McCarrick: le Pape savait dès le début

Le témoignage-choc de Mgr Vigano, ex-nonce aux Etats-Unis, qu'il a confié à Marco Tosatti (26/8/2018, mise à jour ultérieure).

>>> Le témoignage complet en italien:
temoignage-vigano.pdf [340 KB] (*)

Ce témoignage explosif se passe de commentaires. Il est introduit par Marco Tosatti lui-même sur son blog, Stilum Curiae.
Me rendant ensuite sur le site du quotidien La Verità, j'ai réussi à télécharger l'article signalé par Tosatti, et j'ai traduit le tout.
C'est un document exceptionnel, espérons que quelques médias honnêtes feront leur travail, et auront le courage de lui donner la résonnance qu'il mérite.

Stilum Curiae

---
McCarrick: le Pape savait tout depuis 2013. Il l'a "couvert" pendant 5 ans. La dénonciation du nonce aux USA Vigano


26 août 2018
www.marcotosatti.com

* * *

Le Pape Bergoglio connaissait depuis 2013, immédiatement après son élection, tous les méfaits du Cardinal Theodore McCarrick. Non seulement il a choisi de ne rien faire, mais le cardinal McCarrick a même été l'un de ses conseillers privilégiéspour les nominations des évêques et des cardinaux dans l'Église américaine. Dans la pratique, le Pontife régnant a "couvert" pendant cinq ans le cardinal, coupable d'avoir abusé sexuellement de dizaines de séminaristes et de jeunes prêtres.

C'est la dénonciation explosive de l'archevêque Caro Maria Viganò, ancien secrétaire pour l'État de la Cité du Vatican et nonce aux États-Unis. A ce titre, il avait personnellement informé le Souverain Pontife de la situation du cardinal prédateur homosexuel.
La dénonciation est contenue, avec beaucoup d'autres détails, dans un document-témoignage de dix pages, que l'archevêque nous a confié, sur lequel nous avons travaillé ensemble
et qui est publié aujourd'hui par La Verità.
Entre autres choses, Mgr Viganò révèle que le Card. McCarrick avait déjà été soumis par Benoît XVI à une punition analogue à celle reçue ces dernières semaines, mais que le cardinal Wuerl, archevêque de Washington, n'a en réalité jamais appliquée ; et que le pape Bergoglio a en fait annulé depuis le moment de son élection.

Bien entendu, nous vous recommandons de lire le document complet [340 KB] , et l'article qui l'accompagne dans le journal en kiosque. Pour l'instant, nous nous limitons à publier une brève déclaration de l'archevêque, expliquant la raison d'une telle révélation sensationnelle, et concluant par l'exhortation au Pontife d'agir envers lui-même comme il a dit qu'il voulait agir envers les évêques responsables de la couverture : c'est-à-dire avec sa démission.

Voilà ce que dit l'archevêque Viganò :

«La principale raison pour laquelle je révèle cette information maintenant est la situation si tragique de l'Église, à laquelle seule la vérité peut remédier, de la même manière qu'elle a été gravement blessée par les abus et les interceptions [lors des Vatileaks?]. Je le fais pour protéger l'Église : seule la vérité peut la rendre libre.

La deuxième raison est de décharger ma conscience devant Dieu de ma responsabilité d'évêque pour l'Église universelle. Je suis un vieil homme et je veux me présenter à Dieu avec la conscience propre.

Les secrets dans l'Église, même ceux du Pape, ne sont pas tabous, ce sont des instruments pour la protéger, elle et ses enfants, de ses ennemis. Les secrets ne doivent pas être utilisés pour des conspirations.

Le peuple de Dieu a le droit de connaître toute la vérité, même sur ses pasteurs. Ils ont le droit d'être dirigés par de bons pasteurs. Pour pouvoir leur faire confiance et les aimer, ils doivent les connaître ouvertement dans la transparence et la vérité teles qu'ils sont réellement. Un prêtre devrait être une lumière dans un candélabre toujours, partout, et pour tous.

La Verità

---
L'ex nonce apostolique aux Etats-Unis dénonce le lobby homosexuel dans l'Eglise


26 août 2018
www.laverita.info

* * *

Le vaticaniste Marco Tosatti présente le témoignage de Mgr Carlo Maria Vigano que nous publions aujourd'hui dans La Vérità. Pour la première fois, un archevêque met noir sur blanc le drame de la violence dans les séminaires et pointe du doigt le Pontife.


Ce que vous allez lire est l'un des documents les plus dramatiques et les plus importants qu'il m'ait été donné de lire en près de quarante ans de couverture de l'information religieuse (et en un demi-siècle de journalisme). C'est le témoignage écrit et signé par un archevêque de la Sainte Eglise romaine, Carlo Maria Vigano, qui fut nonce aux Etats-Unis, et avant cela, responsable de missions très délicates; et la raison pour laquelle il nous l'a confié est uniquement celle-là: il croit que c'est son devoir précis devant les hommes, et devant Dieu (il a 77 ans, et même s'il jouit d'une excellente santé, à cet âge, il est normal de penser aux bilans), de ne pas rester silencieux. «J'ai réfléchi pendant longtemps, j'ai prié, et en conscience, même si je suis conscient des risques que je cours, je dois parler, je dois dire la vérité. Si je reste silencieux, Dieu me demandera de rendre des comptes».
Le thème est celui, très actuel, des abus dans l'Église, de la présence en son sein d'un lobby homosexuel, et de comment il est possible que le Cardinal Theodore McCarrick, ait pu jouir pendant des années et des années de complicité et de protection, jusqu'à il y a quelques semaines.

