avec le «changement de paradigme» encouragé par François à partir d'Amoris laetitia, l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI est désormais en phase de démantèlement. Il vient à l'esprit l'image de certains chantiers navals où sont démolis les vieux navires, qui ne sont plus en mesure de naviguer en mer.

Bien que le pape ait parlé de «génialité prophétique» de ce texte, sa réfutation est en cours, et le Père Maurizio Chiodi, membre de la nouvelle Académie Pontificale pour la Vie, en a été l'interprète principal dans la conférence «Relire Humanae vitae à la lumière d'Amoris laetitia» [ndt: cf. Settimo Cielo] qui s'est tenue à l'Université Grégorienne le 14 décembre dernier.

La contribution de Chiodi, a souligné Avvenire, correspond à un «dépassement» de l'encyclique de Papa Montini. Humane vitae, écrit le quotidien, fait partie en effet d'une tradition qui «ne doit pas être sclérosée mais rendue dynamique, c'est-à-dire conforme à une société en mutation».

En pratique, Chiodi a soutenu que la contraception artificielle est non seulement possible, mais dans certains cas nécessaire: tout est dans le «discernement» face à la réalité concrète. Et Mgr Vincenzo Paglia, président de l'Académie Pontificale pour la Vie renouvelée par François, d'ajouter plus tard: «Les règles sont pour faire vivre les êtres humains, pas pour faire fonctionner les robots», et donc «elles requièrent un processus d'évaluation qui doit tenir compte de l'ensemble concret des circonstances et des relations dans lesquelles la personne se trouve».

Si l'on considère qu'une commission d'étude créée au Vatican pour reconstruire la genèse d'Humanae vitae du point de vue historique et documentaire est en place depuis un certain temps déjà, il est évident que le «dépassement» n'est pas seulement en cours, mais dans une phase déjà plutôt avancée.

A ce point, cependant, le «dépassement» ne concerne pas seulement Paul VI, mais aussi saint Jean-Paul II, qui a toujours rejeté les raisons de ceux qui s'opposaient à Humanae vitae.
« Il ne s'agit pas d'une doctrine inventée par l'homme: elle a été inscrite par la main créatrice de Dieu dans la nature même de la personne humaine et a été confirmée par lui dans la révélation», disait Karol Wojtya en 1988 (discours aux participants au IIe Congrès International de Théologie Morale), vingt ans après l'encyclique de Montini. «La remettre en question équivaut donc à refuser à Dieu lui-même l'obéissance de notre intelligence. Cela équivaut à préférer la lueur de notre raison à la lumière de la sagesse divine, tombant ainsi dans l'obscurité de l'erreur et finissant par saper d'autres pierres angulaires fondamentales de la doctrine chrétienne».

Comme Sandro Magister l'a rappelé opportunément, saint Jean Paul II, également grâce à la contribution du regretté Carlo Caffarra, refusait l'idée subjectiviste selon laquelle la conscience, en elle-même, peut légitimer la norme morale. En fait, Papa Wojtyla soutenait:
« Durant ces années, à la suite à la contestation d'Humanae vitae, la doctrine chrétienne de la conscience morale elle-même a été remise en question, acceptant l'idée d'une conscience créatrice de la norme morale. De cette façon, ce lien d'obéissance à la sainte volonté du Créateur, dans laquelle se trouve la dignité humaine, a été rompu radicalement. La conscience, en effet, est le "lieu" dans lequel l'homme est illuminé par une lumière qui ne dérive pas de sa raison créée et toujours faillible, mais de la sagesse de la Parole elle-même, dans laquelle tout a été créé».

La norme morale, expliquait saint Jean-Paul II, ne peut être modifée au point de transformer en bien ce qui est mal, en ordonné ce qui est désordonné et la Mère Église a le devoir de le rappeler:
« Paul VI, en qualifiant l'acte contraceptif d'intrinsèquement illicite, a voulu enseigner que la norme morale est telle qu'elle n'admet aucune exception: aucune circonstance personnelle ou sociale n'a jamais pu, ne peut pas et ne pourra jamais rendre un tel acte ordonné en soi. L'existence de normes particulières concernant l'agir de l'homme dans le monde, dotées d'une telle force contraignante qu'elles excluent toujours et quelles que soient les circonstance la possibilité d'exceptions, est un enseignement constant de la Tradition et du Magistère de l'Église qui ne peut être remis en question par le théologien catholique».

Avec le «dépassement» d'Humanae Vitae, c'est donc aussi le magistère de Papa Wojtyla qui est remis en cause, à partir de ces authentiques piliers de l'enseignement de saint Jean-Paul II que sont l'exhortation Familiaris Consortium de 1981 et l'encyclique Veritatis splendor de 1993.

Il convient de noter que saint Jean-Paul II aussi se référait au discernement, mais d'une manière très différente de celle indiquée par le nouveau paradigme.

Dans Veritatis Splendor, par exemple, il expliquait:
« En m'adressant à vous dans cette encyclique, frères de l'épiscopat, j'entends énoncer les principes nécessaires au discernement de ce qui est contraire à la "saine doctrine", en rappelant ces éléments de la doctrine morale de l'Église qui semblent aujourd'hui particulièrement exposés à l'erreur, à l'ambiguïté, ou à l'oubli».

A propos d'erreur et d'ambiguïté, voici ce qu'écrivait l'Osservatore Romano en février 1989 dans une note intitulée «La norme morale d'Humanae vitae et le devoir pastorale»:
«Le devoir d'appeler par leur nom le bien et le mal dans le domaine de la procréation responsable, a été accompli, avec un amour très fidèle pour le Christ et les âmes, par Paul VI, en particulier avec son encyclique Humanae vitae. Le Saint-Père Jean-Paul II a accompli et continue d'accomplir le même devoir, en pleine cohérence avec le Concile Vatican II et avec l'encyclique rappelée aujourd'hui. L'affirmation que la norme morale d'Humanae vitae en matière de contraception - dans le sens qu'elle interdit un acte intrinsèquement désordonné -, n'admet pas d'exceptions, fait partie de ce devoir précis. Une telle déclaration n'est nullement une interprétation rigide et intransigeante de la règle morale. C'est tout simplement l'enseignement clair et explicite de Paul VI, à plusieurs reprises répété et reproposé par le Souverain Pontife actuel. En vérité - peut-on lire dans l'encyclique Humanae vitae - "s'il est licite, parfois, de tolérer un mal mineur pour éviter un mal plus grand ou pour promouvoir un bien plus grand, il n'est pas licite, même pour des raisons très graves, de faire le mal, afin qu'il en sorte le bien, c'est-à-dire de faire objet d'un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement désordonné du point de vue moral et donc indigne de la personne humaine, même dans l'intention de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux"».

Comme on peut le voir, des tons et des contenus bien différents de ceux proposés aujourd'hui par les partisans du nouveau paradigme.
D'où l'impression que le magistère de saint Jean-Paul II est désormais entré aussi dans ce chantier de démantèlement. Mais sans oublier que, comme l'expliquent les techniciens, les travaux de démolition sont toujours parmi les plus dangereux.

Aldo Maria Valli

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