Document du Vatican sur le 'gender'/genre

Naïveté (?), ambiguïtés, et limites du dialogue. Décryptage de Stéfano Fontana sur La Bussola (14/6/2019)


>>> Le document: eglise.catholique.fr
Pour ceux qui auront le temps... et le courage de le lire! Pour les autres, l'analyse de Stefano Fontana est une bonne "accroche" et met bien en évidence les limites du document en question, qu'il serait déplacé d'accueillir béatement comme l'ont fait certains sites catholiques.

C'est la vérité qui nous fait dialoguer, ce n'est pas nous qui, en dialoguant, produisons la vérité. En d'autres termes, la vérité est là d'emblée et non à l'issue du dialogue. Cela signifie que nous ne pouvons pas dialoguer avec tout le monde et sur tout, que le dialogue n'exclut pas l'annonce, que le dialogue doit souvent être une dispute dure et combative pour défendre la vérité, qu'il est légitime de réfuter le mal et de faire l'apologie du bien même sans dialoguer, que le dialogue peut scandaliser le simple et le faible, etc. Sur ces points, le document reste incertain.

Le document du Vatican sur le genre? Trop de confusion au sujet du «dialogue».


Stefano Fontana
13 juin 2019
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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La publication par la Congrégation pour l'Education Catholique du document «Homme et femme Il les créa» a été diversement reçue dans le milieu catholique. À une lecture attentive, d'un côté, il convient de noter que la complémentarité entre hommes et femmes est définie de façon ferme, avec des références importantes à Jean-Paul II et Benoît XVI. Mais de l'autre, il y a une grave naïveté dans la référence au «dialogue» avec les «études de genre» - qui est le nom sous lequel l'idéologie gender est présentée quand elle veut entrer dans les écoles .


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Il y a quelques jours, la Congrégation pour l'Education Catholique a publié un document intitulé «Homme et femme Il les créa». Ses objectifs sont indiqués dans le sous-titre: «Pour un chemin de dialogue sur la question du genre dans l'éducation».

Les comptes-rendus d'une première réception nous disent que le document a été «diversement accepté»: les catholiques ouverts à une pastorale progressiste se sont plaints de sa structure encore trop rigide, les partisans de la doctrine morale traditionnelle sur ce thème se sont déclarés satisfaits des confirmations et clarifications importantes contenues dans ce texte. L'opinion de l'auteur de ces lignes n'est conforme à celle ni des premiers ni aux seconds.

Il convient indubitablement de signaler que la Congrégation précise de manière plutôt ferme la doctrine morale catholique traditionnelle sur la complémentarité entre l'homme et la femme, que les fuites en avant des théologiens et des pasteurs ont souvent mise en cause. L'idéologie gender est déclarée erronée, injuste et source de souffrance. Elle est aussi ramenée à ses prémisses philosophiques et culturelles, en particulier au principe de la «liberté d'autodétermination». Le fait que la raison correcte, à la fois scientifique et philosophique, ne concède rien à cette idéologie, est bien illustré.

Ce document, qui s'appuie surtout sur le Magistère de Jean-Paul II, fait très opportunément la distiction entre l'ordre de la nature de l'ordre biologique et, ce faisant, remet en piste un concept - précisément celui d'«ordre de la nature» - désormais plutôt dépassé dans la théologie catholique. La Congrégation espère même, selon les paroles de Benoît XVI, que se développera une réflexion qui «recueille la vérité ontologico-métaphysique» de la situation humaine, et affirme qu'«il est nécessaire de réaffirmer la racine métaphysique de la différence sexuelle». La nouvelle pastorale abhorre l'utilisation d'un vocabulaire de ce type et c'est pourquoi ce document doit être reconnu comme ayant le courage d'avoir amené la réflexion au niveau des fondations. De nombreuses observations anthropologiques et celles concernant la famille et la société sont également utiles.

La Congrégation, ensuite, reconnaît que l'idéologie gender est destructrice de «l'écologie de l'homme» en ce qu'elle nie l'unité de l'âme et du corps et l'ouverture à Dieu, car elle nous empêche de reconnaître en nous un don qui nous précède dans la création: la vision créatrice de la personne est remplacée par une vision abstraite de celle-ci, qui choisit qui elle veut être, sans aucune référence et donc dans sa solitude métaphysique.