Si vous avez la patience - et je vous le recommande - de lire le document en entier, vous trouverez de nombreux noms illustres et beaucoup de matière pour une réflexion sérieuse sur l'état de l'Église. Dans cet article, le sujet sera McCarrick; et qui l'a protégé jusqu'à présent. Dans son témoignage, l'archevêque Vigano nous amène progressivement à une conclusion que nous anticipons brutalement: le Souverain Pontife était au courant dès mars 2013 des accusations - et des mesures prises par Benoît XVI contre McCarrick, et ignorées - et n'a rien fait, jusqu'à il y a quelques semaines, quand la situation est devenue explosive au point d'empêcher toute dissimulation, et que McCarrick a été privé de sa barrette cardinalice. A juste titre, l'archevêque Vigano, se référant aux paroles du Pontife, lui demande d'adopter pour lui-même la même mesure qu'il propose pour les évêques complices d'abus et de dissimulations: la démission.

Vigano fut délégué pour les représentations pontificales à la Secrétairerie d'Etat, et traitait donc de cas délicats, y compris de cardinaux et d'évêques. «Pour dissiper les soupçons insinués dans certains articles récents, je dirai tout de suite que les nonces apostoliques aux Etats-Unis, Gabriel Montalvo et Pietro Sambi, tous deux prématurément décédés, n'ont pas manqué d'informer immédiatement le Saint-Siège dès qu'ils ont appris les comportements gravement immoraux de l'archevêque McCarrick avec des séminaristes et des prêtres. Mais, dit Vigano, «le bureau que j'occupais alors n'a eu connaissance d'aucune mesure prise par le Saint-Siège après cette dénonciation par le Nonce Montalvo à la fin de 2000, lorsque le Cardinal Angelo Sodano était Secrétaire d'Etat. De même, le Nonce Sambi a transmis au Cardinal Secrétaire d'Etat Tarcisio Bertone un mémoire d'accusation contre McCarrick écrit par le prêtre Gregory Littleton du diocèse de Charlotte, réduit à l'état laïc pour viol de mineurs, ainsi que deux documents du même Littleton, dans lesquels il racontait sa triste histoire d'abus sexuels par l'archevêque de Newark de l'époque et par divers autres prêtres et séminaristes».

Vigano rédiga une note sur ces documents: «J'ai écrit pour mes supérieurs, le cardinal Tarcisio Bertone et le substitut Leonardo Sandri, que les faits attribués à McCarrick par Littieton étaient d'une gravité et d'une nuisance telles qu'ils provoquaient chez le lecteur un sentiment de consternation, de dégoût, de profond chagrin et d'amertume et qu'ils constituaient des délits de racolage, sollicitation à des actes obscènes par des séminaristes et des prêtres, répétés et simultanés avec plusieurs personnes, dérision d'un jeune séminariste qui tentait de résister aux avances de l'archevêque en présence de deux autres prêtres, acquittement du complice dans les actes obscènes, célébration sacrilège de l'Eucharistie avec ces mêmes prêtres après avoir commis ces actes. Dans cette note que j'ai remise le 6 décembre 2006 à mon supérieur direct, le substitut Leonardo Sandri, j'ai proposé à mes supérieurs les considérations et lignes d'action qui suivent:
- Etant donné qu'à tant de scandales dans l'Église aux États-Unis, il semblait qu'était sur le point de s'en ajouter un autre d'une gravité particulière qui concernait un cardinal;
- et que, selon le droit, s'agissant d'un cardinal, sur la base du canon 1405, paragraphe 1, point 2, 'ipsius Romani Pontificis dumtaxat ius est iudicand' (seul le Pontife Romain a le droit de juger);
- je proposai que soit prise contre le cardinal une mesure exemplaire qui pourrait avoir une fonction curative, pour prévenir de futurs abus contre des victimes innocentes et apaiser le scandale très grave pour les fidèles qui, malgré tout, continuent d'aimer et de croire en l'Église».

Sandri et Bertone ont conservé cette note, et «elle ne m'a jamais été retournée avec une éventuelle décision».

Une deuxième note, dans laquelle il était conseillé de retirer la barrette à McCarrick et de le punir conformément au Code, n'eut pas de réponse. «Mais finalement, j'ai su avec certitude, grâce au Cardinal Giovanni Battista Re, alors Préfet de la Congrégation pour les Évêques, que la déclaration courageuse et digne de Richard Sipe avait eu le résultat souhaité. Le pape Benoît XVI avait imposé au cardinal McCarrick des sanctions semblables à celles qui lui sont aujourd'hui imposées par le pape François: le cardinal devait quitter le séminaire où il demeurait, il lui était interdit de célébrer en public, de participer à des réunions publiques, de donner des conférences, de voyager, avec l'obligation de se consacrer à une vie de prière et de pénitence».

