Eglise d'Argentine : les voyants sont au rouge

Mgr Ojeda, président de la CEA s'exprimant devant l'Assemblée plénière.

Abus sexuels, affaire Zanchetta, béatification de Mgr Angelelli, grogne des évêques réunis pour leur assemblée annuelle: la situation devient préoccupante pour le Pape. Revue, par le blogueur argentin <Caminante> (15/3/2019)

 
Les évêques argentins savent que le problème des abus et des dissimulations en Argentine est beaucoup plus important que ce que l'on pense et ils savent aussi que, pour ce qui est de la dissimulation, le premier à avoir couvert des prêtres abuseurs fut le cardinal Bergoglio.


C'est justement l'un des thèmes abordés dans le dernier billet de Sandro Magister: dans le contexte de la condamnation du cardinal Barbarin pour avoir seulement couvert un prêtre coupable d’abus sexuels, le vaticaniste soulève une question cruciale, qui n’est pas si abstraite qu’il n’y paraît:

Si la manière de traiter le cas d’un évêque présumé coupable ou négligent est encore incertaine, que faire quand c’est le pape en personne qui est mis en cause?
Car c’est bien ce qui est en train de se passer. François n’a pas encore répondu à ceux qui – comme Carlo Maria Viganò, l’ex-nonce aux États-Unis – l’ont accusé d’avoir protégé et promu jusqu’au bout l’ex-cardinal Theodore McCarrick malgré qu’il était au courant de ses nombreux abus. …
En outre, l’ombre d’une autre affaire plane encore davantage sur le pape François, il s’agit de l’affaire de l’évêque argentin Gustavo Óscar Zanchetta…
Là encore, le pape François se tait...
Si jamais cette enquête, une fois remise à Rome, devait confirmer la responsabilité du pape François, il restera encore à voir comment concilier l’exigence d’un juste procès avec le droit canonique qui spécifie au canon 1404 que « Le Premier Siège n’est jugé par personne » mais qui au §2 du canon 1405, spécifie que « à moins d’en avoir reçu au préalable le mandat, un juge ne peut connaître d’un acte ou d’un document confirmé en forme spécifique par le Pontife Romain»

Désaccord et « bronca » à la Conférence des Évêques d’Argentine (CEA)


caminante-wanderer.blogspot.com
12 mars 2019
Traduction de Carlota

* * *

L’Assemblée plénière des évêques argentins a commencé hier et il semble que ce sera une réunion compliquée. Les évêques plus ou moins sérieux sont en désaccord et le montrent avec force. Ceux nommés par François, au contraire, virevoltent au paradis de la tendresse et de la miséricorde.

Dans l’homélie de la messe d’ouverture, le président de la CEA, Mgr Oscar Ojea, a affirmé que « les abus sexuels sont aussi des abus de conscience et partent toujours d’un abus de pouvoir », et que « le pape François a vivement appelé à donner un coup d’arrêt radical à ces situations d’abus », en appelant ses frères évêques « à ne pas dissimuler, même de loin, une dénonciation qui mérite une investigation pour protéger les mineurs et les adultes vulnérables ».

Les prélats argentins ont tout de suite compris qu’Ojea avait parlé pour la galerie (ndt en français dans le texte), car si c’était sérieux, la moitié des présents devrait se retirer. Ils savent que le problème des abus et des dissimulations en Argentine est beaucoup plus important que ce que l’on pense et ils savent aussi que s’il s’agit de dissimuler, le premier qui a couvert des prêtres abuseurs a été le cardinal Bergoglio, comme nous l’avons déjà prouvé sur ce blog. Et il est surprenant que ce soit justement Ojea, évêque de San Isidro, diocèse où se sont produits les cas les plus retentissants d’abus et de dissimulation à l’époque de son prédécesseur, Mgr Casaretto, qui vienne les sermonner sur la tolérance zéro.

Plusieurs évêques sont préoccupés car ils ne savent pas ce qu’ils feront quand l’orage éclatera et que les remontrances des fidèles tonneront en découvrant la sous-culture homosexuelle existante au sein du clergé argentin, qui dans certains diocèses atteint des pourcentages alarmants, et justement au moment où l’épiscopat a renoncé aux apports financiers de l’État, apports qui désormais dépendent de la bonne volonté des laïcs pour leur financement.

Et comble des maux, hier soir, dans un reportage à la télévision, la députée Elisa Carrió a affirmé que Guillermo Moreno (*) a transféré au Vatican durant le gouvernement kirchneriste, de fortes sommes d’argent fruit de la corruption. Bien qu’il soit courant de dire que Carrió est un peu folle, il est certain qu’elle a une énorme crédibilité auprès des Argentins qui n’auront aucun mal à croire que Bergoglio en plus d’être péroniste et ami des personnages politiques les moins présentables est aussi corrompu.

D’un autre côté, la «bronca» de la majorité des évêques, d’après ce que nous a dit un observateur de la CEA, vient de la prochaine béatification de Mgr Angelelli (cf. Une béatification qui divise (III)), à laquelle ils ne trouvent aucun motif et qu’ils considèrent non seulement irrévérencieuse mais aussi complètement folle. Ils ont reçu et remis au Saint Siège des documents et des protestations de beaucoup de prêtres et de laïques qui font de la résistance à l’idée que l’Église place sur ses autels un évêque et trois autres personnages, qui non seulement ont enseigné le marxisme mais ont encouragé le terrorisme comme promoteurs du groupe armé [des] « montoneros » (**).