Le discours du document sur le dialogue est plus faible, bien qu'il en soit l'objet principal. La Congrégation affirme que le dialogue dont elle parle ne concerne pas l'idéologie gender, mais les études de genre, c'est-à-dire «les recherches sur le genre qui cherche à approfondir de façon adéquate la manière dont la diversité entre l'homme et la femme est vécue dans les différentes cultures». L'hypothèse d'une telle distinction est une grande naïveté. L'idéologie gender soutient que dans la culture d'aujourd'hui, la diversité entre homme et femme se vit justement selon le gender. Quand l'idéologie gender prétend entrer dans les écoles, elle le fait en se présentant comme étude de genre, un déguisement facilité par l'utilisation comme paravent du même vocable: genre (gender).

Pour commencer, la Congrégation affirme clairement que le dialogue n'est possible que dans le cas des études de genre et non avec l'idéologie gender (n.6) [*], mais ensuite, tout au long du document, des éléments de dialogue sont aussi proposés avec l'idéologie gender, créant une confusion considérable. Le document maintient les ambiguïtés et les difficultés du concept de «dialogue» durant le post-Concile, que l'on pourrait contrer en rappelant que c'est la vérité qui nous fait dialoguer, ce n'est pas nous qui, en dialoguant, produisons la vérité. En d'autres termes, la vérité est là d'emblée et non à l'issue du dialogue. Cela signifie que nous ne pouvons pas dialoguer avec tout le monde et sur tout, que le dialogue n'exclut pas l'annonce (que le document appelle plus modestement «proposition» [**]), que le dialogue doit souvent être une discussion dure et combative pour défendre la vérité, qu'il est légitime de réfuter le mal et de faire l'apologie du bien même sans dialoguer, que le dialogue peut scandaliser le simple et le faible, etc. Sur ces points, le document reste incertain.

On peut se demander: un groupe de «chrétiens LGBT» au sein d'une école catholique, comme cela s'est produit par exemple à l'Université catholique de Milan, doit-il être admis et reconnu afin de ne pas contredire le dialogue? Devant un projet d'éducation sexuelle gender à l'école, les parents impliqués doivent-ils ouvrir un dialogue ou peuvent-ils protester et demander son retrait ou dénoncer le directeur de l'école qui l'a mis en œuvre en dérogeant aux règles ? Les parents d'une école ne respectent-ils pas la méthode du dialogue s'ils dénoncent l'accord de l'école avec la municipalité et avec des associations telles que Arcigay [la plus grande organisation LGBT italienne] pour la mise en œuvre de projets gender? Si une école catholique traite du problème gender, doit-elle nécessairement inviter des homosexuels ou des transgenres à parler aux élèves afin d'être fidèle à la méthode du dialogue et à la culture de la rencontre ?

A la fin de la lecture du document, il reste une question : faut-il seulement dialoguer avec l'idéologie gender ou faut-il aussi s'y opposer ou, pour mieux dire, la combattre ? L'éducation ne peut pas contourner ce problème.

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NDT
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[*] Pour emprunter la voie du dialogue sur la question du genre dans l’éducation, il est nécessaire de tenir compte de la différence entre l’idéologie du genre et les diverses recherches sur le genre menées par les sciences humaines. Tandis que l’idéologie prétend, comme l’observe le pape François, «répondre à des aspirations parfois compréhensibles» mais cherche à «s’imposer comme une pensée unique qui détermine même l’éducation des enfants»,nce qui empêche la rencontre, il ne manque pas de recherches sur le genre qui s’efforcent d’approfondir de manière appropriée la façon dont on vit dans les diverses cultures la différence sexuelle entre homme et femme. C’est en relation avec ces recherches qu’il est possible de s’ouvrir à l’écoute, au raisonnement et à la proposition.

[**] L’Église – mère et éducatrice – non seulement écoute mais aussi, forte de sa mission originaire, s’ouvre à la raison et se met au service de la communauté humaine, en lui offrant ses propositions (n.30).

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