Vigano ne sait pas exactement si la mesure a été prise en 2009 ou en 2010; mais elle a été prise par Benoît.
Mais comment les sanctions ont-elles été appliquées ? Et là, nous en arrivons aux complicités, locales et romaines»: «Evidemment, le premier à être informé des mesures prises par le pape Benoît fut le successeur de McCarrick au siège de Washington, le cardinal Donald Wuerl, dont la situation est maintenant complètement compromise par les récentes révélations sur son comportement cocomme évêque de Pittsburgh». Le Nonce Sambi et Vigano lui-même lui en parlèrent. De Wuerl, il dit : «Ses récentes déclarations selon lesquelles il ne savait rien (....) sont absolument risibles. Le cardinal ment sans vergogne et incite d'ailleurs son chancelier, Mgr Charles Antonicelli, à mentir aussi. De plus, le Cardinal Wuerl, entièrement au courant des abus continuels commis par le Cardinal McCarrick et des sanctions qui lui avaien été imposées par le Pape Benoît XVI, transgressant l'ordre du Pape, lui permit de résider dans un séminaire à Washington, mettant ainsi en danger d'autres séminaristes».

La partie peut-être la plus importante concerne Jorge Mario Bergoglio : « Le jeudi 20 juin 2013 au matin, je me suis rendu à la Domus Sanctae Marthae, pour rejoindre mes collègues qui y séjournaient. Dès que je suis entré dans le hall, j'ai rencontré le cardinal McCarrick, qui portait la soutane filetée. Je l'ai salué avec respect, comme je l'avais toujours fait. Il a dit tout de suite, sur un ton entre l'ambigu et le triomphant : "Le Pape m'a reçu hier, demain je vais en Chine"». McCarrick avait une longue amitié avec Bergoglio et avait joué un rôle dans son élection.

Vigano, à l'époque nonce aux Etats-Unis, fut reçu par le Souverain Pontife. «Le Pape m'a demandé d'un ton accrocheur: "Le cardinal McCarrick, il est comment?" Je lui répondis en toute franchise et si l'on veut, naïvement : "Saint Père, je ne sais pas si vous connaissez le cardinal McCarrick, mais si vous demandez à la Congrégation pour les évêques, il y a un dossier épais comme ça à son sujet. Il a corrompu des générations de séminaristes et de prêtres et le Pape Benoît XVI lui a ordonné de se retirer dans une vie de prière et de pénitence". Le Pape ne fit pas le moindre commentaire à mes propos si graves et ne montra sur son visage aucune expression de surprise, comme si la chose lui était déjà connue depuis un certain temps, et il changea immédiatement de sujet». En réalité, McCarrick fut pendant des années un grand conseiller du Pape dans les affaires américaines : «Les nominations de Blaise Cupich à Chicago et de William Tobin à Newark ont été orchestrées par McCarrick, Oscar Maradiaga et Wuerl. La nomination de Robert McElroy à San Diego fut elle aussi pilotée d'en haut. Et, affirme Vigano, «McElroy aussi était au courant des abus commis par McCarrick, comme il ressort clairement d'une lettre qui lui a été adressée par Richard Sipe le 28 juillet 2016».
Au vu des faits, l'archevêque Vigano tire les conséquences. «Le Pape François a demandé à plusieurs reprises une transparence totale dans l'Église et que les évêques et les fidèles agissent avec parrésie. Les fidèles du monde entier l'exigent également de lui d'une manière exemplaire. Qu'il dise quand il a eu connaissance des crimes commis par McCarrick, abusant de son autorité auprès des séminaristes et des prêtres. En tout cas, le Pape l'a appris de moi le 23 juin 2013 et il a continué à le couvrir, il n'a pas tenu compte des sanctions que le Pape Benoît lui avait imposées et il a fait de lui son conseiller de confiance avec Maradiaga. En ce moment extrêmement dramatique pour l'Église universelle, qu'il reconnaisse ses erreurs et, conformément au principe proclamé de tolérance zéro, que le pape François soit le premier à donner le bon exemple aux cardinaux et aux évêques qui ont couvert les abus de McCarrick et qu'il démissionne avec eux tous».
L'archevêque adresse ensuite à ses confrères évêques un autre message: «J'implore chacun d'eux, en particulier les évêques, de rompre le silence pour vaincre cette culture d'omertà si répandue, de rapporter aux médias et aux autorités civiles les cas d'abus dont ils ont connaissance. Écoutons le message le plus puissant que Saint Jean Paul II nous ait laissé en héritage : "N'ayez pas peur ! N'ayez pas peur !"».

(*) Mise à jour


Le document a été traduit en français ici: laportelatine.org
A faire circuler!

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.