La seule réponse qu’ils reçoivent à ces suggestions c’est que le Pape est mieux informé et qu’il a la grâce d’état pour savoir qui il béatifie et c’est cela même qui est transmis aux fidèles qui montrent leur mécontentement. Mais l’on sait bien que l’on ne peut pas soutenir cet argument car les évènements des derniers temps démontrent que s’il manque quelque chose à Bergoglio, c’es précisément, une bonne information. Et pour preuve il suffit de feuilleter les journaux des derniers mois.

Nous pourrions concéder que le Pape ne connaissait pas les détails et la gravité du cas McCarrick et des milliers d’abus qui ont eu lieu aux Etats-Unis, mais pouvait-il ne pas connaître ce qui se passait en Argentine ?

Le cas de Mgr Zanchetta (cf. Les amitiés embarrassantes du Pape ) est emblématique car il s’agit d’un ami personnel du Pape François. Le Souverain Pontife a été informé opportunément par les autorités du diocèse d’Orán (ndt province de Salta, Nord de l’Argentine) des scandales impliquant son ordinaire, et il a fait la sourde oreille. Finalement il l’a relevé [de ses fonctions] et l’a désigné pour un haut poste du Vatican, ce qui a contribué à augmenter un scandale dont personne ne peut donner une explication, comme l’a démontré la perplexité de Mgr Scicluna répondant à une question concrète d’une journaliste américaine. « Pourquoi devrions croire les affirmations, données par François de tolérance zéro pour les abuseurs et ceux qui les ont couverts, alors que récemment, il a lui-même couvert Mgr Zanchetta? » a-t-elle demandé.
Et personne n’a été capable de répondre. Et comme si tout cela ne suffisait pas, les médias publient aujourd’hui que cet évêque, accro aux pages pornographiques de contenu homosexuel et aux attouchements sur des séminaristes, participe, invité par le Saint Père, à la retraite spirituelle de la Curie Romaine, comme si rien ne s’était passé.
(Ce n’est pas un cas isolé. Nous apprenons aujourd’hui que Mgr Capozzi, secrétaire du cardinal Coccopalmiero, qui a été découvert il y a quelques mois dans une orgie homosexuelle avec consommation de drogues, et qui, avait-on dit, s’était retiré pour ne vie de prière et de pénitence, a déjà été promu curé dans un diocèse italien).

Bergoglio ne pouvait pas non plus ne pas connaître le cas Mgr Casaretto (ndt évêque émérite argentin né en 1936 à Buenos Aires) qui a protégé le prêtre pédophile Cristián Gramlich et a menacé les victimes d’un jugement au pénal pour calomnie, cas auquel nous avons fait référence d’une manière détaillée sur ce blog. Malgré cela François a mandaté en 2017 Mgr Casaretto pour qu’il enquête sur les dénonciations d’abus sexuels concernant l’évêque auxiliaire de Tegucigalpa [Honduras] sur ses propres séminaristes, mais également sur des malversations économiques. Il ne faut pas s’étonner de cette incohérence car durant des années celui qui était alors le cardinal McCarrick a parcouru le globe en remplissant des charges données par le pape argentin. C’est une honte qu’en Argentine et dans d’autres pays de langue espagnole on utilise le Missel réalisé par Gramlich avec la signature du cardinal Bergoglio, promulgué peu de jours avant la condamnation définitive de son auteur.

L’évident manque d’informations essentielles et sensibles du Pape François a été illustré publiquement avec le cas du Mgr Barros (cf. Barros: le Pape reconnaît ses erreurs (?) ), quand le souverain pontife, énervé, a mal répondu aux fidèles qui l’interrogeaient sur cet évêque chilien, en disant qu’il n’avait aucune preuve mais seulement des calomnies. Finalement, au niveau des instances judiciaires, il a été largement démontré ce que tout le monde savait, excepté le Pape, que non seulement Barros mais plusieurs évêques chiliens étaient directement impliqués dans des cas d’abus sexuel sur mineurs et de dissimulation des faits.

Tout cela porte donc à croire que le Saint Père ne dispose d’aucune information privilégiée qui justifie la béatification d’Angelelli et de ses compagnons et en l’autorisant, il mettra dans de sérieuses difficultés l’Église argentine.

Une question continue à résonner: une personne qui a démontré une incapacité manifeste à gérer l’information et qui a manié d’une façon aussi catastrophique la situation que traverse en ce moment l’Église, est-elle en conditions et a-t-elle la grâce d’état pour la gouverner ?

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Notes de traduction
(*) Secrétaire d’État au commerce intérieur à l’époque de Néstor Kirchner (2006-2007) puis de Cristina Kirchner (2007-2013), et attaché économique de l’ambassade d’Argentine auprès du Vatican, sous Cristina Kirchner de 2013 à 2015
(**) Groupe armé de terroristes péronistes marxistes, en action entre 1970 et 1980

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